Un statu quo dicté par la prudence monétaire
Réunis le 30 juin pour leur deuxième conclave annuel, les membres du Comité de politique monétaire de la Banque des États de l’Afrique centrale ont opté pour la continuité. Le taux des appels d’offres demeure à 4,5 %, la facilité de prêt marginal à 6 % et la facilité de dépôt à 0 %. Les coefficients de réserves obligatoires sont également conservés à 7 % pour les dépôts à vue et 4,5 % pour les dépôts à terme (Communiqué BEAC, 30 juin 2025). À l’heure où plusieurs banques centrales renversent la vapeur ou affichent des virages abrupts, la BEAC mise sur la prévisibilité, un choix salué par nombre d’opérateurs privés déjà éprouvés par les soubresauts géopolitiques récents.
Les arbitrages derrière le chiffre emblématique de 2,4 %
La trajectoire de croissance projetée pour la sous-région atteindrait 2,4 % en 2025, soit un léger tassement de 0,5 point par rapport à 2024. L’explication principale réside dans la décrue de la production pétrolière (-2,7 % attendus), alors même que le secteur non pétrolier devrait afficher une vitalité de 3,5 %. Ce décalage rappelle l’impérieuse nécessité, souvent martelée dans les sommets de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, de poursuivre la diversification. En choisissant de ne pas relever le coût du crédit, la banque centrale entend préserver cet élan hors pétrole, tout en évitant d’accentuer le ralentissement des recettes fiscales liées aux hydrocarbures.
Congo-Brazzaville : vigilance constructive face au cycle régional
Pour Brazzaville, la décision de la BEAC revêt une portée double. D’une part, elle protège les marges de manœuvre budgétaires, toujours mobilisées pour accompagner le Plan national de développement 2022-2026. D’autre part, elle entretient une atmosphère de confiance auprès des investisseurs institutionnels, comme l’a souligné le ministre congolais des Finances lors d’un point presse : « La prévisibilité monétaire conforte nos réformes structurelles et rassure nos partenaires techniques ». Le maintien d’une inflation projetée à 2,8 % en 2025, bien inférieure au seuil communautaire de 3 %, constitue en outre un argument diplomatique dans les dialogues avec les bailleurs multilatéraux.
Inflation contenue, réserves solides : les signaux qui rassurent
Le dossier le plus scruté par les acteurs du marché reste la trajectoire des prix. La modération de l’inflation, passée de 4,1 % en 2024 à une prévision de 2,8 % en 2025, laisse à la BEAC une fenêtre de stabilité. Par ailleurs, les réserves de change sont appelées à culminer à 7 063 milliards FCFA, soit 4,5 mois d’importations. Même si ce ratio recule légèrement par rapport aux 4,67 mois observés l’an dernier, il demeure au-dessus du seuil de prudence défini par le Fonds monétaire international pour les économies similaires. Dans les chancelleries, on voit dans ce coussin de devises un atout diplomatique : il accroît la crédibilité de la zone face aux partenaires extérieurs, au premier rang desquels l’Union européenne et la Chine, capitaux majeurs des grands projets d’infrastructures régionales.
Balances budgétaires et déficit courant : un compromis assumé
Le léger creusement du solde budgétaire hors dons (-1,2 % du PIB) et du compte courant (-4,4 % du PIB) relève d’un arbitrage. En laissant filer temporairement ces indicateurs, les États privilégient la relance de secteurs porteurs, agriculture et numérique en tête, qui réduiront demain leur dépendance aux cours du Brent. Ici encore, la stabilité des taux soutient la soutenabilité de la dette, élément scruté par les agences de notation. Pour le Congo-Brazzaville, qui a récemment sécurisé de nouveaux financements concesssionnels pour la rénovation de corridors routiers stratégiques, cette orientation permet d’éviter l’effet d’éviction que provoquerait un durcissement monétaire prématuré.
Perspectives : diplomatie financière et crédibilité régionale
À court terme, la BEAC devrait poursuivre sa stratégie de monitoring rapproché, se ménageant la possibilité d’un ajustement ciblé si le contexte mondial se détériore. Mais la tonalité actuelle envoie un message clair : la zone CEMAC reste attachée à la discipline budgétaire tout en soutenant la croissance inclusive. Au-delà des chiffres, cette cohérence renforce la place de la BEAC dans les discussions internationales sur la réforme du franc CFA et nourrit la stature du Congo-Brazzaville, dont la diplomatie économique se projette désormais comme force de stabilité sous-régionale. De l’avis d’un expert financier basé à Pointe-Noire, « la crédibilité monétaire est aussi un outil de soft power ; elle valorise l’image d’un espace capable de gouvernance concertée et prévisible ». Cette lecture, largement partagée parmi les partenaires bilatéraux, devrait continuer de guider les relations économiques et politiques dans la sous-région au cours des prochains trimestres.