Ce qu’il faut retenir
Trois jours durant, du 29 au 31 octobre, experts et représentants autochtones ont convergé vers Brazzaville, sur place ou à distance, pour lancer une Communauté de pratique consacrée aux droits fonciers et forestiers dans le Bassin du Congo.
Porté par le Réseau régional des peuples autochtones d’Afrique centrale, l’atelier inaugure une démarche collaborative soutenue par la FAO et alignée sur le Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal, ainsi que sur la stratégie 2025 du Repaleac.
Cinq ans après la loi sur les peuples autochtones
Adoptée en 2011 puis renforcée en 2019, la loi congolaise reconnaît les droits spécifiques des peuples autochtones, notamment l’accès à la terre. Brazzaville cherche aujourd’hui à traduire ce corpus dans des procédures claires et opposables pour chaque communauté.
Le ministère de la Justice et celui de l’Économie forestière impliquent désormais les organisations locales dans l’élaboration des décrets d’application. Selon un conseiller, l’objectif est « d’éviter les conflits en clarifiant qui peut exploiter, conserver ou valoriser les ressources ».
Brazzaville mise sur la sécurisation foncière
Au Congo, soixante-cinq pour cent des forêts relèvent encore du domaine public. Sans titres ni cadastre exhaustif, les communautés demeurent vulnérables face aux concessions industrielles ou aux projets d’infrastructures. La sécurisation des usages coutumiers est devenue priorité présidentielle.
En marge de l’atelier, le directeur général du cadastre a confirmé la création d’un guichet unique numérique pour accélérer la délivrance des attestations d’usage. Le système s’appuiera sur des drones et des images satellitaires afin de réduire les litiges.
Une Communauté de pratique régionale ambitieuse
La nouvelle CoP réunit des représentants du Cameroun, de la République centrafricaine, du Gabon et du Rwanda. Elle fonctionne comme un laboratoire d’idées, partageant études, outils juridiques et retours d’expérience via une plateforme bilingue animée depuis Brazzaville.
Pour Diane Moukagni, coordinatrice Repaleac, « mettre les acteurs autour d’un même fichier partagé facilite la comparaison des législations et l’identification rapide des bonnes pratiques ». Chaque trimestre, un webinaire thématique doit faire le point sur les progrès.
Des pays pilotes pour tester les solutions
L’atelier a retenu le Cameroun et la République du Congo comme expérimentations initiales. Ces deux États disposent déjà de cadres juridiques relativement avancés et d’institutions décentralisées capables d’intégrer rapidement les recommandations issues des travaux de la Communauté.
Un budget de démarrage de 400 000 dollars, apporté par la FAO et des partenaires privés, financera les formations, la cartographie participative et les consultations villageoises. Les premiers rapports d’évaluation sont attendus avant le Forum des Nations unies sur les forêts 2025.
Gouvernance foncière et climat, un même combat
Dans le Bassin du Congo, les territoires autochtones couvrent des puits de carbone majeurs. Protéger ces espaces communautaires revient à consolider la contribution régionale à l’Accord de Paris, rappelle le climatologue gabonais Brice Ndione, intervenu en visioconférence.
Les participants soulignent que l’implication des communautés locales améliore la surveillance des incendies, l’inventaire de la biodiversité et la restauration des zones dégradées. Cette approche à multiples bénéfices intéresse déjà plusieurs bailleurs du Fonds vert pour le climat.
Et après ? Vers un mécanisme technique mondial
Avec les enseignements de la CoP Afrique francophone, la FAO planche sur la création d’un Mécanisme technique mondial dédié au foncier. L’idée est de centraliser données, conseils et formations accessibles à toutes les organisations autochtones du globe.
Un premier prototype virtuel sera présenté à Dubaï durant la COP28. Brazzaville, qui abritera en 2024 la coordination sous-régionale, compte valoriser ce positionnement pour attirer des financements verts complémentaires et consolider son rôle de hub environnemental.
Voix des participantes
Pour Catherine Fleur Amban Nkoro, venue du Cameroun, « la fenêtre est historique ». Elle estime que la dynamisation des lois existantes pourrait « changer concrètement la vie des femmes pygmées privées de leurs vergers ». Un avis partagé par la délégation rwandaise.
En conclusion de l’atelier, les participants ont adopté une feuille de route prévoyant l’élaboration d’un guide simplifié des démarches foncières en langue vernaculaire, ainsi qu’un système d’alerte SMS pour signaler tout accaparement suspect de terres.
Scénarios et diplomatie régionale
Si les financements suivent, le Repaleac envisage de porter le dispositif devant l’Union africaine et le G20, argumentant que la reconnaissance foncière est une condition sine qua non d’une croissance inclusive et d’une paix durable dans la sous-région.
Le Congo-Brazzaville, fort de sa diplomatie environnementale, espère ainsi conforter sa réputation de capitale verte d’Afrique centrale, tout en offrant aux peuples autochtones les garanties nécessaires pour devenir de véritables partenaires du développement national.
Le point économique: valoriser les chaînes durables
Les études de marché montrent qu’un cacao labellisé ‘territoire autochtone préservé’ peut générer une prime de 15 % par tonne. Avec 35 000 petits producteurs recensés, le Congo table sur un retour économique direct tout en renforçant la traçabilité exigée par l’Union européenne.
Plusieurs coopératives pilotes seront accompagnées par l’Agence congolaise de normalisation et de la qualité, afin de satisfaire aux futures règles européennes contre la déforestation importée. L’accès ouvert aux cartes foncières devrait accélérer la certification des parcelles et sécuriser les investissements agricoles.
La Banque de développement des États d’Afrique centrale étudie un guichet vert dédié, susceptible d’injecter 50 millions de dollars dans les filières certifiées d’ici 2026.
