Ce qu’il faut retenir
La violente agression de David-Gaston Mukendi, reporter de Kis24.info, s’est déroulée le 8 octobre devant le bureau du gouverneur de la Tshopo. Des individus non identifiés l’ont roué de coups et se sont emparés de son téléphone ainsi que d’un trépied-caméra, instruments indispensables à son reportage.
L’Observatoire de la liberté de la presse en Afrique condamne un acte qu’il qualifie de « manifestement attentatoire » au droit d’informer et d’être informé. L’organisation exige une enquête indépendante et la sanction des auteurs conformément aux lois congolaises et aux instruments juridiques internationaux protégeant les journalistes.
Kisangani, une tension palpable
Le rassemblement civil que couvrait le journaliste réclamait la libération de Jedidia Mabela, membre du mouvement citoyen Lutte pour le changement, condamné à six mois de prison par le Tribunal de paix de Kisangani/Makiso. La manifestation, surveillée de près, traduisait une atmosphère locale déjà sensible.
Selon le communiqué de l’OLPA daté du 9 octobre, un des assaillants serait employé du gouvernorat. Cette possible implication institutionnelle nourrit l’indignation des observateurs, même si l’identité des agresseurs reste officiellement indéterminée.
La scène s’étant déroulée devant le gouvernorat, les regards se tournent vers l’administration provinciale pour qu’elle facilite les investigations. Le bureau du gouverneur, jusque-là silencieux, est invité à coopérer afin de dissiper tout doute autour de ses agents.
OLPA hausse le ton
Dans son communiqué, l’ONG rappelle que la Constitution congolaise garantit la liberté de la presse et la sécurité des professionnels des médias. Elle appelle à la « restitution immédiate et inconditionnelle » du matériel confisqué, soulignant qu’entraver un journaliste empêche la société d’accéder à une information pluraliste.
« Il ne s’agit pas seulement d’un acte isolé, mais d’un signal préoccupant pour tous ceux qui exercent ce métier », martèle un responsable d’OLPA joint par téléphone, estimant que l’enquête doit s’étendre aux défis récurrents rencontrés par les reporters sur le terrain.
L’ONG insiste aussi sur la nécessité de rendre publiques les conclusions de l’enquête. La transparence, souligne-t-elle, permettra de restaurer la confiance entre autorités, médias et citoyens, indispensable au bon fonctionnement démocratique.
Le point juridique
Le droit congolais punit les violences contre les journalistes et réprime la destruction ou la confiscation de matériel professionnel. Les textes internationaux ratifiés par Kinshasa, dont le Pacte relatif aux droits civils et politiques, renforcent ces protections et obligent l’État à diligenter des enquêtes efficaces.
Aucune disposition n’autorise la saisie de caméras ou de téléphones sans décision judiciaire préalable. La confiscation dénoncée par l’OLPA apparaît donc sans fondement légal. Elle pourrait ouvrir la voie à des poursuites contre les auteurs pour destruction ou vol de bien privé.
La présence éventuelle d’un agent public parmi les agresseurs aggraverait les charges. En droit congolais, les violences commises par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions constituent une circonstance aggravante et engagent la responsabilité directe de l’État pour manquement à son obligation de protection.
Scénarios possibles
Si l’enquête avance rapidement et identifie les coupables, la justice aura l’occasion d’envoyer un message dissuasif aux auteurs de violences contre la presse. Un procès public pourrait également contribuer à réhabiliter la confiance des journalistes envers les institutions.
À l’inverse, une enquête prolongée ou non concluante risquerait d’entretenir un sentiment d’impunité. Les acteurs de la société civile redoutent alors une autocensure accrue des reporters dans la région, face au risque de représailles lors de la couverture de sujets jugés sensibles.
Un troisième scénario verrait la restitution du matériel sans poursuites, solution parfois privilégiée pour apaiser les tensions. Ce dénouement, perçu comme un compromis administratif, laisserait cependant sans réponse la question des responsabilités individuelles.
Et après ?
Pour l’heure, la rédaction de Kis24.info reste mobilisée. Ses collègues affirment qu’ils continueront à couvrir l’actualité de Kisangani « avec rigueur et sang-froid », tout en renforçant les mesures de sécurité lors des reportages de terrain.
Les organisations de défense de la presse envisagent de saisir d’autres instances nationales si l’enquête stagne. Elles appellent également les partenaires internationaux à soutenir leurs démarches, estimant que la solidarité entre médias demeure essentielle face aux intimidations.
Au-delà du seul cas Mukendi, l’événement rappelle l’importance de protéger la liberté d’informer, pierre angulaire du débat public et du contrôle citoyen. La rapidité avec laquelle les autorités répondront à cette agression sera un indicateur clé de leur engagement en faveur de l’État de droit.
