Kintélé, vitrine d’une diplomatie économique assumée
En transformant la cité nouvelle de Kintélé en forum international du 26 au 28 juin 2025, le Congo-Brazzaville a choisi de conjuguer symbolique politique et pragmatisme économique. Le Centre international de conférence, couronné des drapeaux des trente-cinq pays représentés, a offert une scène idéale au Président Denis Sassou Nguesso pour rappeler que « la croissance partagée n’est pas un slogan, mais une méthode ». Devant un millier de décideurs, le chef de l’État a souligné « la stabilité institutionnelle et la liberté d’entreprendre » dont se prévaut le pays, positionnant Brazzaville comme interlocuteur fiable à l’heure où plusieurs économies africaines affrontent des cycles de transition délicats.
Une alliance patronale en quête de marché intégré
Née en 2021, l’Alliance des patronats francophones (A.p.f) fédère déjà quarante organisations professionnelles. Son président, Roberto Suárez Santos, insiste sur la nécessité de « rompre avec l’archipel d’opportunités isolées » qui freine l’espace francophone. L’objectif affiché à Kintélé est clair : faire émerger une zone d’affaires fluide, capable de rivaliser avec les structures anglo-saxonnes ou lusophones déjà aguerries aux démarches collectives. La formule choisie pour cette cinquième édition – ateliers sectoriels, rencontres B2B, signatures de protocoles – traduit une volonté de passer du discours à l’implémentation, comme en témoignent les accords préliminaires conclus dans l’agro-industrie et les énergies renouvelables.
Incitations congolaises : stabilité et réformes sous examen international
Pour séduire, Brazzaville mise sur un triptyque désormais classique : fiscalité incitative, protection juridique et guichet unique. La loi portant Code des investissements, actualisée en 2022, exonère d’impôt sur les sociétés pendant cinq ans les projets à forte intensité de capital. L’Agence de promotion des investissements, dotée de mandats élargis, promet un délai maximal de trente jours pour l’obtention des autorisations principales. Sur le terrain, la Banque mondiale souligne des avancées mesurables dans les indicateurs « Starting a Business » et « Trading Across Borders » (édition 2023), même si les investisseurs interrogés rappellent que la logistique intérieure demeure perfectible, en particulier vers les corridors portuaires.
Mobilité des capitaux et des talents, nerf d’une Francophonie compétitive
La question de la mobilité a cristallisé les échanges. Roberto Suárez Santos évoque sans détour « le goulot d’étranglement des visas ». La Secrétaire générale de l’OIF, Louise Mushikiwabo, plaide pour « un visa d’affaires francophone » à validité pluri-pays, reprenant une proposition portée depuis le Sommet de Djerba. Les autorités congolaises se disent prêtes à servir de pilote à un tel dispositif, conscientes que la compétitivité d’un marché réside autant dans la circulation des idées que dans l’acheminement des marchandises. Côté capitaux, Brazzaville explore la mise en place d’un cadre de financement en monnaie locale adossé aux partenaires multilatéraux, afin de limiter l’exposition au risque de change qui rebute souvent les PME étrangères.
Perspectives régionales et agenda post-Kintélé
En clôture, le Prix d’excellence de la promotion de la francophonie économique remis au Président Sassou Nguesso apparaît moins comme une récompense que comme un engagement. Brazzaville devra convertir la visibilité de Kintélé en projets tangibles avant la sixième édition annoncée pour 2026 au Cambodge. Les autorités tablent d’ores et déjà sur une task-force conjointe Congo-A.p.f pour assurer le suivi des protocoles signés. Parallèlement, l’Union africaine envisage d’inscrire la francophonie économique à l’ordre du jour de son prochain sommet, signe que l’approche multilingue, longtemps perçue comme accessoire, s’impose désormais comme vecteur structurant de l’intégration continentale.
À l’heure du bilan, les participants s’accordent sur un constat : le Congo a su capitaliser sur son image de stabilité pour proposer une offre d’accueil crédible. Reste à matérialiser les promesses, un exercice où la patience des bailleurs se conjugue rarement avec l’urgence sociale. « Nous avons ouvert une voie, il nous appartient de la paver », résume Michel Djombo, président d’Unicongo. Le rendez-vous est pris, et c’est toute la diplomatie économique francophone qui observera les prochains jalons.