Diplomatie de genre et durabilité à Brazzaville
Sous les lambris feutrés de l’Hôtel Saint-François de Paul, la cinquième édition du Mbongui de la femme africaine a pris des allures de laboratoire géopolitique. Du 30 au 31 juillet 2025, près de trois cents entrepreneuses et leaders d’opinion ont dialogué avec des représentants gouvernementaux autour d’un thème à forte charge prospective : « Femme africaine, pilier du développement durable, catalyseur de l’innovation ». En saluant « une initiative majeure pour l’agenda 2063 de l’Union africaine », le ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation technologique, Rigobert Maboundou, a rappelé que « le développement durable ne sera pas africain s’il n’est pas féminin ». Une formule appelée à résonner bien au-delà des frontières congolaises, tant elle fait écho aux conclusions récentes de la Banque africaine de développement sur la contribution des femmes à 70 % de l’économie informelle du continent (BAD, 2024).
Un forum catalyseur d’innovations inclusives
Orchestrée par l’O.N.G Elite Women’s Club que dirige Mme Splendide Lendongo Gavet, la rencontre s’est distinguée par la pluralité de ses formats : panels comparatifs, hackathon sur l’écomobilité et « talks » inspirants mêlant dirigeantes issues de la tech et agricultrices pratiquant l’agro-écologie. Cette mise en réseau horizontale a permis de dépasser la simple rhétorique pour aboutir à des recommandations opérationnelles, notamment la création d’un fonds d’amorçage dédié aux projets féminins à faible empreinte carbone et l’institution d’un passeport régional de compétences numériques. Les observateurs internationaux voient dans cette articulation entre diplomatie économique et action sociétale la marque d’une « soft power au féminin » que le Congo-Brazzaville entend cultiver (Institut français des relations internationales, 2025).
Handicap et équité : un défi transversal
Au-delà de la question du genre, l’édition 2025 a mis un accent inédit sur l’inclusion des personnes handicapées. Mme Gustavine Massangha, présidente du Collectif Lamuka, a dressé un état des lieux précis : accès partiel aux infrastructures scolaires, coût prohibitif des prothèses et dispositifs de mobilité, rareté des manuels en braille. Tout en saluant les progrès rendus possibles par la loi Mouébara, les participantes ont plaidé pour une stratégie nationale d’accessibilité adossée au prochain Plan national de développement. « Inclure le handicap dans chaque ligne budgétaire, c’est optimiser le dividende démographique », a insisté un expert du Programme des Nations unies pour le développement. Cette approche holistique rejoint les conclusions du rapport mondial 2022 sur le handicap, selon lequel chaque dollar investi dans l’accessibilité génère jusqu’à 2,5 dollars de retour économique (OMS, 2022).
Vers une gouvernance féminine de l’innovation
La table ronde consacrée au financement a révélé un écart persistant : moins de 15 % des start-up dirigées par des femmes congolaises accèdent à un capital-risque structuré. Face à ce constat, plusieurs banques locales ont annoncé la bonification de lignes de crédit vertes à destination des entrepreneuses, tandis que la Banque des États de l’Afrique centrale a évoqué la création d’un point focal genre dans son dispositif d’assistance technique. Pour Mme Nouschkaelle Koumou Dimi, du Conseil consultatif de la femme, « l’équation n’est pas seulement financière ; elle est aussi culturelle ». L’intégration, dans les curricula universitaires, de modules sur le leadership féminin et l’innovation responsable constitue l’une des préconisations phares adoptées en clôture des travaux.
Perspectives régionales et agendas multilatéraux
L’édition 2025 intervient à six mois de la revue quadriennale de la mise en œuvre des Objectifs de développement durable par la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. Dans ce contexte, Brazzaville se positionne comme plateforme de concertation Sud-Sud sur la diplomatie climatique et l’inclusion financière. En engageant le secteur privé aux côtés des institutions, le Mbongui de la femme africaine accrédite l’idée d’une gouvernance partagée, conforme aux recommandations du Sommet de Paris sur un nouveau pacte financier mondial (2023). Les diplomates présents ont relevé que ces convergences renforcent la crédibilité du Congo-Brazzaville lorsqu’il plaide, dans les enceintes multilatérales, pour un accès différencié aux financements verts et une reconnaissance du rôle structurant des femmes dans la résilience communautaire.
Cap sur la sixième édition : un agenda déjà robuste
En refermant cette cinquième édition, Mme Splendide Lendongo Gavet a insisté sur « la capacité des femmes africaines à concevoir des solutions qui transforment la contrainte en opportunité ». Les participantes se sont donné rendez-vous l’an prochain, autour d’une thématique déjà pressentie : l’économie circulaire. Pour le gouvernement congolais, dont la feuille de route 2022-2026 met l’accent sur la consolidation de l’État social et l’industrialisation verte, le Mbongui s’impose comme un accélérateur d’initiatives citoyennes. Au-delà de la chaleur des applaudissements, c’est une méthode qui se consolide : articuler diplomatie de proximité et ambition globale, sans jamais dissocier inclusion, innovation et durabilité.