Sécurité aérienne CEMAC : points clés
Réunis le 17 octobre à Brazzaville, les ministres des Transports de six pays d’Afrique centrale ont adopté le plan d’action 2026 de l’Agence de supervision de la sécurité aérienne en Afrique centrale, confirmant un budget ambitieux et le maintien de la redevance de sécurité aérienne régionale, dite RSAR.
Cette 7ᵉ session ordinaire arrive dans un contexte de reprise du trafic post-Covid. L’enjeu est clair : conjuguer croissance et sûreté. « Nous visons une aviation plus sûre et plus intégrée », a résumé la ministre congolaise Ingrid Olga Ghislaine Ebouka-Babackas, nouvelle présidente du Comité des ministres.
Brazzaville pilote la coopération régionale
Le choix de Brazzaville n’est pas anodin : la République du Congo assure actuellement la présidence et affiche une tradition de médiation au sein de la CEMAC. L’accueil de la réunion souligne la volonté de positionner la capitale congolaise comme hub décisionnel de l’aviation régionale.
Autour de la table, Cameroun, Tchad, Centrafrique, Gabon et Guinée équatoriale ont réaffirmé leur engagement commun. Les représentants de la Commission CEMAC ont insisté sur le rôle de l’Assa-Ac comme « tour de contrôle » normative, chargée d’assurer des inspections communes et de mutualiser les audits sécurité.
Redevance RSAR : un levier de financement
La RSAR, prélevée sur chaque billet, est désormais appliquée dans cinq États sur six. Les ministres ont salué cette progression et demandé la finalisation du contrat de recouvrement avec l’IATA pour fiabiliser la collecte et réduire les écarts de trésorerie observés en 2024.
À moyen terme, l’objectif est de couvrir jusqu’à 80 % des besoins récurrents de l’Assa-Ac grâce à la redevance, limitant la dépendance aux contributions étatiques. Les experts financiers présents estiment que le rendement pourrait atteindre 12 millions d’euros par an dès 2027, si le trafic continue de croître.
Cap sur l’harmonisation réglementaire 2026
Une date limite a été fixée : 31 décembre 2026 pour la migration complète vers la réglementation communautaire. Chaque État doit transposer les annexes de l’OACI et aligner ses procédures de certification et de surveillance, sous peine de pénalités décidées par le Comité.
Afin d’accélérer, le directeur général Eugène Apombi a été mandaté pour négocier une délégation exceptionnelle permettant de signer plus rapidement les amendements techniques. Les autorités tablent sur un gain de six mois dans le calendrier d’adoption des textes.
Discipline budgétaire et gouvernance
Le faible recouvrement des contributions égalitaires reste un point d’alerte. Le Comité a pressé les capitales à régler leurs arriérés et à sécuriser la quote-part de Taxe communautaire d’intégration qui abonde le budget de l’Agence.
Par souci de transparence, les comptes 2024 ont été approuvés avant transmission à la Cour des comptes CEMAC. Le rapport d’exécution au 30 septembre 2025 montre une exécution à 78 %, un record salué par les contrôleurs financiers.
Le directeur général devra désormais présenter un programme triennal chiffré, assorti d’une trajectoire de réduction des charges de fonctionnement. Une mesure vue comme une réponse à la conjoncture économique et à la nécessité de consacrer plus de ressources aux inspections sur le terrain.
Capital humain et nouvelles compétences
Le plan de formation 2026-2028 englobe 200 techniciens, 60 inspecteurs et un module inédit destiné aux juristes pour mieux maîtriser le droit aérien communautaire. Leyami Gastel Aimard, récemment nommé directeur de l’administration et des finances, supervise la montée en compétence.
Côté technique, un partenariat est envisagé avec l’École africaine de météorologie et de l’aviation civile de Niamey pour les brevets d’inspecteurs. « La sécurité commence par l’humain », rappelle un expert camerounais, plaidant pour un renforcement continu du capital humain.
Scénarios et après ?
Si la RSAR atteint ses objectifs, l’Assa-Ac prévoit de moderniser son système d’information, incluant un portail d’échange de données de navigation accessible aux compagnies. Le projet pourrait être financé par un emprunt auprès de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale.
Dans un scénario haussier, la région pourrait prétendre au label OACI catégorie 1 d’ici 2028, ouvrant la voie à de nouvelles liaisons intercontinentales directes. Les compagnies nationales y voient déjà une opportunité d’élargir leur réseau sans escale.
Reste la variable politique. Les prochaines réunions ministérielles devront maintenir l’élan, notamment sur la question sensible des primes d’inspecteur. En coulisses, des diplomates évoquent un « pacte de responsabilité » pour éviter tout retard réglementaire. Les mois à venir diront si l’aviation d’Afrique centrale saura transformer l’essai.
Dans tous les cas, Brazzaville a gagné ses galons de centre décisionnel. Par l’adoption d’un budget réaliste, la CEMAC veut dessiner un ciel plus sûr, catalyseur de mobilité, de commerce et de croissance inclusive dans la région.
