Redéfinir la gouvernance nationale
Sous les lambris feutrés d’un hôtel de la capitale, la Commission nationale d’auto-évaluation du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs s’est réunie pour une session jugée décisive par ses animateurs. Il ne s’agissait pas d’un séminaire de plus, mais d’une véritable mise à jour doctrinale destinée à rappeler, point par point, les fondements de cet instrument continental de bonne gouvernance adopté par l’Union africaine il y a deux décennies. La rencontre, pilotée par le président de la Commission, Alain Akouala, a replacé la notion de redevabilité politique au cœur des discussions, tout en soulignant la spécificité du contexte congolais.
Le Maep, catalyseur d’une diplomatie économique
Né en 2003 à l’initiative de chefs d’État africains soucieux de renforcer la crédibilité du continent, le Maep repose sur une logique de volontariat, vertu souvent rare en matière d’évaluation. Pour le Congo-Brazzaville, signataire la même année, l’adhésion a surtout ouvert la voie à une diplomatie économique davantage orientée vers les standards internationaux de transparence. Comme le rappelle le politologue béninois Éric Adja, « recourir au Maep, c’est offrir aux investisseurs un baromètre institutionnel qui rassure ». Dans une sous-région où la concurrence pour les capitaux s’intensifie, l’argument pèse lourd.
Clarifier les mandats pour gagner en efficacité
La session du 18 juillet a permis de dissiper les ambiguïtés susceptibles de ralentir la mise en œuvre. Qui fait quoi ? À quel horizon ? Ces questions, souvent traitées à mots couverts, ont été posées de manière frontale. Le Premier vice-président de la Commission, Édouard Lonongo, s’est montré satisfait de l’exercice qui, selon lui, « balise un terrain devenu plus lisible pour chaque haut fonctionnaire concerné ». L’enjeu est d’éviter les chevauchements administratifs, fléau dénoncé par de nombreuses études sur la performance des États africains.
La signature prochaine du protocole d’entente avec le secrétariat continental du Maep doit parachever cette clarification. Ce document fixera un calendrier, détaillera les obligations de reporting et codifiera les mécanismes de suivi, autant d’outils indispensables à une gouvernance factuelle.
Des défis logistiques mais une volonté ferme
À l’épreuve du terrain, la volonté politique s’accompagne toujours de réalités matérielles. Les membres de la Commission n’ont pas éludé les questions logistiques. Bureaux, accès aux données statistiques nationales, dotations budgétaires : autant de prérequis pour mener des audits crédibles. Le ministère des Finances, invité à la séance, a assuré que les lignes budgétaires prévues dans la loi de finances rectificative couvriraient les besoins essentiels. L’annonce conforte la stratégie gouvernementale, d’autant que le ministère de la Coopération internationale voit dans le Maep un socle pour négocier des programmes conjoints avec la Banque africaine de développement.
Le professeur congolais Jean-Brice Mavoungou, spécialiste de gouvernance comparée, souligne que « la rigueur logistique est la meilleure garantie d’une évaluation non partisane ». Autrement dit, doter la Commission des moyens idoines n’est pas un luxe mais une condition sine qua non pour inscrire la démarche dans la durée.
Un outil d’intégration politique régionale
Au-delà des considérations techniques, la revitalisation du Maep au Congo se charge d’une portée géopolitique. Le pays occupe une position charnière entre l’Afrique centrale et l’espace francophone de l’ouest continental. En redéfinissant ses indicateurs de gouvernance, Brazzaville ambitionne de jouer un rôle de courroie entre les différentes communautés économiques régionales. L’Union africaine, qui a placé en 2023 l’intégration régionale au rang de priorité, voit dans l’exemple congolais une illustration de la synergie possible entre institutions continentales et politiques nationales.
Le diplomate sénégalais Abdoulaye Bathily, médiateur onusien en Afrique centrale, estimait récemment que « renforcer le Maep revient à créer un langage commun de responsabilité partagée ». Par la circulation des rapports et la comparaison des bonnes pratiques, les pays membres nourrissent un apprentissage mutuel qui dépasse la seule logique de notation.
Perspectives de politique publique
Les observations issues du futur rapport d’auto-évaluation orienteront probablement les choix sectoriels du gouvernement. Gouvernance économique, participation citoyenne, État de droit, développement durable : quatre piliers qui forment la grille d’analyse du Maep et qui rejoignent les priorités exprimées dans le Plan national de développement 2022-2026. Les experts s’accordent à dire que l’alignement des recommandations et des budgets programme facilitera la mobilisation de financements extérieurs tout en renforçant la cohérence des politiques publiques.
Certaines organisations de la société civile y voient déjà une opportunité de dialogue structuré avec les institutions, dans un cadre sécurisé par une méthodologie agréée à l’échelle continentale. Cet espace de discussion pourrait contribuer à la consolidation de la paix sociale, volet essentiel pour maintenir la trajectoire de croissance post-pandémie.
Cap sur une diplomatie de la confiance
À l’issue de la réunion, le sentiment dominant est celui d’une confiance mesurée mais réelle. La Commission, désormais mieux outillée, entend soumettre ses premières auto-évaluations sectorielles avant la fin du premier semestre 2024. Les autorités congolaises affichent la volonté d’inscrire ce processus dans une démarche plus large de branding national, offrant au pays un visage institutionnel modernisé. L’exercice rejoint la logique diplomatique du Président Denis Sassou Nguesso qui, lors du dernier sommet sur le climat, soulignait déjà la nécessité d’institutions solides pour conduire la transition verte.
En replaçant le Maep au centre de ses priorités, Brazzaville entend prouver que la gouvernance n’est pas une concession mais un actif stratégique. Entre pragmatisme budgétaire, rigueur méthodologique et ambitions régionales, le Congo compose un récit politique qui, s’il parvient à tenir ses promesses, pourrait servir de modèle aux États désireux de conjuguer souveraineté et transparence.