Ce qu’il faut retenir
La République centrafricaine a obtenu à Casablanca des promesses d’investissement culminant à 9 milliards de dollars pour financer son Plan national de développement 2024-2028. Ce montant représente près de 70 % des besoins identifiés par Bangui.
Devant bailleurs publics, banques africaines et fonds du Golfe, le président Faustin-Archange Touadéra a plaidé pour « une Afrique qui innove, produit et rayonne ». Son appel trouve un écho alors que le pays vise 4,2 % de croissance annuelle.
Casablanca, un pari réussi pour Bangui
Organisée les 14 et 15 septembre dans la capitale économique marocaine, la rencontre a rassemblé quelque 300 décideurs. Plusieurs ministres centrafricains ont détaillé les réformes de gouvernance budgétaire et la nouvelle stratégie d’attractivité visant à rassurer investisseurs institutionnels et capitaux privés.
Selon le ministère de l’Économie, plus des deux tiers des enveloppes annoncées proviennent de consortiums panafricains, complétés par la Banque islamique de développement et Afreximbank. Cette diversification des financeurs est présentée comme un levier pour réduire la dépendance à l’aide publique classique.
Des promesses record : chiffres et acteurs
Les engagements totalisent 5 000 milliards de FCFA, soit l’équivalent de cinq budgets annuels de la Centrafrique. Les mémorandums signés couvrent l’hydroélectricité de Boali 3, la réhabilitation du corridor routier Bangui-Douala et la modernisation du port sec de Béloko, poumon des importations nationales.
Côté partenaires multilatéraux, la Banque mondiale a annoncé 700 millions de dollars de financements concessionnels, tandis que la BAD envisage un appui programmatique de 500 millions. Les fonds souverains du Moyen-Orient concentrent, eux, près de 2 milliards destinés aux infrastructures énergétiques.
543 projets, 24 locomotives structurantes
Sur les 543 fiches techniques soumises, le comité de pilotage a retenu 24 projets dits structurants. Ils ciblent prioritairement l’énergie, afin de porter le taux d’accès à l’électricité de 17 % à 40 % en 2028, condition jugée indispensable à l’industrialisation.
Un autre axe touche l’agriculture, avec la création de dix pôles agro-industriels dans l’Ouham et la Kotto pour sécuriser l’amont agricole et réduire une dépendance alimentaire évaluée à 70 %. Le segment numérique n’est pas oublié, via un projet national de fibre optique.
Défis d’exécution : de l’annonce aux chantiers
Le coordonnateur du PND, Gervais Doungoupou, prévient que les promesses devront se transformer en « routes praticables, électricité disponible et services accessibles ». L’expérience du précédent PND 2017-2021, dont seulement 38 % des engagements furent décaissés, impose vigilance et concertation.
Les autorités ont donc annoncé la création d’une task-force interministérielle chargée de lever les goulots réglementaires et d’assurer un suivi trimestriel avec les bailleurs. Le dispositif inclut un tableau de bord digital accessible aux investisseurs afin de publier l’état d’avancement de chaque projet.
Scénarios : que peuvent 9 milliards dans cinq ans ?
Si les décaissements suivent le rythme prévu, le gouvernement table sur 60 000 emplois directs, une baisse de six points du taux de pauvreté et une production électrique doublée. Le PIB, estimé à 3,5 milliards de dollars aujourd’hui, pourrait dépasser 4,3 milliards.
Les analystes de BKF Capital soulignent toutefois que le contexte sécuritaire demeure un paramètre clé. Dans leur scénario central, une stabilisation du corridor vers le Cameroun est indispensable pour capter les flux logistiques et tirer parti des investissements routiers.
Et après ? Le suivi, l’inclusivité, le climat des affaires
L’exécutif met en avant la réforme du code des investissements, adoptée en juillet, pour sécuriser l’arbitrage et offrir des exonérations ciblées. Une composante genre exige que 30 % des marchés publics liés au PND soient attribués à des entreprises dirigées par des femmes.
De son côté, la société civile réclame une transparence accrue. « Nous saluons la mobilisation mais le citoyen doit suivre chaque dollar », souligne l’économiste Cyriaque Gonda. Le gouvernement promet de publier les contrats-type et d’associer les ONG au comité de suivi.
Le point éco : un financement mixte public-privé
Le montage financier repose à 55 % sur des prêts concessionnels et à 45 % sur le capital-investissement. Les opérateurs privés interviendront via des partenariats public-privé de type BOT, avec une garantie partielle de risque politique accordée par l’Agence multilatérale de garantie des investissements.
Cette architecture répond aux contraintes d’endettement d’un pays classé à haut risque par le FMI, tout en offrant aux investisseurs une rentabilité indexée sur la performance. Plusieurs projets recourront à la certification carbone pour monétiser la protection des forêts périphériques.
Contexte régional : effet vitrine pour la CEMAC
La levée de fonds réussie par Bangui intervient alors que la CEMAC cherche à accélérer l’intégration économique. Pour certains diplomates, elle envoie un signal positif à l’ensemble des partenaires sur la capacité des États de la sous-région à mobiliser des capitaux.
Le ministre congolais des Finances, Rigobert Roger Andely, présent à Casablanca, a salué « une dynamique vertueuse dont profiteront les corridors Douala-Brazzaville et Pointe-Noire-Bangui ». Cet appui suggère des synergies futures entre la République du Congo et son voisin centrafricain.
