Scrutin du 12 octobre : cadre institutionnel
L’organe en charge des opérations électorales, Elections Cameroon (Elecam), vient de rendre publique la liste provisoire des candidats habilités à participer à la présidentielle prévue le 12 octobre. Sur 83 dossiers déposés, seulement treize ont franchi le filtre administratif, donnant aussitôt lieu à un débat sur la transparence et l’inclusivité du processus. Le droit de recours demeure ouvert pendant quarante-huit heures, mais les précédents montrent que le Conseil constitutionnel confirme la plupart du temps les arbitrages d’Elecam, soulignant la solidité apparente – ou la rigidité, selon les observateurs – de l’architecture institutionnelle camerounaise.
Maurice Kamto, un prétendant recalé
Maurice Kamto, arrivé deuxième à l’élection de 2018 avec 14 % des suffrages officiels, incarne depuis six ans la principale alternative civile au pouvoir en place. Son absence de la liste 2024 provient d’une querelle d’étiquette : enregistré sous les couleurs du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem), il s’est retrouvé en concurrence avec un autre membre se réclamant d’une fraction dissidente du même parti. Le droit électoral national proscrit les candidatures multiples pour une même formation, et c’est celle du groupe minoritaire qui a été retenue. Si la direction officielle du Manidem a dénoncé une décision « arbitraire et provocatrice », elle promet néanmoins de saisir le Conseil constitutionnel en soulignant qu’un « but hors-jeu » n’annule pas la partie, pour reprendre la métaphore footballistique d’Anicet Ekane.
Paul Biya, longévité et stratégie de continuité
À 92 ans, Paul Biya apparaît comme l’un des derniers représentants de la génération post-indépendance encore en exercice sur le continent. Entré au Palais d’Etoudi en 1982, l’homme d’État revendique « plusieurs chantiers encore inachevés » et se dit prêt à conduire le Cameroun vers l’émergence, conforté par le modèle de stabilité prôné dans certains États d’Afrique centrale. Ses partisans soulignent l’importance d’une transition ordonnée face aux défis sécuritaires dans l’Extrême-Nord et dans les régions anglophones. Ses détracteurs, pour leur part, rappellent les tensions post-électorales de 2018, marquées par des accusations de fraude que le gouvernement avait fermement rejetées.
Opposition fragmentée et bataille des bastions
S’il est incontesté dans son camp, le chef de l’État affrontera néanmoins plusieurs figures d’envergure nationale. Issa Tchiroma Bakary, ancien porte-parole du gouvernement, et Bello Bouba Maigari, patron de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès, tous deux originaires du Grand Nord, ambitionnent de capter un électorat où la participation peut s’avérer décisive. Joshua Osih, successeur de feu John Fru Ndi à la tête du Social Democratic Front, mise sur la lassitude d’une partie de la jeunesse urbaine, tandis que Cabral Libii, 44 ans, promeut un discours de rupture générationnelle. La maire de Foumban, Patricia Tomaino Ndam Njoya, seule femme en lice, évoque une « voie médiane » centrée sur la réconciliation nationale.
Lecture régionale et impératifs diplomatiques
Enjeu interne, la présidentielle camerounaise revêt également une dimension géopolitique. Frontalière du Nigeria, du Gabon, du Tchad et de la République du Congo, la République du Cameroun constitue un pivot pour la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. Les partenaires bilatéraux, particulièrement la France et les États-Unis, encouragent un scrutin apaisé susceptible de consolider la lutte contre les groupes jihadistes du bassin du lac Tchad. L’Union africaine, tout en saluant la tenue régulière d’élections, appelle à « une participation inclusive de toutes les sensibilités politiques ». Dans un contexte mondial où la stabilité régionale prime, la capacité des institutions camerounaises à arbitrer les contentieux sera observée avec attention.
Perspectives : une campagne sous haute surveillance
Au-delà du sort juridique de Maurice Kamto, la dynamique électorale semble orienter le pays vers un scrutin à issue prévisible. Reste que l’équation camerounaise, nourrie de pluralité ethnique et linguistique, impose de gérer la compétition politique avec tact pour éviter les débordements observés en 2018. Les chancelleries étrangères, notamment celles établies à Yaoundé et Brazzaville, insistent sur la nécessité de garantir la liberté de réunion et de préserver la neutralité des forces de sécurité. Dans ces conditions, la campagne à venir constituera un test grandeur nature pour la maturité démocratique du Cameroun et, plus largement, pour la capacité de l’Afrique centrale à orchestrer des transitions politiques non conflictuelles.