Une mémoire politique née avant l’OUA
Le 31 juillet 1962, sous l’égide de Julius Nyerere, Dar es-Salam accueillait seize délégations féminines africaines décidées à inscrire leur action au cœur des luttes d’indépendance. La Conférence des femmes africaines, ancêtre de l’Organisation panafricaine des femmes, précéda symboliquement la création de l’Organisation de l’unité africaine, soulignant la précocité de l’engagement féminin dans la définition de la souveraineté continentale. Ahmed Sékou Touré, Kwame Nkrumah ou encore Modibo Kéita mesurèrent très tôt la valeur diplomatique de cette mobilisation et lui offrirent un soutien politique qui fit école.
Diplomatie de terrain et alliances transcontinentales
Les archives révèlent qu’entre 1962 et 1974, les militantes africaines multiplièrent les missions d’observation, les prises de parole devant les Nations unies et les médiations discrètes auprès des mouvements de libération encore clandestins. « Nous savions que la crédibilité de nos jeunes États passait aussi par notre capacité à parler d’une seule voix », rappelle aujourd’hui Jeanne d’Arc Mujawamariya, actuelle ministre rwandaise de l’Environnement, qui voit dans cette histoire « le premier réseau diplomatique informel d’Afrique ». Au-delà du symbolisme, la JIFA a donc toujours charrié une pratique très concrète de la solidarité, enracinée dans la réalité des théâtres de conflit.
Le rôle singulier du Congo-Brazzaville
Dès le deuxième congrès, à Alger en 1968, l’Union révolutionnaire des femmes du Congo fit sensation en dénonçant, la première, l’occupation des territoires palestiniens. Cette capacité à élargir le prisme panafricain aux enjeux moyen-orientaux conféra à Brazzaville une stature singulière. Sous l’impulsion des autorités congolaises, puis avec l’appui du président Denis Sassou Nguesso, le pays a institutionnalisé le Fonds de promotion de la femme et de l’enfant et intégré des femmes aux plus hautes fonctions diplomatiques. La nomination, en 2021, d’Inès Nganongo comme ambassadrice itinérante chargée des questions de genre illustre cette continuité politique qui conjugue fidélité historique et modernité institutionnelle.
Actualité stratégique de la JIFA
La Journée internationale de la femme africaine reste un laboratoire normatif. Depuis 2015, l’Union africaine y dévoile souvent ses indicateurs de mise en œuvre de l’Agenda 2063 relatifs à l’égalité. Cette année, les discussions portent sur la sécurisation numérique des organisations féminines, à l’heure où les cyber-menaces perturbent la démocratie participative. L’Observatoire congolais des droits des femmes, créé en 2019, présentera un rapport soulignant que 43 % des diplomates en poste à Brazzaville sont désormais des femmes, un chiffre supérieur à la moyenne régionale de 28 %.
Perspectives régionales et internationales
La multiplication des médiations menées par des dirigeantes africaines dans les crises soudanaise et centrafricaine accrédite l’idée d’une diplomatie genrée plus inclusive et pragmatique. Pour l’ambassadeur camerounais Michel Tommo Monthe, « l’agilité relationnelle des envoyées spéciales féminines complète la puissance symbolique de l’Union africaine ». À Brazzaville, le projet d’École panafricaine du leadership féminin, placé sous le haut patronage du chef de l’État, devrait consolider cette dynamique dès 2024. La JIFA, dès lors, n’est pas une simple commémoration ; elle s’impose comme un forum stratégique où s’évaluent, au prisme de l’héritage, les orientations futures d’un continent en quête d’aligner ses ambitions sur la parité et la paix durable.