Un rendez-vous qui s’inscrit dans la durée
Le Palais des congrès de Brazzaville accueillera, le 24 juillet, une séance d’information pilotée par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). L’initiative n’est pas anecdotique : elle s’inscrit dans la continuité de la coopération tissée depuis plusieurs éditions entre l’OIF et le Festival panafricain de musique (Fespam), événement-phare de la scène artistique continentale qui préparera en 2025 sa douzième célébration. Loin d’un simple exercice de communication, la rencontre ambitionne de décoder les mécanismes financiers, logistiques et diplomatiques susceptibles d’accompagner la circulation des artistes congolais et, au-delà, du bassin francophone africain.
La Francophonie comme catalyseur de mobilité
Au cœur des programmes mis en avant par l’OIF, la mobilité demeure un vecteur stratégique. Entre Pointe-Noire, Montréal et Bruxelles, le soutien à la circulation d’orchestres, de troupes de danse ou de collectifs de slam constitue un instrument diplomatique à part entière, car il façonne l’image de la Francophonie bien au-delà des chancelleries. Comme l’a rappelé à maintes reprises la secrétaire générale de l’organisation, Louise Mushikiwabo, « chaque artiste est un ambassadeur qui ignore parfois son statut ». En valorisant cette diplomatie des émotions, l’OIF répond aux attentes formulées par les États membres lors du Sommet de Djerba : mutualiser les ressources pour que les créations circulent, que les talents émergent et que les imaginaires francophones se rencontrent sur des scènes plurilingues.
Deux fonds encore méconnus
Le premier temps fort de la séance du 24 juillet sera consacré au Fonds « Image, Son, Spectacle », instrument qui prend en charge billets d’avion, frais de visa et cachets incompressibles dès lors qu’un programmateur étranger confirme une invitation. Le second, baptisé « Relance culturelle francophone », accompagne la structuration administrative des festivals ou l’acquisition d’équipements légers favorisant l’autonomie technique. Selon Kanel Engandja Ngoulou, chargé de projets à l’OIF, ces outils demeurent sous-sollicités : « Moins de 30 % des demandes proviennent d’Afrique centrale, alors que la densité de festivals y est la plus forte ». À Brazzaville, nombre de musiciens et d’organisateurs ignorent encore la procédure dématérialisée ou se heurtent à l’obstacle linguistique des dossiers à compléter.
Un contexte national favorable
Au Congo-Brazzaville, les indicateurs macro-culturels témoignent d’un regain d’attention porté par les autorités à la valorisation des industries créatives. La loi de finances 2024 a consacré une enveloppe additionnelle à l’entretien des infrastructures scéniques, tandis que les missions diplomatiques ont reçu mandat de faciliter la mobilité des artistes détenteurs de lettres d’invitation officielles. Cette configuration confère à la séance de juillet une portée pratique : les créateurs pourront aligner, en temps réel, les critères OIF sur les procédures nationales, évitant les doubles formalités qui retardent souvent les tournées.
Vers une professionnalisation accrue
À la veille de l’événement, une masterclass sur la découvrabilité musicale, organisée du 22 au 23 juillet, jettera les bases d’une approche plus professionnelle du secteur. Le terme, encore peu familier sous les tropiques, désigne la capacité d’un artiste à émerger sur les plateformes numériques grâce à des métadonnées normalisées. L’OIF parie sur ce chaînon technologique pour contourner les coûts de distribution classique et amplifier la visibilité des œuvres congolaises. L’économiste Jaynet Koumba, spécialiste des industries créatives, estime que « chaque point de découvrabilité gagné représente un marché supplémentaire pour l’artiste, mais aussi pour le pays qui l’exporte ».
Un impact diplomatique assumé
Au-delà du soutien financier, la démarche de l’OIF s’inscrit dans une stratégie géopolitique plus vaste : renforcer la cohésion d’un espace francophone où les convergences culturelles servent de levier à la solidarité politique. En hébergeant la séance d’information, Brazzaville capitalise sur son aura historique de « capitale de la musique africaine » forgée depuis les années 1960. Le ministère congolais des Affaires étrangères estime que la notoriété des ambassadeurs culturels contribue à l’attractivité des forums diplomatiques organisés sur les rives du fleuve Congo. En retour, la visibilité internationale des artistes nourrit le soft power national, un atout non négligeable dans un environnement régional compétitif.
Perspectives pour le Fespam 2025
À un an du coup d’envoi de la douzième édition, les organisateurs du Fespam misent sur un alignement inédit des planètes. La promesse de facilités de mobilité offertes par l’OIF pourrait attirer des têtes d’affiche encore inaccessibles lors des volets précédents. D’ores et déjà, certaines maisons de disques européennes scrutent le marché congolais, séduites par la configuration logistique annoncée. Le directeur du Fespam, Hugues Kounché, se montre prudemment optimiste : « Nous sommes à un tournant. Le soutien de la Francophonie crée une dynamique vertueuse : plus d’artistes, plus de public, plus de retombées économiques ». Cette équation, si elle se vérifie, consolidera la réputation de Brazzaville comme carrefour majeur de la diplomatie culturelle africaine.
Un enjeu de rayonnement pour la jeunesse
Les retombées sociales du dispositif OIF sont également scrutées par la jeunesse congolaise, dont une frange croissante se professionnalise dans les métiers de la scène. Entre maisons de production indépendantes et start-up spécialisées dans la billetterie numérique, un écosystème local émerge, avide de formations et de financements. La séance d’information du 24 juillet devrait répondre aux interrogations pratiques : conditions d’éligibilité, critères de parité, ou encore équilibre entre création traditionnelle et expérimentations numériques. Autant d’éléments qui, replacés dans une perspective diplomatique, renforcent le dialogue entre politiques publiques, institutions internationales et acteurs de terrain.
Une dynamique régionale à consolider
La capitale congolaise ne se contente plus d’être une simple escale dans les tournées continentales ; elle aspire à devenir un hub où se négocient coproductions, formations croisées et partenariats Sud-Sud. Le rapprochement OIF-Fespam vient donc conforter une ambition régionale qui dépasse les frontières nationales. Les délégations attendues du Cameroun, du Gabon ou de la République démocratique du Congo verront dans la rencontre un banc d’essai pour harmoniser pratiques administratives et critères de sélection, afin d’élever la compétitivité globale de l’Afrique centrale sur la scène créative mondiale.
Une trajectoire qui s’inscrit dans le temps long
À l’issue de l’événement, les observateurs surveilleront la capacité des porteurs de projets congolais à transformer l’information reçue en candidatures abouties. L’OIF, de son côté, évalue régulièrement l’impact de ses fonds à travers des indicateurs précis : nombre de tournées réalisées, diversification des publics, création d’emplois indirects. Le prochain cycle d’évaluation, prévu pour 2026, devrait révéler si la séance brazzavilloise fut un simple point d’étape ou l’amorce d’un changement structurel pour la diplomatie culturelle régionale.