Semaine culturelle africaine : ce qu’il faut retenir
De Paris à Durban, du BFI Southbank à la Saline Royale, la scène africaine s’invite sur trois continents. Concerts, festivals, expositions et parutions composent une carte bouillonnante où se croisent artistes établis, nouvelles voix et publics avides de rencontres.
La dynamique assume un triple objectif : célébrer les patrimoines, bousculer les récits dominants et ouvrir des marchés culturels durables. Les initiatives privées, institutionnelles ou citoyennes se répondent, dessinant une diplomatie douce que les investisseurs observent avec intérêt.
Reggae engagé : Tiken Jah Fakoly en acoustique
Figure du reggae continental, Tiken Jah Fakoly propose les 14 et 16 novembre un « Acoustic Tour » inédit à Arc-et-Senans puis Grenoble. Entouré de musiciens ouest-africains, il revisite ses classiques dans un format intimiste, centré sur la puissance du texte.
L’UNESCO Saline Royale puis La Belle Électrique offrent des écrins acoustiques réputés. « La simplicité révèle l’âme des chansons », confie l’artiste. Les deux dates affichent complet, signe que la demande pour un message panafricain de paix reste vive en France.
Le chanteur ivoirien rappelle également son implication dans l’agroécologie à travers la fondation Un concert, une école. Chaque billet contribue au financement d’établissements ruraux en Côte d’Ivoire, preuve que la scène peut soutenir l’éducation sans sacrifier l’énergie festive.
Londres célèbre Film Africa 2025
Du 14 au 23 novembre, Film Africa investit le BFI, la BAFTA et six autres lieux londoniens. Cinquante films venus de plus de vingt pays interrogent résistance coloniale, migrations et innovation créative, tandis qu’ateliers et masterclasses consolident les ponts entre industrie et recherche.
Hommage particulier à la République démocratique du Congo avec la sélection « Congo RE-Vue ». La rétrospective Souleymane Cissé et la masterclass de Kunle Afolayan élargissent encore le spectre. Le symposium « African Cinema and Liberation » questionne le pouvoir du septième art sur les récits.
Arts visuels : synthèse majeure au Quai Branly
Le 14 novembre, Paris dévoile l’ouvrage collectif « Les Arts africains » sous la houlette de Yaëlle Biro et Constantin Petridis. Trois sections déroulent deux millénaires de création, des masques royaux au design contemporain, appuyées par plus de cinq-cents images provenant de collections mondiales.
Les auteurs soulignent la nécessité de décentrer le récit artistique : l’Afrique n’est plus périphérie mais matrice créative. La présentation au Salon Jacques Kerchache offre un dialogue scientifique accessible, confirmant le rôle de Paris comme plateforme de réflexion patrimoniale partagée.
Durban met à l’honneur ses héros musicaux
Le 15 novembre, l’Opera Theatre du Playhouse résonne avec le Amaqhawe Esizwe Music Festival, dédié aux « héros de la nation ». Gospel, chants zoulous et percussions traditionnelles composent un tableau sonore qui célèbre l’unité sud-africaine et valorise les artistes distingués par l’État.
Bahubhe, Amayellowbone ou Gadla Nxumalo captivent un public intergénérationnel. Entre deux prestations, une cérémonie distingue personnalités culturelles approuvées par le roi et la présidence. Les organisateurs insistent : la musique demeure un ciment social et économique pour la métropole du KwaZulu-Natal.
Paris danse à l’Afro Groove Night
La capitale française prolonge la fête le 15 novembre avec l’Afro Groove Night au Movida Club. Afrobeat nigérian, amapiano sud-africain, shatta caribéen et rap hexagonal se répondent jusqu’à l’aube, attirant une jeunesse cosmopolite avide d’innovations sonores et stylistiques.
Le succès repose sur une politique tarifaire accessible et sur la notoriété grandissante des DJs résidents. Pour les entrepreneurs culturels, ces soirées illustrent le potentiel économique des diasporas, tandis que la municipalité y voit un laboratoire de cohésion urbaine nocturne.
Voix intellectuelles : la bibliothèque panafricaine
Annoncé pour le 18 novembre, l’essai de Lazare Ki-Zerbo, « Réouvrir la bibliothèque panafricaine », explore manuscrits, oralités et trajectoires diasporiques. S’inspirant de la phénoménologie, l’auteur connecte Du Bois, Nkrumah et Amo pour repenser l’unité africaine à l’ère des archives numérisées.
Le livre, publié chez Mimésis, se présente comme un manifeste. Ki-Zerbo rappelle que décoloniser la pensée suppose aussi de fédérer les savoirs dispersés. Les milieux universitaires saluent déjà un texte susceptible d’alimenter politiques d’éducation et stratégies éditoriales sur le continent.
Kora sénégalaise : la grâce des griots
Le 21 novembre, le Théâtre Mandapa accueille un récital de Kora, harpe-luth à vingt-et-une cordes réservée jadis aux lignées de griots. L’intimité de la salle parisienne valorise la précision cristalline des notes et la langue wolof qui conte épopées et conseils.
Depuis plusieurs années, l’établissement mise sur une programmation interculturelle qui fidélise touristes, étudiants et diaspora. Les organisateurs soulignent que ces concerts génèrent un impact économique local, du commerce du livre à la restauration, démontrant la fertilité des circuits courts culturels.
Et après ? Créations africaines en mouvement
Entre acoustique mandingue, projections congolaises et clubbing afro-urbain, la même question surgit : comment transformer l’effervescence artistique en chaîne de valeur durable ? Programmes de résidences, financements mixtes et formations numériques apparaissent comme leviers prioritaires, selon plusieurs consultants culturels interrogés.
D’ici à 2030, le marché africain des industries créatives pourrait atteindre cinquante milliards de dollars, prévient l’UNCTAD. Les initiatives de novembre témoignent d’une montée en puissance déjà palpable. Reste à consolider les réseaux logistiques et la protection des droits d’auteur pour accompagner l’élan.
