L’inclusion économique, nouvel horizon géopolitique
Rarement la notion d’inclusion aura autant mobilisé la diplomatie multilatérale. Des Nations unies à l’Union africaine, chaque organisation rappelle qu’une économie résiliente repose sur la participation de tous ses citoyens, y compris ceux dont les capacités physiques diffèrent. Brazzaville, capitale d’un pays souvent présenté comme carrefour stratégique d’Afrique centrale, s’inscrit désormais dans ce mouvement par une initiative aussi concrète qu’ambitieuse : former quarante personnes vivant avec handicap à l’art d’entreprendre.
Une passerelle euro-congolaise pour l’entrepreneuriat inclusif
Le programme, baptisé « Une approche inclusive du handicap », est cofinancé par l’Union européenne et la Conférence épiscopale d’Italie. Son exécution a été confiée à l’ONG italienne Comunità Sviluppo e Promozione, appuyée localement par le Groupement des intellectuels et ouvriers handicapés du Congo. Ce tandem illustre une coopération Nord-Sud où la solidarité rejoint la diplomatie d’influence. « Nous voulons éliminer les obstacles qui freinent encore des talents insoupçonnés », confie Ermelinda Onda, coordinatrice du projet, soulignant que ce partenariat épouse les priorités de la stratégie européenne pour l’Afrique.
Un dispositif pédagogique taillé pour la réalité congolaise
Les quarante apprenants, dont le niveau scolaire varie du primaire au secondaire, exploreront sept modules couvrant le management, la gestion financière, le marketing ou encore les technologies de l’information. L’Agence nationale de valorisation des résultats de la recherche et de l’innovation assure le volet pédagogique. Son chef de projet, Rivanelle Missolékélé Mpidy, précise que « près de 80 % du contenu est illustré pour faciliter l’assimilation », tandis qu’une triple évaluation diagnostique, formative et sommative garantit l’adéquation entre apprentissage et ambitions personnelles.
Au-delà des connaissances techniques, la méthodologie intègre un accompagnement psychosocial : l’objectif est d’ancrer la confiance personnelle indispensable à la création d’entreprises viables. Dans la salle de formation de la cité scientifique, chaque session devient un laboratoire d’idées où l’entraide rivalise avec l’émulation.
Convergence avec la politique sociale congolaise
La ministre des Affaires sociales, Irène Marie Cécile Mboukou-Kimbatsa, a invité les bénéficiaires « à saisir cette opportunité pour conquérir leur autonomie », rappelant que le programme national de filets sociaux dispose déjà de financements pour soutenir les initiatives génératrices de revenus. Le ministre de la Recherche scientifique, Rigobert Maboundou, y voit une illustration du Plan national de développement placé sous l’égide du président Denis Sassou Nguesso. Selon lui, « transformer des vies par l’inclusivité fait partie des engagements du chef de l’État ».
Cette articulation entre initiative internationale et action publique nationale confère au projet une portée systémique. Elle démontre également la capacité du Congo à traduire en actes les engagements pris dans les enceintes multilatérales relatives aux droits des personnes handicapées.
Au-delà de la formation, un signal diplomatique
Pour l’ambassadeur d’Italie à Brazzaville, Enrico Nunziata, « l’entrepreneuriat inclusif est un outil puissant pour valoriser la créativité des personnes différemment habiles ». Derrière cette déclaration s’esquisse un message diplomatique : l’inclusion n’est pas uniquement une question de justice sociale, elle devient un vecteur de stabilité, d’innovation et de croissance partagée. Les quarante futurs entrepreneurs, en faisant éclore leurs projets, fourniront dès lors des indicateurs concrets à même d’attirer d’autres investisseurs sensibles aux impératifs ESG.
À moyen terme, le dispositif pourrait élargir son champ à 120 bénéficiaires, déjà engagés depuis décembre 2024 dans des formations manuelles telles que la couture, la menuiserie ou la reliure. En capitalisant sur ces synergies, Brazzaville se positionne comme laboratoire régional de politiques inclusives, renforçant ainsi son attractivité économique et son image sur la scène internationale.
Vers une économie résiliente et inclusive
Alors que le continent cherche des réponses aux chocs sanitaires, climatiques ou sécuritaires, l’autonomisation des populations vulnérables apparaît comme un amortisseur indispensable. Chaque micro-entreprise créée par ces quarante apprenants pourra non seulement générer des revenus, mais aussi diffuser une culture de la débrouillardise structurée. Les barrières deviennent ponts, les différences se transforment en richesses, et la société congolaise accroît sa résilience collective.
En définitive, l’initiative portée par l’Union européenne, l’Italie et les autorités congolaises illustre une vérité géopolitique encore trop peu célébrée : investir dans la dignité des plus fragiles, c’est investir dans la stabilité de tous. De Brazzaville aux capitales partenaires, le message est clair : l’inclusion se conjugue désormais au futur économique du Congo.