Ce qu’il faut retenir
À Washington, le 4 décembre 2025, la République démocratique du Congo et le Rwanda ont signé un traité de paix présenté comme « historique ». Le texte vise la cessation des hostilités, le retrait coordonné des troupes et l’ouverture de corridors commerciaux sécurisés pour favoriser la reconstruction régionale.
Le président congolais Félix-Antoine Tshisekedi a insisté sur la « sincérité » des engagements pris. La signature, placée sous le regard du président américain Donald Trump, consacre des mois de médiation discrète entre diplomates, militaires et opérateurs économiques des deux pays.
Contexte sécuritaire à l’est de la RDC
Depuis la résurgence du mouvement M23, soutenu par Kigali selon Kinshasa et l’ONU, plusieurs villes clés – dont Goma puis Bukavu – sont passées sous contrôle rebelle. Les affrontements ont déplacé plus de deux millions de civils et paralysé les liaisons terrestres vers le port de Matadi.
À ces violences se superposent celles perpétrées en Ituri par un enchevêtrement de milices locales. Les rapports de la MONUSCO alertent sur les violations répétées du droit international humanitaire, tandis que les ONG redoutent une « fatigue de la compassion » parmi les bailleurs.
Washington, catalyseur diplomatique inattendu
Pour Donald Trump, accueillir les signataires permet de projeter l’influence américaine sur un théâtre longtemps dominé par les initiatives africaines et onusiennes. Le Département d’État martèle qu’un cessez-le-feu durable consoliderait la stabilité de la zone CEMAC et sécuriserait les investissements énergétiques prévus sur la côte Atlantique.
Selon une source proche du dossier, la Maison-Blanche a ménagé les sensibilités régionales : Luanda, Nairobi et Addis-Abeba ont été informées en temps réel des clauses négociées afin d’éviter toute perception d’ingérence bilatérale exclusive.
Voix congolaises et rwandaises
« Nous agirons avec rigueur pour préserver l’unité nationale », a déclaré Félix Tshisekedi devant la presse. Le chef de l’État affirme compter sur « la pleine coopération » de Paul Kagame pour démanteler les réseaux logistiques du M23 le long de la frontière.
À Kigali, la ministre des Affaires étrangères Victoire Ingabire a salué « un pas décisif vers la prospérité partagée ». Elle assure que l’accord garantit le retour des réfugiés rwandais encore présents sur le sol congolais, question épineuse depuis les années 1990.
Les engagements clés du traité
Le document prévoit un calendrier de quarante-cinq jours pour un désengagement militaire gradué, suivi d’une neutralisation des postes avancés du M23. Un comité conjoint, coprésidé par les armées des deux pays, aura pour mandat de veiller à la circulation sécurisée des marchandises et des personnes.
Autre volet central : la certification conjointe des cargaisons de coltan, d’or et de cobalt exportées depuis les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. L’objectif officiel est de fermer la porte aux comptoirs illégaux qui financent l’économie de guerre.
Le point juridique
Selon le juriste congolais Dieudonné Kalonji, l’accord s’appuie sur la Convention de Montevideo et sur la résolution 2612 du Conseil de sécurité, conférant une assise de droit international public. Les clauses de règlement des différends renvoient à l’arbitrage de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples plutôt qu’à La Haye.
Dimension économique et minière
Kinshasa espère que la sécurisation des corridors Goma-Kisangani-Matadi et Bukavu-Mombasa ravivera l’intérêt des investisseurs pour les infrastructures ferroviaires et hydroélectriques. La Banque africaine de développement, qui dispose déjà d’une enveloppe de 250 millions de dollars, conditionne ses décaissements à la mise en place du comité conjoint.
Pour Kigali, l’enjeu concerne l’accès régulier au cuivre et au cobalt nécessaires à son embryonnaire industrie de batteries. En retour, le Rwanda s’engage à ouvrir son capital logistique aux opérateurs congolais via le port sec de Masaka, créant un écosystème à valeur ajoutée régionale.
Scénarios pour la région des Grands Lacs
Le scénario optimiste table sur un retrait effectif du M23, la réouverture des écoles fermées par les combats et la reprise des exportations minières légales dès le second trimestre 2026. Il suppose un financement suffisant des programmes DDRR – désarmement, démobilisation, réintégration et réinsertion.
Le scénario prudent anticipe une paix fragmentée, les groupes armés profitant de la transition pour se reconfigurer. Les analystes du Rift Valley Institute rappellent que cinq accords similaires ont échoué depuis 1999. Le respect du mécanisme de vérification régional sera donc scruté avec attention.
Et après ?
Le comité conjoint doit se réunir à Goma avant le 20 décembre pour valider la cartographie des zones de cantonnement. Une conférence des bailleurs, coorganisée par la Banque mondiale et l’Union européenne, est prévue à Bruxelles en février pour lever les fonds nécessaires à la reconstruction.
Sur le terrain, les humanitaires insistent : tant que les déplacés ne regagneront pas leurs villages, la paix restera théorique. Les communautés attendent des routes praticables, des services de santé fonctionnels et une justice capable de juger les crimes commis. La diplomatie, elle, vient de franchir un pas, mais le plus ardu commence.
