Une mobilisation locale à forte résonance nationale
Au confluent de l’Alima et du fleuve Congo, l’axe Liboka n’apparaît guère dans les cénacles internationaux. Pourtant, la rencontre citoyenne organisée le 27 juillet par l’Association pour le développement de l’axe Liboka (ADAL) a soudain projeté cette portion du district d’Oyo au cœur du débat politique national. En appelant le président Denis Sassou-Nguesso à briguer un nouveau mandat en mars 2026, les cadres de l’association ont choisi de transformer un dossier local – l’achèvement d’infrastructures et l’essor agro-industriel – en levier d’influence sur l’agenda républicain.
La démarche s’inscrit dans la tradition congolaise des soutiens communautaires qui, depuis la transition des années 1990, constituent des indicateurs d’humeur électorale. Cette fois, elle se double d’une collecte de fonds symbolique destinée au « futur candidat », signe que la base entend passer d’un soutien verbal à un engagement matériel. « Nous portons la voix de villages souvent oubliés par les cartographies politiques », a fait valoir Maixent Raoul Ominga, président de l’ADAL, sous les applaudissements d’un parterre de notables et de jeunes entrepreneurs.
Stabilité politique et feuille de route 2025-2030
Du point de vue institutionnel, la perspective de 2026 se lit à l’aune de la Constitution de 2015 qui ne fixe pas de limite au nombre de mandats. À Brazzaville, plusieurs diplomates admettent qu’un nouveau bail de cinq ans prolongerait « une trajectoire de stabilité jugée précieuse dans le Golfe de Guinée » (source diplomatique européenne). L’argument est d’autant plus audible que la sous-région reste traversée par des transitions civiles-militaires tandis que la République du Congo conserve un agenda économique fondé sur le Plan national de développement 2022-2026.
Sur le terrain, les programmes de modernisation – corridors routiers, centres de santé intégrés, raccordement électrique – ont déjà modifié la perception de la gouvernance, notamment dans la Cuvette. La Banque africaine de développement note une amélioration de l’indice de connectivité rurale entre 2018 et 2022, amélioration corrélée à la baisse du coût logistique des denrées vivrières. Ces signaux nourrissent l’argumentaire des partisans du chef de l’État, convaincus qu’une continuité du leadership consoliderait la prochaine phase, orientée vers l’industrialisation légère et la diversification hors-pétrole.
Lecture diplomatique de l’appel
Au-delà de l’écume des communiqués, l’appel de l’ADAL intervient à un moment de recomposition des alliances régionales. Libreville et Yaoundé ont salué, ces derniers mois, la médiation congolaise dans plusieurs dossiers frontaliers. À Abuja, un conseiller au ministère nigérian des Affaires étrangères confie que « la constance de Brazzaville facilite le dialogue dans un espace CEEAC-CEDEAO encore fragmenté ». La posture de Denis Sassou-Nguesso, doyen des chefs d’État d’Afrique centrale, confère au pays une fonction pivot que l’Union africaine voudrait pérenniser à l’heure où les crises soudanaise et libyenne résonnent au-delà du Sahel.
Dans ce contexte, l’éventualité d’une transition interne trop brusque pourrait brouiller les mécanismes de concertation régionale. L’appel de l’ADAL, en réitérant la disponibilité du président sortant, rassure donc certains partenaires sur la lisibilité de la politique extérieure congolaise, notamment en matière de diplomatie forestière et climatique, dossier suivi de près à Paris et à Londres.
Perspectives économiques et attentes sociales
Les signataires de l’appel soulignent les « progrès tangibles » dans la santé et l’éducation. Les chiffres du ministère de l’Économie donnent crédit à cette assertion : le taux d’inscription au primaire a franchi la barre des 95 %, tandis que la mortalité néonatale recule depuis quatre ans. Toutefois, l’opinion attend une accélération de la réforme fiscale et une meilleure inclusion de la jeunesse urbaine confrontée à un chômage endémique. À Brazzaville comme à Pointe-Noire, l’inflation importée pèse sur le panier de la ménagère et sert de thermomètre politique non négligeable.
Le chef de file d’un syndicat d’enseignants, sollicité par notre rédaction, concède qu’« une campagne de 2026 recentrée sur la qualification de la main-d’œuvre et la bancarisation des PME constituerait un signal d’écoute envers les classes moyennes émergentes ». Autrement dit, si l’appel de l’ADAL ouvre une porte, la route vers la réélection passera aussi par la perception d’un dividende socio-économique tangible.
Entre jeunesse et diaspora, un contrat renouvelé
La composante diasporique de l’ADAL, ancrée en France et au Canada, insiste sur la nécessité de consolider les passerelles technologiques. Des étudiants originaires de l’axe Liboka, réunis à Montréal, évoquent « l’opportunité de retours temporaires pour former aux nouvelles techniques agricoles ». Cet engagement de la diaspora dialogue avec la Stratégie nationale de mobilisation des compétences externes, adoptée en 2021, et qui vise à rapatrier savoir-faire et capitaux.
Dans l’esprit des initiateurs, l’appel du 27 juillet constitue donc moins une simple motion de soutien qu’un pacte communautaire : sécuriser la continuité politique pour maximiser l’impact des transferts de compétences et des investissements. À l’approche de 2026, cette articulation entre local, national et international pourrait façonner un contrat renouvelé entre l’État et des citoyens de plus en plus connectés et exigeants.