Luanda au cœur d’une géoéconomie convoitée
Le ruban coupé au Centre de Conférences de Talatona devant une assemblée de chefs d’État, de ministres et de dirigeants du Fortune 500 a fait de Luanda la capitale éphémère de la géoéconomie transatlantique. Du 22 au 25 juin 2025, le 17e Sommet des Affaires États-Unis-Afrique, orchestré par le Corporate Council on Africa et le gouvernement angolais, a investi la ville d’une atmosphère de Bourse à ciel ouvert. Au-delà du protocole, l’affluence de 1 500 délégués – un record depuis la création du forum en 1997 – signale que, malgré les frictions commerciales héritées de l’ère Trump, Washington et les capitales africaines cherchent à reconduire un dialogue plus pragmatique et plus prévisible.
Une architecture de partenariat en mutation
La devise « Les voies de la prospérité » n’a rien d’anodin : elle traduit la volonté partagée de moderniser les outils de coopération. Les officiels du Département d’État ont ainsi répété que l’African Growth and Opportunity Act, prorogé jusqu’en 2025, pourrait être réaménagé plutôt que remplacé. Côté africain, la Zone de libre-échange continentale a été présentée comme un multiplicateur d’attractivité pour les investisseurs américains. « Nous passons d’une logique préférentielle à une logique partenariale », a synthétisé Florie Liser, présidente du CCA, devant un parterre de PDG attentifs aux signaux réglementaires.
Des secteurs clés scrutés par les investisseurs
Sans surprise, l’énergie a dominé les panels, l’Angola plaidant pour des financements mixtes afin de verdir un mix encore dominé par l’offshore pétrolier. Les discussions ont également mis en lumière les corridors logistiques, notamment celui de Lobito, dont la modernisation pourrait faire baisser de 40 % les coûts de transit entre l’Atlantique et le Copperbelt, selon la Banque africaine de développement. La santé, catalysée par les leçons de la pandémie, a attiré Johnson & Johnson et Zipline, tandis que la tech africaine – 6 milliards de dollars levés en 2024 – a profité d’un pitch-a-thon bouclé par la start-up kényane WaBiPay. La promesse est claire : associer l’expertise américaine à la démographie numérique africaine, désormais forte de 500 millions d’internautes.
L’Angola, présidence de l’UA en posture d’entremetteur
Fort de ses réformes macro-économiques saluées par le FMI, Luanda s’est posé en médiateur entre les attentes africaines et les priorités stratégiques américaines. João Lourenço a vanté un climat d’affaires bientôt comparable à celui de Maurice, citant la nouvelle loi sur les partenariats public-privé. Dans les coulisses, la diplomatie angolaise a manœuvré pour arrimer les négociations commerciales aux impératifs sécuritaires du Golfe de Guinée, rappelant que la stabilité maritime conditionne la rentabilité des flux énergétiques.
Congo-Brazzaville et la diplomatie de la transversalité régionale
Parmi les délégations les plus courtisées, celle du Congo-Brazzaville, conduite par le ministre délégué auprès du président Denis Sassou Nguesso, a mis en avant l’interconnexion ferroviaire Pointe-Noire-Brazzaville-Kinshasa, complémentaire du corridor de Lobito. L’entourage présidentiel voit dans cette synergie sous-régionale un accélérateur de la diversification post-pétrole, aligné sur la Vision 2030 nationale. « Le temps est venu de transformer nos ressources en chaînes de valeur régionales », a soutenu le conseiller spécial en charge de l’économie numérique, insistant sur la transparence réglementaire offerte aux opérateurs étrangers. Cette posture constructive a été remarquée par l’US International Development Finance Corporation, qui a confirmé un mandat d’étude pour des infrastructures solaires hybrides dans le bassin du Niari.
Au-delà des slogans, bâtir des corridors de confiance
La profusion d’annonces – protocoles d’accord sur l’hydrogène vert, fonds de capital-risque alignés sur la finance climatique, engagements pour l’équité vaccinale – suscite un optimisme mesuré. Les diplomates africains rappellent que trois précédents sommets avaient déjà promis un doublement des échanges bilatéraux sans que la barre soit atteinte. Pourtant, l’édition de Luanda se distingue par la conjonction d’un besoin américain de sécuriser des chaînes d’approvisionnement hors d’Asie et d’un volontarisme africain à rationaliser les cadres juridiques. La fenêtre d’opportunité est donc réelle, à condition que les acteurs privés trouvent un terrain de confiance, fondé sur la prévisibilité fiscale et la stabilité politique – deux critères sur lesquels Brazzaville et Luanda entendent consolider leur marque diplomatique.