La musique comme vecteur de cohésion panafricaine
Dans une salle comble du Palais des congrès, la ferveur populaire a rencontré la solennité protocolaire lorsque le président Denis Sassou-Nguesso a déclaré ouverte la 12ᵉ édition du Festival panafricain de musique. Les drapeaux des cinquante-quatre États africains, portés par la Garde républicaine, ont rappelé que l’événement, né en 1996, demeure l’un des rares forums culturels continentaux capables de transcender les clivages politiques. À Brazzaville, capitale historique des indépendances, le Fespam se revendique aujourd’hui plateforme de fraternité artistique, confirmant la centralité de la musique dans les mécanismes de soft power africain.
Une diplomatie culturelle assumée depuis Brazzaville
« Le Congo fait le choix de promouvoir la culture comme langage universel », a résumé la ministre Marie-France Lydie Hélène Pongault devant un parterre de diplomates. Dans la lignée des politiques publiques initiées depuis plus de deux décennies, l’exécutif brazzavillois entend positionner la scène artistique comme levier d’influence régionale. La présence, aux côtés du chef de l’État, de hauts représentants de l’Unesco et de multiples chancelleries témoigne de l’ancrage international de la manifestation. En retour, les capitales étrangères saluent un modèle de coopération qui privilégie la célébration de la diversité culturelle sans verser dans l’exotisme, à rebours des clichés parfois véhiculés sur les industries créatives africaines.
L’économie créative au cœur de l’ère numérique
Le thème retenu, « Musique et enjeux économiques à l’ère du numérique », s’inscrit dans les grandes orientations de l’Union africaine visant à tripler la contribution de l’économie créative au PIB continental d’ici 2030. En privilégiant un format resserré mais axé sur la qualité, les organisateurs ont articulé concerts, master-classes et symposiums autour des questions de monétisation du streaming, de gestion des droits d’auteur et de bancarisation des artistes. Selon le commissaire général Hugues Gervais Ondaye, ces réflexions ouvrent la voie à des partenariats avec les géants technologiques africains et à l’émergence de fintechs spécialisées dans la perception de redevances, promesse d’une meilleure rémunération des créateurs.
Jeunesse, formation et transmission des savoirs
Au-delà des grandes scènes, la jeunesse congolaise reste la première bénéficiaire du dispositif. Les ateliers animés par la compagnie « Danseincolor » du chorégraphe Gervais Tomadiatunga et les sessions de slam de Mariusca La Slameuse offrent aux talents émergents un accompagnement professionnalisant. Dans les couloirs du Palais des congrès, de jeunes beat-makers croisent des luthiers traditionnels, incarnant la jonction entre patrimoine immatériel et technologies de production. La ministre Pongault insiste sur ce dialogue intergénérationnel : « Former, c’est pérenniser, mais aussi préparer nos artistes à un marché globalisé où l’identité doit rimer avec compétitivité. »
Perspectives régionales et partenariats internationaux
L’engouement suscité par cette édition, malgré un contexte économique mondial contraint, démontre la résilience du secteur culturel africain. Les accords de coproduction signés en marge de l’ouverture avec des collectivités ivoiriennes et rwandaises laissent présager des tournées croisées et la création d’un fonds panafricain de résidence artistique. Par ailleurs, l’Unesco, par la voix de sa directrice générale Audrey Azoulay, a réaffirmé son appui à la préservation des archives sonores congolaises, cœur vibrant de la rumba classée patrimoine immatériel de l’humanité. En clôturant la soirée inaugurale, le président Denis Sassou-Nguesso a souligné que « le Fespam, au-delà de la fête, est un engagement collectif pour que l’Afrique affirme sa voix ». Cette profession de foi résonne comme un message d’ouverture, consolidant la place du Congo-Brazzaville dans la cartographie de la diplomatie culturelle contemporaine.