Brazzaville au cœur de la réflexion environnementale
Ce qu’il faut retenir : pendant une semaine à Brazzaville, plus d’une centaine d’experts ont disséqué la place de l’évaluation environnementale stratégique et sociale dans la planification publique, confirmant le rôle moteur du Congo dans la transition écologique régionale.
Le double séminaire organisé par le Secrétariat pour l’évaluation environnementale en Afrique centrale, avec le soutien de la Commission néerlandaise et de l’Association congolaise, a mis en lumière l’importance d’intégrer, très en amont, les questions climatiques et sociales aux politiques sectorielles.
Placées sous l’égide de la ministre des Affaires sociales, Irène Marie Cécile Mboukou-Kimbatsa Goma, les assises ont également bénéficié du parrainage de la présidente du Conseil économique et social, Emilienne Raoul, témoignant d’une mobilisation institutionnelle rare autour d’un agenda désormais national.
Comprendre l’évaluation environnementale stratégique
Souvent désignée par l’acronyme EES, l’évaluation environnementale stratégique dépasse le cadre des études d’impact classiques. Elle explore les conséquences possibles d’une politique, d’un plan ou d’un programme avant même la rédaction des cahiers des charges techniques.
Cette démarche amont offre aux décideurs une « boussole éthique », selon les mots de la ministre, en leur permettant d’identifier risques, opportunités et arbitrages avant l’allocation budgétaire. Elle favorise la cohérence intersectorielle et ouvre la voie à des économies substantielles, évitant projets inadaptés.
Pour le président d’honneur de l’ACEE, l’EES « aide à intégrer de manière anticipée les considérations environnementales et sociales ». Dans la sous-région, cette intégration demeure variable, d’où l’intérêt d’outils partagés facilitant la comparaison des diagnostics et la mutualisation des données.
Capacités renforcées pour une gouvernance durable
Le séminaire-atelier de Brazzaville a combiné modules théoriques, travaux interactifs et retours d’expérience. Des urbanistes camerounais y ont par exemple comparé leurs pratiques avec celles de responsables congolais des infrastructures routières, soulignant l’importance d’une base de références communes pour les études stratégiques.
Durant les échanges, les experts de la Commission néerlandaise ont détaillé des grilles d’évaluation participatives. Celles-ci intègrent des indicateurs de genre, de vulnérabilité et de résilience. Les représentants d’ONG ont insisté sur la nécessité de publier systématiquement les rapports pour renforcer la confiance citoyenne.
Les administrations congolaises, déjà familières de la procédure nationale d’étude d’impact, bénéficient ainsi d’une montée en compétence alignée sur les standards internationaux. L’objectif affiché est d’harmoniser les pratiques dans l’espace CEMAC et d’attirer davantage d’investisseurs responsables.
Mme Raoul a rappelé que « prévenir les risques coûte toujours moins cher que réparer ». Les financiers présents, dont la Banque de développement des États d’Afrique centrale, ont confirmé qu’ils conditionnaient de plus en plus leurs lignes de crédit à l’existence d’évaluations stratégiques rigoureuses.
Un atelier pratique a simulé la planification d’une zone économique spéciale située dans le Pool. Les stagiaires ont identifié les contraintes hydrologiques, cartographié les habitats critiques puis proposé un zonage industriel capable de limiter les rejets et de générer des emplois verts.
Défis climatiques en Afrique centrale
L’Afrique centrale concentre les deuxièmes plus vastes forêts tropicales du monde et d’immenses réserves hydriques, mais elle subit également une pression démographique croissante. Sans planification durable, l’extraction minière et l’agriculture itinérante peuvent accroître déforestation, érosion et conflits d’usage.
Face à ces risques, l’EES propose des scénarios alternatifs. Elle calcule par exemple l’empreinte carbone d’un corridor routier avant le premier coup de pioche ou mesure les impacts sociaux d’une réforme foncière. Ces projections éclairent les arbitrages des gouvernements et des bailleurs.
Le Congo-Brazzaville, engagé dans la préservation du bassin du Congo et dans un ambitieux programme de modernisation des infrastructures, y voit un moyen de concilier croissance et responsabilité. Les autorités y gagnent une crédibilité accrue dans les négociations climatiques et auprès des partenaires techniques.
Le professeur gabonais Patrice Ndong a d’ailleurs salué la position du Congo, « pivot naturel de la sous-région », appelant à une synergie entre États pour bâtir un système d’information environnementale partagé et fiabiliser les données nécessaires aux futures évaluations stratégiques transfrontalières.
Perspectives après Brazzaville
Au terme des travaux, une déclaration a défini trois priorités : institutionnaliser la formation continue, harmoniser les cadres juridiques et mettre en place un registre électronique des EES accessible au public. Chaque délégation s’est engagée à soumettre un rapport d’étape dans six mois.
Le secrétariat sous-régional va, pour sa part, élaborer un guide méthodologique commun. Il envisage de recourir à des plateformes numériques hébergées à Brazzaville pour centraliser les retours d’expérience et faciliter l’accompagnement des collectivités locales peu dotées en expertise environnementale.
Les participants ont enfin appelé le secteur privé à intégrer l’EES dans ses projets majeurs. Ils estiment qu’une telle anticipation réduit les délais d’instruction, limitant les surcoûts liés à la modification tardive d’ouvrages ou aux contestations communautaires.
En écho à la citation de Wangari Maathai rappelée en ouverture, les finalistes ont conclu que la croissance ne vaut que si elle laisse une Terre habitable. Brazzaville a ainsi sonné le rappel : planifier durablement est désormais la norme, non l’exception.
