Tourisme urbain : levier de diversification congolaise
À Brazzaville, la marche touristique annoncée pour le 28 septembre illustre la volonté congolaise de convertir les artères de la capitale en vitrine économique. Pensée par Wild Safari Tours et l’Opit, l’initiative accompagne l’émergence d’une politique nationale misant sur le potentiel urbain.
Le choix d’un format piéton, plutôt qu’une parade motorisée, répond à un double impératif diplomatique : rappeler l’engagement vert du Congo et montrer une capitale sûre, propice aux affaires régionales. Le calendrier, adossé à la Journée internationale du tourisme, amplifie ce signal.
La marche, vitrine piétonne de Brazzaville
Le départ sera donné depuis les Plateaux des 15 ans, quartier moderne au croisement de la mémoire coloniale et des ambitions contemporaines. De là, le cortège rejoindra Bacongo, longeant le fleuve Congo, principal axe logistique national et décor sentimental du récit identitaire.
En moins de six kilomètres, les marcheurs traverseront l’avenue Matsoua, apercevront les fresques de Poto-Poto, puis salueront la silhouette du pont du 15-Août. Chaque halte a été pensée comme une capsule narrative, orchestrée par des guides formés aux standards de l’Organisation mondiale du tourisme.
Des bénéfices économiques tangibles
Selon l’Opit, l’événement attend plus de deux mille participants, dont une centaine de délégués étrangers issus du secteur hôtelier. Les projections internes estiment une dépense moyenne de cinquante dollars par marcheur, de quoi irriguer restauration, taxis, et microcommerces du centre-ville.
Ces flux, modestes à l’échelle macroéconomique, constituent toutefois des indicateurs appréciés des bailleurs. La Banque africaine de développement observe que chaque nouvel emploi touristique génère indirectement 1,5 poste supplémentaire dans les services urbains, un ratio jugé encourageant pour les villes du Golfe de Guinée.
Enjeux environnementaux et culturels
Brazzaville mise aussi sur l’effet d’entraînement culturel. Les artistes du quartier de la Tsiémé seront invités à produire des œuvres éphémères, pendant que des conteurs revisiteront l’héritage de Matsoua. L’objectif est d’ancrer la destination dans une narration authentique, loin des clichés tropicaux.
La sensibilisation environnementale est intégrée au parcours : points de collecte des déchets, distribution de gourdes réutilisables et ateliers sur la protection du fleuve jalonneront l’itinéraire. Le ministère du Tourisme rappelle que 60 % des visiteurs internationaux placent désormais l’empreinte carbone parmi leurs critères décisifs.
Partenariat public-privé en action
Sur le plan institutionnel, l’événement illustre la coordination croissante entre agences étatiques et opérateurs privés. Interrogé, le directeur de l’Opit souligne : « le modèle de cogestion rassure les investisseurs, car il réduit le risque politique et mutualise les expertises ».
La mairie de Brazzaville a pris en charge le balisage sécuritaire, tandis que Wild Safari Tours apporte l’ingénierie commerciale. Cette répartition incarne la stratégie nationale de partenariats publics-privés, explicitée dans le Plan national de développement 2022-2026 et saluée par plusieurs chancelleries africaines.
Résonance diplomatique et sous-régionale
Sur le continent, les grandes capitales rivalisent déjà d’ingéniosité pour attirer les circuits courts. Dakar a lancé ses « Walk and Talk », Libreville ses « Expé-plage ». Brazzaville cherche donc à se différencier en jouant la carte de l’urbanité historique au cœur du bassin Congo.
La diplomatie économique congolaise y voit l’occasion de redorer son offre régionale, alors que les réunions de la CEEAC se tiennent fréquemment dans la capitale. Pour un conseiller ouest-africain, « montrer la ville à pied, c’est démontrer sa stabilité institutionnelle ».
Cap vers un tourisme responsable
À plus long terme, l’Opit planche sur un pass numérique permettant d’additionner points de fidélité et données de fréquentation. Ces informations, anonymisées, alimenteront un observatoire destiné à calibrer les infrastructures futures, notamment l’aménagement de berges piétonnes entre la Case-de-Gaulle et Mpila.
Les organisateurs insistent néanmoins sur la nécessité d’une implication citoyenne durable. Des contrats d’entretien devraient être signés avec des associations de quartier pour sécuriser le mobilier urbain. Une telle participation communautaire, testée à Pointe-Noire sur le front de mer, a réduit le vandalisme de 30 %.
En coulisses, plusieurs agences européennes spécialisées dans le « slow travel » suivent de près la marche de septembre. L’une d’elles, basée à Bruxelles, indique qu’une extension vers Kinshasa via le futur pont route-rail offrirait un produit transfrontalier inédit, à forte valeur diplomatique.
Reste l’enjeu de la connectivité aérienne. Air France, RwandAir et Ethiopian assurent déjà des liaisons régulières, mais les hôtels congolais plaident pour un assouplissement des visas de courte durée. Selon eux, un e-visa sous 48 heures doublerait le volume d’escales urbaines d’ici trois ans.
D’ici là, la marche du 28 septembre servira de test grandeur nature. Si les indicateurs se confirment, le gouvernement envisage de pérenniser le concept chaque trimestre. Brazzaville tracerait alors un itinéraire régulier, symbole d’une diplomatie piétonne et d’une diversification économique assumée.
L’Institut national du tourisme prépare pour octobre un module de guidage urbain. La formation vise à certifier cent jeunes par an, étoffant les compétences locales et offrant un débouché concret aux diplômés.
La Banque mondiale, intéressée, conditionne néanmoins son soutien à la publication d’indicateurs publics : fréquentation, recettes fiscales et suivi de l’habitat informel, indispensables pour contenir toute dérive gentrifiante.