Ce qu’il faut retenir
La validation, donnée le 3 novembre par la Commission de surveillance du marché financier d’Afrique centrale, ouvre la voie à l’introduction en bourse de BGFI Holding à la BVMAC. L’opération est présentée comme la plus importante de l’histoire récente du marché sous-régional.
Le dossier a été approuvé deux semaines après qu’un jugement du Tribunal de commerce de Libreville a rejeté un recours contestant la démarche, renforçant la sécurité juridique autour de la cotation et dissipant les dernières incertitudes des investisseurs institutionnels.
La décision de la COSUMAF
Depuis 2019, la COSUMAF veille à la consolidation du marché unique des valeurs mobilières en zone CEMAC. En validant le prospectus de BGFI Holding, le régulateur veut envoyer un signal de confiance à des émetteurs encore hésitants à franchir le pas.
Le président de l’institution, Nagoum Yamassoum, a salué « une étape qui traduit la montée en gamme de notre place financière » tout en rappelant que les règles de transparence continueront de s’appliquer « avec la même rigueur » à toutes les sociétés listées.
BGFI Holding, un géant régional
BGFIBank, née à Libreville en 1971, a progressivement étendu ses activités dans onze pays d’Afrique et en Europe. Sa holding chapeaute des filiales bancaires, d’assurance, de gestion d’actifs et de services numériques, totalisant près de cinq mille collaborateurs.
En choisissant la BVMAC plutôt qu’une place financière plus établie, le groupe revendique un ancrage dans la zone CEMAC et assume un rôle de pionnier. Il table sur une valorisation potentielle de plus de 350 milliards de FCFA, selon des analystes de marchés basés à Douala.
L’opération, structurée par BGFI Bourse, prévoit une offre publique de vente combinée à une augmentation de capital. La part flottante devrait atteindre 15 % du capital, laissant la famille Bongo et les institutionnels historiques majoritaires.
BVMAC cherche la profondeur de marché
La BVMAC, basée à Douala, ne recense aujourd’hui que huit sociétés cotées, dont deux originaires du Congo-Brazzaville. La capitalisation boursière reste inférieure à 1 % du PIB cumulé de la sous-région, loin des standards continentaux.
Les réformes menées depuis la fusion des deux places de Libreville et Douala en 2019 ont déjà abaissé les coûts d’intermédiation, harmonisé la fiscalité et favorisé l’émergence d’un carnet d’ordres électronique unique, mais le manque de liquidité demeure le principal frein.
Selon une note de la Banque des États de l’Afrique centrale, le flottant total disponible ne dépasse pas 120 milliards de FCFA. L’arrivée de BGFI Holding devrait à elle seule accroître ce volume de près d’un tiers, donnant un nouveau souffle aux courtiers.
Opportunités pour les investisseurs congolais
La République du Congo capte traditionnellement une part limitée des investissements de portefeuille dans la zone. Les récentes adjudications d’obligations publiques ont pourtant montré un appétit croissant pour les actifs libellés en FCFA portés par la signature souveraine.
Plusieurs gestionnaires d’actifs basés à Brazzaville envisagent de souscrire à l’offre BGFI afin de diversifier leurs portefeuilles. « L’entrée d’un acteur bancaire de cette taille crée un repère de liquidité que le marché attendait », confie un analyste de la Société Générale Congo.
Le ministère congolais des Finances, engagé dans une stratégie de mobilisation de l’épargne locale, voit dans l’opération un précédent favorable pour de futures privatisations partielles ou levées de fonds des entreprises publiques du pays.
Le point juridique/éco
Sur le plan réglementaire, le prospectus a dû intégrer les nouvelles exigences IFRS 9 et Bâle III adoptées par la COBAC. Cette conformité renforce la crédibilité du dossier et pourrait servir de matrice aux banques congolaises projetant une mise sur le marché.
Fiscalement, les dividendes versés aux actionnaires établis dans l’espace CEMAC bénéficieront d’un taux de retenue réduit à 10 %, conformément à l’Acte uniforme OHADA sur les sociétés. Les conseillers estiment que ce cadre stable représente un atout majeur face à la volatilité mondiale.
Scénarios de marché
Si l’opération est sursouscrite, le cours pourrait s’apprécier de 20 % dès les premières semaines, selon un scénario optimiste établi par Financia Capital. Un repli temporaire resterait possible si l’environnement macroéconomique mondial se détériore.
La banque centrale, de son côté, surveillera l’effet de richesse induit sur la liquidité bancaire. En cas de tensions, elle dispose de lignes de refinancement dédiées aux titres cotés, un outil inauguré en 2022 mais encore peu sollicité.
Et après pour l’intégration financière
L’entrée en bourse de BGFI Holding intervient alors que la CEMAC planche sur un passeport financier unique destiné à faciliter la vente croisée de produits dans les six pays. La réussite de l’opération servira de test grandeur nature pour ce futur dispositif.
À moyen terme, les autorités espèrent voir les majors pétrolières présentes au Congo-Brazzaville, comme TotalEnergies EP Congo ou Perenco, emboîter le pas en émettant une part de leur capital localement, stimulant ainsi l’épargne longue indispensable au financement des infrastructures.
Pour les décideurs régionaux, l’objectif final reste d’attirer jusqu’à 5 % du produit intérieur brut sous forme de capitalisation boursière d’ici 2028, un seuil considéré comme critique par la Banque mondiale pour déclencher un cercle vertueux d’investissement privé.
