Une enveloppe stratégique pour un agenda de consolidation budgétaire
Le 25 juin 2025, les deux chambres du Parlement congolais ont entériné la mise à disposition d’un financement de 70,6 millions d’euros octroyé par le Groupe de la Banque mondiale dans le cadre de la troisième opération de soutien aux politiques de développement. L’enveloppe se compose d’un crédit IDA de 53,9 millions d’euros et d’un don de 16,7 millions, signe de la confiance renouvelée de l’institution de Bretton Woods envers la trajectoire macroéconomique du pays. L’opération, qualifiée de « pivot » par le ministre des Finances Rigobert Roger Andely, vise à consolider l’assainissement budgétaire engagé depuis 2021 et à ancrer les réformes de gestion des finances publiques.
Complémentarité avec la Facilité élargie de crédit du FMI
Le DPF3 s’articule étroitement avec la Facilité élargie de crédit du Fonds monétaire international, réactivée en janvier 2024. Cette complémentarité permet au Trésor congolais de disposer d’un coussin de liquidité tout en respectant les plafonds d’endettement négociés avec ses créanciers bilatéraux et commerciaux. Selon les projections conjointes de la Banque mondiale et du FMI, le ratio dette/PIB devrait se stabiliser autour de 67 % à l’horizon 2026, contre plus de 85 % en 2020, témoignant d’un retour progressif à une dette considérée soutenable.
Diversification économique : de la théorie à la mise en œuvre
Au-delà de l’objectif de stabilité macro et de discipline budgétaire, le financement cible trois chantiers structurants : l’amélioration du climat des affaires, la modernisation des entreprises publiques et la transition énergétique. Brazzaville a déjà lancé la digitalisation intégrale du guichet unique de création d’entreprise, réduisant les délais d’enregistrement de sept jours à quarante-huit heures, selon les données du ministère du Développement industriel. De même, la Société nationale pétrolière poursuit son plan de gouvernance visant une certification IFRS complète d’ici à 2026, étape cruciale pour attirer des partenaires stratégiques.
Cap sur l’économie verte et l’agro-industrie
La stratégie nationale de diversification ne se limite plus à la réduction de la dépendance aux hydrocarbures, elle embrasse désormais la valorisation des vastes ressources forestières et hydriques. Le financement DPF3 alloue 18 % de ses décaissements à des projets pilotes d’économie verte, dont l’électrification rurale par mini-réseaux solaires dans la Sangha et la valorisation du bois certifié FSC. Pour la ministre de l’Environnement Arlette Soudan-Nonault, « l’alliance entre soutenabilité financière et sobriété carbone fait du Congo un partenaire crédible dans la lutte contre le changement climatique ».
Soutenir la cohésion sociale par la relance inclusive
Le gouvernement entend également canaliser une partie des ressources vers les filets de sécurité sociale, afin de préserver la cohésion nationale dans un contexte d’inflation importée. À cette fin, 14 millions d’euros seront orientés vers le Programme Lisungi de transferts monétaires conditionnels, considéré par la Banque mondiale comme un instrument efficace pour accroître la fréquentation scolaire et réduire la pauvreté extrême. L’accent mis sur l’inclusion économique répond à la feuille de route du président Denis Sassou Nguesso, pour qui « la croissance n’a de sens que si elle améliore le quotidien de nos concitoyens ».
Perspectives régionales et attractivité des investissements
À l’échelle de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, la signature de ce financement renforce le rôle du Congo comme pôle de stabilité financière. Les hubs portuaire de Pointe-Noire et aérien de Maya-Maya devraient bénéficier d’une hausse des flux d’investissements grâce à la sécurisation du cadre macroéconomique. Plusieurs conglomérats, dont le singapourien Olam et le groupe marocain OCP, ont récemment manifesté leur intérêt pour des partenariats dans l’agro-industrie et la logistique, illustrant l’attractivité grandissante du marché congolais.
Un calendrier de réformes sous haute vigilance institutionnelle
Si la communauté financière salue la discipline budgétaire retrouvée, elle demeure attentive à la cadence d’exécution des réformes. Le décaissement du DPF3 est conditionné à onze mesures préalables, parmi lesquelles la publication trimestrielle de la dette publique et la mise en place d’un portail de passation des marchés en accès libre. Brazzaville a déjà franchi cinq de ces étapes, s’attirant l’appréciation du vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique centrale, Ousmane Diagana, qui a évoqué « une dynamique positive et un leadership engagé ».
Une résilience consolidée face aux chocs extérieurs
La manne pétrolière demeure un amortisseur clé, mais la volatilité des cours rappelle l’impératif de diversification. En dotant le Trésor congolais d’une marge de manœuvre supplémentaire, le DPF3 contribue à lisser les cycles et à préserver les dépenses sociales prioritaires. Selon l’Observatoire national des statistiques, le taux de croissance pourrait atteindre 4,2 % en 2025, porté par les secteurs non-extractifs. Cette projection illustre la résilience accrue d’une économie longtemps tributaire du brut.
Un message de confiance adressé aux partenaires internationaux
À Washington comme à Abidjan, la validation du financement est lue comme un signal de maturité institutionnelle et de crédibilité accrue. Elle intervient à un moment charnière où le Congo recherche l’adhésion à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives de nouvelle génération. L’appui de la Banque mondiale, combiné à la gouvernance prudentielle prônée par le gouvernement, prépare le terrain à des injections de capitaux privés dans l’énergie, les transports et le numérique, autant de domaines stratégiques pour le positionnement du pays au sein de la ZLECAf.
La voie étroite de la soutenabilité à long terme
En définitive, l’opération DPF3 s’inscrit dans une architecture plus large de réformes qui, loin d’être achevées, dessinent une trajectoire ambitieuse vers la soutenabilité budgétaire et la diversification productive. L’exécution rigoureuse des mesures convenues, associée à une gouvernance transparente, pourrait hisser l’économie congolaise à un nouveau palier de compétitivité régionale. Le gouvernement en est conscient : la confiance des marchés se cultive par la constance des politiques publiques et la clarté des signaux envoyés.