Une géographie stratégique au service de la diplomatie
Adossé à l’Équateur, le Congo-Brazzaville déploie 342 000 km² de reliefs variés, depuis la plaine côtière battue par le courant de Benguela jusqu’aux plateaux intérieurs sculptés par les affluents du fleuve Congo. Cette mosaïque permet au pays de disposer d’un accès maritime, d’un réseau fluvial dense et d’une ceinture forestière continue, autant d’atouts qu’exploitent les autorités pour accroître leur marge de manœuvre dans les enceintes internationales.
La capitale, bâtie sur la rive droite du Pool Malebo face à Kinshasa, illustre cette valeur géostratégique : port intérieur, hub ferroviaire vers Pointe-Noire et couloir logistique vers l’hinterland centrafricain. « La géographie confère à Brazzaville la fonction de carrefour, nous devons la transformer en plateforme diplomatique du climat », confie un haut cadre du ministère des Affaires étrangères, rappelant la logique qui a inspiré la création du Centre panafricain de la recherche forestière en 2021.
Le Bassin du Congo, poumon planétaire convoité
Avec 23 millions d’hectares de forêts intactes, soit près de 65 % du territoire, le Congo-Brazzaville contribue à hauteur de trois milliards de tonnes de carbone séquestrées. Les images satellites publiées par Global Forest Watch confirment une stabilité remarquable du couvert végétal entre 2000 et 2022, faisant du pays un cas rare sur le continent.
Cette performance nourrit la diplomatie dite « verte » de Brazzaville. Depuis la COP21, le président Denis Sassou Nguesso plaide pour une valorisation financière de ce service écosystémique. Son initiative phare, le Fonds bleu pour le Bassin du Congo, lancée conjointement avec seize États riverains, dispose aujourd’hui de promesses d’engagements à hauteur de cinq milliards de dollars, principalement émanant de l’Union européenne, des Émirats arabes unis et de la Banque africaine de développement.
Priorités économiques et transition énergétique
Si le pétrole pèse encore plus de 60 % des recettes d’exportation, la feuille de route gouvernementale parue en mars 2022 place la diversification verte au cœur de la relance post-pandémie. Les corridors agro-forestiers de la vallée du Niari visent ainsi à doubler la production de cacao tout en préservant 30 % d’aires protégées.
Le ministre de l’Économie, Jean-Baptiste Ondaye, insiste sur la complémentarité entre industries extractives et finance carbone : « Nos gisements offshore financent les infrastructures qui rendent bankable la protection des forêts. » En octobre dernier, une première vente aux enchères de crédits carbone certifiés Verra a rapporté 27 millions de dollars, ouvrant la voie à un marché domestique que la Banque mondiale évalue à 180 millions par an d’ici 2028.
Leadership de Denis Sassou Nguesso sur la scène multilatérale
L’activisme diplomatique du chef de l’État s’illustre dans l’organisation, à Oyo, de la Conférence internationale des bailleurs du Fonds bleu en juillet 2023. S’exprimant à la tribune, Denis Sassou Nguesso a rappelé que « la préservation du Bassin du Congo n’est pas une obligation morale seulement africaine, mais un impératif vital pour la planète ». Ce positionnement a été salué par le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, qui a évoqué « un leadership climatique exemplaire ».
En marge du Sommet One Forest à Libreville, le président congolais a également proposé la création d’un marché régional du carbone regroupant la CEMAC et la SADC, idée reprise dans le communiqué final et appuyée par la France. Cette visibilité accrue contribue à renforcer le poids de Brazzaville dans d’autres dossiers, qu’il s’agisse de sécurité dans le Golfe de Guinée ou d’arbitrages énergétiques au sein de l’OPEP+.
Enjeux sécuritaires et conciliation environnementale
La sécurité constitue toutefois un prérequis pour capitaliser sur ces actifs verts. Les incursions sporadiques de groupes armés venus du nord-est de la RDC ont conduit les autorités à renforcer la surveillance le long de la Sangha et de la Likouala, appuyées par une coopération technique avec la MONUSCO. Le haut-commissaire congolais aux aires protégées affirme que « la stabilité des villages riverains réduit les fronts de déforestation illégale d’au moins 40 % ».
Cette approche intégrée, associant patrouilles mixtes, projets d’agroforesterie et déploiement de drones, a valu au Parc national d’Odzala-Kokoua une certification IUCN Green List en décembre 2022, gage de gestion durable et facteur d’attractivité touristique à moyen terme.
Perspectives de coopération internationale renforcée
La tenue de la COP 28 à Dubaï pourrait marquer une étape décisive. Brazzaville prépare une « offre globale » mêlant obligations vertes souveraines, partenariats public-privé pour l’hydroélectricité et mécanismes REDD+. Selon un mémo interne consulté par notre rédaction, la délégation congolaise aimerait porter à 500 millions de dollars par an les flux climatiques entrants d’ici 2030.
Les chancelleries occidentales suivent avec attention ce mouvement. Un diplomate allemand résume ainsi l’équation : « Le Congo détient moins de 0,06 % des émissions mondiales mais abrite l’une des plus grandes solutions naturelles. Investir ici coûte moins cher que dépolluer chez nous. » Dans ce contexte, la stabilité politique et la constance de la ligne présidentielle représentent un gage de prévisibilité apprécié par les bailleurs.