Basket féminin africain : une visibilité en plein essor outre-Atlantique
Longtemps relégué aux marges des radars médiatiques, le basket féminin africain vit aujourd’hui une accélération inédite de sa visibilité. L’édition 2025 de la draft WNBA a vu sept joueuses africaines ou afro-descendantes sélectionnées, un record salué par le site américain OkayAfrica, qui y voit « des femmes brisant les barrières ». Ce score n’est que le point d’orgue d’une dynamique amorcée lors des Jeux olympiques de Paris, où le Nigeria féminin avait atteint les quarts de finale, signe que le plafond de verre s’effrite pour de bon.
La WNBA, laboratoire de la mondialisation sportive
Forte d’une politique d’expansion voulue par son commissaire Cathy Engelbert, la WNBA s’affiche comme un laboratoire de la mondialisation sportive. La ligue recensera cette saison des joueuses originaires d’onze pays africains ou de la diaspora, ce qui constitue un levier d’audience sur un continent où les droits télé pèsent déjà plus de 15 % des revenus internationaux de la NBA selon Deloitte. Dominique Malonga, pivot franco-camerounaise de 19 ans, sélectionnée par le Seattle Storm, illustre cette nouvelle stratégie : sa double culture attire simultanément les fans de Yaoundé et ceux de l’Île-de-France, plaçant les franchises américaines dans une démarche de marketing glocalisé.
Soft power continental et diplomatie du parquet
Au-delà du simple divertissement, l’émergence de ces basketteuses façonne un récit diplomatique. Pour Washington, valoriser des athlètes africaines dans son championnat phare contribue à une image d’ouverture, particulièrement utile dans le cadre de la compétition d’influence avec Pékin. Les ambassades américaines à Abuja ou Abidjan ne manquent d’ailleurs plus de mettre en avant les réussites de joueuses comme Rhyne Howard ou Kariata Diaby lors de programmes d’échanges sportifs. Inversement, pour les capitales africaines, chaque panier marqué en WNBA agit comme une vitrine du potentiel national, soutenant la diplomatie économique et touristique. Le ministre congolais des Sports, Hugues Ngouélondélé, déclarait récemment à Brazzaville que « le rayonnement de nos athlètes féminines à l’étranger est un atout pour l’image de notre pays », analyse qui vaut mutatis mutandis pour nombre de ses homologues régionaux.
Les défis migratoires : le cas épineux des visas sportifs
Ce tableau flatteur ne doit pas occulter les frictions administratives. Les politiques migratoires américaines, durcies sous la présidence de Donald Trump et partiellement maintenues, compliquent l’obtention de visas P-1 pour les sportives non encore contractualisées. L’équipe nationale sénégalaise, rappelons-le, avait dû rapatrier un camp d’entraînement à Dakar faute de visas pour l’Arizona, selon le quotidien Record. Ces entraves rappellent que la diplomatie sportive reste tributaire de la diplomatie tout court, et que l’attractivité de la WNBA peut se heurter à des considérations de sécurité intérieure.
L’émergence de figures d’influence au-delà du terrain
Chiney Ogwumike, Américaine d’origine nigériane, utilise son statut d’analyste sur ESPN pour plaider une plus grande inclusion des basketteuses africaines : « Elles possèdent la même passion et la même détermination que leurs homologues masculins », rappelle-t-elle dans Forbes. Dans le même esprit, la Malienne Aicha Coulibaly, recrutée par le Chicago Sky, finance un programme de bourses destiné à 50 collégiennes de Bamako. Ces actions d’influence contribuent à changer les narratifs sur la femme africaine, désormais perçue comme actrice de développement et partenaire stratégique, thème récurrent des sommets Union africaine–États-Unis.
Investisseurs et institutions : un marché encore sous-exploité
Comparée aux 1,4 milliard de dollars de valorisation cumulée des franchises NBA présentes sur le continent via la Basketball Africa League (BAL), l’offre féminine reste embryonnaire. La ligue africaine FIBA Women’s se heurte à des budgets limités, oscillant autour de 500 000 dollars par saison selon les estimations d’AfroSport. Les sponsors historiques – télécommunications, banque et boissons gazeuses – hésitent encore à miser sur une discipline jugée peu rentable. Pourtant, le cabinet PwC prédit un doublement du public féminin sportif en Afrique subsaharienne d’ici à 2030, créant un gisement d’audience inexploité. Dans ce contexte, les autorités congolaises, qui ont récemment rénové le palais des sports de Kintélé, pourraient se positionner comme hôte d’un Final Four féminin continental, renforçant leur image de hub sportif régional.
Perspectives pour une ligue féminine panafricaine
Les discussions informelles entre la NBA, la FIBA et la Banque africaine de développement laissent entrevoir la création, à moyen terme, d’une ligue féminine miroir de la BAL. L’idée serait d’adopter un format léger, six équipes pilotes, des tournées sur trois capitales, et un partenariat technologique avec la plateforme NBA League Pass pour assurer la diffusion numérique. Un tel projet exigerait la mobilisation des fédérations et un cadre fiscal incitatif. Brazzaville, Kigali et Le Caire font figure de candidats naturels, disposant déjà d’infrastructures et d’une expérience d’accueil d’événements internationaux.
Au-delà du sport : un récit d’empowerment féminin africain
Qu’il s’agisse de l’Ivoirienne Diana Gandega, élevée dans les playgrounds de Treichville avant de rejoindre l’université du Connecticut, ou de la Camerounaise Monique Akoa Makani, devenue la « clutch player » du Mercury de Phoenix selon The Continent, chaque trajectoire personnifie une narration d’autonomisation. Les campagnes menées par l’ONU Femmes s’appuient désormais sur ces athlètes pour promouvoir l’égalité de genre. Le sport, en l’espèce, sert de caisse de résonance à des revendications sociales, tout en offrant aux États-Unis un canal de diplomatie publique conforme à leur tradition de City upon a Hill.