Une passation de pouvoir au cœur du dispositif financier congolais
Sous les lambris feutrés du siège de la Banque centrale du Congo, la cérémonie de remise et reprise du 4 août 2025 a scellé l’entrée en fonction d’André Wameso. Présidé par le ministre des Finances, l’événement a souligné le caractère stratégique de l’institution pour la trajectoire économique congolaise. Le successeur de Malangu Kabedi Mbuyi, désormais appelée à présider le conseil d’administration de la CADECO, hérite d’un mandat que le communiqué présidentiel qualifie de « pivot » pour la consolidation de la résilience macroéconomique.
Le profil d’André Wameso, entre technocratie et diplomatie économique
Formé à l’École nationale d’administration financière de Paris avant de passer par la Banque africaine de développement, André Wameso n’est pas un inconnu des salles de marchés régionales. Sa réputation de négociateur calme, forgée lors des discussions avec le FMI pour le dernier accord de facilité élargie de crédit, devrait nourrir la confiance des partenaires techniques. « Son sens du consensus facilitera la coordination des politiques budgétaires et monétaires », affirme une source bancaire régionale, saluant la continuité institutionnelle souhaitée par Kinshasa.
Stabilité des prix : une urgence à contenir sous le seuil à un chiffre
Afin de protéger le pouvoir d’achat, la BCC s’est fixé pour objectif implicite de maintenir l’inflation autour de 8 %. La trajectoire est ambitieuse dans un pays où le glissement annuel des prix flirtait encore avec les 12 % au printemps. Le ministre des Finances rappelle que « l’outil de refinancement de la BCC devra se montrer plus sélectif » pour éviter une expansion excessive de la masse monétaire. Dans le même temps, le nouveau gouverneur envisage un recours accru aux opérations d’open market afin de renforcer la transmission de la politique monétaire, pratique encore limitée dans le système bancaire local.
Un franc congolais à défendre face au poids du dollar
La dollarisation, estimée par certains cabinets à 70 % des dépôts bancaires, demeure le grand défi structurel. Les autorités souhaitent élargir le spectre des transactions libellées en monnaie nationale dans la chaîne de valeur minière et dans la passation des marchés publics. Kinshasa explore la création d’incitations fiscales pour les entreprises qui règlementent leurs factures en francs congolais, tout en envisageant une communication ciblée sur la solidité du cadre réglementaire. Les observateurs soulignent toutefois qu’une dédollarisation efficace passe par une confiance renforcée dans la stabilité des prix et dans la liquidité du marché intérieur des changes.
Inclusion financière et transition numérique : un levier de légitimité
Au-delà des indicateurs macro, l’équipe Wameso veut élargir l’accès aux services bancaires à une population dont plus de 60 % reste non bancarisée. La BCC prépare un règlement sur les établissements de monnaie électronique afin de clarifier le rôle des fintechs et de protéger les consommateurs. Inspiré des expériences est-africaines, le projet de « sandbox réglementaire » devrait encourager l’innovation tout en prévenant les risques systémiques liés aux crypto-actifs émergents dans la région des Grands Lacs. « L’inclusion financière ne peut être le parent pauvre de la stabilité macroéconomique », concède un haut cadre de la banque, insistant sur la dimension sociale de la mission.
Un alignement régional recherché
La RDC, membre de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), ambitionne d’harmoniser davantage ses cadres prudentiels avec ses voisins, dont le Congo-Brazzaville. À Brazzaville, des officiels ont déjà fait savoir que « la stabilité financière est un bien public régional », signe d’une convergence diplomatique que la BCC entend cultiver sans heurter les sensibilités nationales. Kinshasa compte ainsi renforcer l’échange d’informations avec la Banque des États de l’Afrique centrale et plaide pour une meilleure interconnexion des systèmes de paiement transfrontaliers, condition d’une croissance commerciale inclusive.
Perspectives : prudence monétaire et crédibilité institutionnelle
Les premières mesures de la nouvelle gouvernance seront scrutées par les agences de notation, dont les remarques influencent le coût d’emprunt souverain. Si la matrice des risques externes, marquée par la volatilité des cours du cuivre et du cobalt, demeure élevée, la BCC espère que la discipline budgétaire annoncée contribuera à ancrer les anticipations. À court terme, le succès se mesurera à la capacité de l’institution à piloter un taux de change flexible sans alimenter de spirales inflationnistes. À moyen terme, la crédibilité découlant d’un cadre opérationnel clair devrait servir de boussole, dans un pays qui vise l’émergence économique tout en consolidant la paix sociale.
