Ce qu’il faut retenir
Présenté comme la pierre angulaire des Zones agricoles protégées, le pôle avicole intégré de Bambou Mingali est sur le point d’entrer en service. Quarante-neuf hectares, trente-sept bâtiments finalisés, un couvoir installé, un abattoir livré : le Congo accélère sa marche vers l’autosuffisance en poulet.
Contexte du projet ZAP
Lancé en 2021, le programme ZAP décline la vision du président Denis Sassou Nguesso : sécuriser des bassins de production, attirer des capitaux privés et relever le défi de la facture alimentaire, évaluée à près de 700 milliards de FCFA importés chaque année.
Ignié, à une heure de Brazzaville, a été retenu pour son accès routier, son potentiel hydrique et la disponibilité de quarante-neuf hectares contigus, évitant la fragmentation foncière qui freine souvent les investissements agropastoraux en Afrique centrale.
Le site s’inscrit par ailleurs dans le corridor économique reliant la Route Nationale 1 au port en eaux profondes de Pointe-Noire, de quoi faciliter l’acheminement des intrants comme la distribution des produits finis vers les marchés urbains et sous-régionaux.
Une ambition présidentielle affirmée
« Nous voulons passer du statut d’importateur chronique à celui d’exportateur net », insiste le ministre de l’Agriculture, Pr Paul Valentin Ngobo, en rappelant que l’élevage représente moins de deux pour cent du PIB et doit impérativement monter en puissance pour diversifier l’économie.
Le maître mot reste la souveraineté alimentaire, un objectif aligné sur l’Agenda 2063 de l’Union africaine et sur les engagements climatiques pris à Glasgow, puisque la réduction des importations limite l’empreinte carbone des chaînes d’approvisionnement.
Les partenaires techniques, de la FAO à la Banque africaine de développement, voient dans la démarche congolaise un modèle « industrialo-rural » susceptible d’être répliqué dans l’ensemble du bassin du Congo.
Un chantier industriel intégré
Sur le terrain, les trente-sept poulaillers tunnelisés combinent ventilation mécanique et contrôle automatisé de la température, gage de densités élevées tout en respectant le bien-être animal, confie l’ingénieur de chantier Jean-Baptiste Youmba.
Le couvoir, d’une capacité de cent cinquante-trois mille œufs, est déjà en calibration et devrait sortir ses premiers poussins commerciaux à la fin du prochain trimestre, réduisant la dépendance aux œufs à couver importés d’Europe.
L’abattoir halal, calibré pour dix mille volailles quotidiennes, recevra fin juin sa chaîne de froid négatif, condition sine qua non pour viser la certification SANHA et accéder aux marchés d’Afrique australe.
Effets d’entraînement socio-économiques
Au moins mille emplois directs seront créés, du manutentionnaire à l’ingénieur zootechnicien, sans compter la logistique maïs qui mobilisera mille cinq cents hectares dans les ZAP voisines de la Léfini.
La commune d’Ignié anticipe déjà une hausse des recettes fiscales grâce aux patentes et aux services de base, tandis que les ménages profiteront d’une baisse progressive du prix du poulet, évaluée par le ministère à quinze pour cent d’ici deux ans.
Le point économique
Selon les calculs de la Direction générale de l’Économie, la substitution d’importations pourrait libérer l’équivalent de cent dix milliards de FCFA par an, soit près de un pour cent du PIB, ressource qui pourra être réallouée aux infrastructures ou à la dette intérieure.
Le point juridique
Le décret numéro 2022-315 sur les partenariats public-privé offre un cadre fiscal incitatif, avec exonération de TVA sur les équipements importés et garantie d’arbitrage OHADA, un élément décisif pour les financiers d’Afrique du Sud et du Maroc, déjà en pourparlers.
La convention de concession, validée par le Parlement, impose aussi un quota de trente pour cent de participation nationale dans le capital d’exploitation, assurance que la valeur ajoutée restera majoritairement au Congo.
Impact environnemental maîtrisé
Le pôle a prévu une station de biogaz valorisant la litière de volaille pour produire un mégawatt électrique, de quoi couvrir soixante pour cent des besoins énergétiques et réduire les émissions de méthane, souligne le chef de projet environnement, Marcel Obambi.
Un bassin de sédimentation recueille les eaux de lavage avant rejet, conformément aux normes de l’Agence congolaise de l’environnement, tandis qu’un rideau d’acacias entoure le site pour limiter les envols de poussière et favoriser la biodiversité locale.
Scénarios à court et moyen terme
À court terme, le scénario de base table sur deux cycles d’abattage par trimestre, soit un volume annuel de deux millions de poulets, couvrant environ quarante pour cent de la demande urbaine nationale, selon un rapport interne consulté par notre rédaction.
Si les rendements maïs atteignent quatre tonnes l’hectare, l’intégration verticale permettra de réduire de douze FCFA le coût d’alimentation par kilo vif, donnant au poulet congolais un avantage compétitif face aux importations brésiliennes.
Le ministère n’exclut pas un troisième module d’élevage d’ici 2026, ce qui porterait la capacité à quatre cent mille sujets par cycle et ouvrirait la voie à des exportations vers la République centrafricaine et le Gabon voisins.
Et après ?
La prochaine étape consiste à former les premiers techniciens avicoles au lycée agricole de Kimpese, en partenariat avec l’Organisation internationale pour la santé animale, afin de garantir des pratiques sanitaires aux standards internationaux.
Une cellule de veille sera également déployée pour suivre les indicateurs de prix, de qualité et d’emploi, et ajuster les politiques publiques, confirmant la volonté du gouvernement de faire de l’agro-industrie un pilier durable de la diversification.
