Un nouveau souffle pour la régulation médiatique
À Brazzaville, la pluie d’août n’a pas empêché les professionnels des médias de commenter la nomination de Médard Milandou Nsonga à la tête du Conseil supérieur de la liberté de communication, institution charnière créée en 2001 pour réguler un paysage médiatique aussi dynamique que sensible.
L’Union des professionnels de la presse du Congo, forte d’une vingtaine d’organisations affiliées, voit dans ce changement de gouvernance une opportunité pour enlever les cailloux qui gênent encore la marche des rédactions et consolider un partenariat de longue date avec les autorités de tutelle.
Le rôle stratégique du CSLC
Au cœur de ses prérogatives, le CSLC veille à la pluralité des opinions, au respect des règles déontologiques et au bon usage des fréquences audiovisuelles, trois leviers essentiels pour consolider la paix sociale défendue par le président Denis Sassou Nguesso depuis plus de deux décennies.
Les diplomates en poste à Brazzaville observent avec intérêt cette transition institutionnelle, conscients qu’un écosystème médiatique robuste contribue à l’attractivité du pays pour les investisseurs et à la crédibilité des initiatives régionales portées par la République du Congo au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale.
U.P.P.C, un partenaire critique et constructif
Le communiqué diffusé le 18 août 2025 par l’U.P.P.C, signé d’Édouard Adzotsa et de Jean-Clotaire Hymboud, conjugue félicitations et exhortations: félicitations pour la nomination, exhortations pour la poursuite du « sentier de sagesse » tracé, selon leurs mots, par l’ancien président Philippe Mvouo.
Le message insiste sur un enjeu majeur: la mise en œuvre rapide des recommandations des Assises de la presse congolaise de 2018, dont plusieurs portent sur la formation continue, la rénovation des cadres juridiques et la convergence numérique qui redessine le rapport entre médias publics et privés.
Financement des médias : le test du Fonds d’appui
Annoncé dans la loi de finances 2025, le Fonds d’appui aux organes de presse, doté de 600 millions de francs CFA, constitue le socle financier attendu pour moderniser les équipements, faciliter la transition vers la haute définition et sécuriser les rémunérations, préalable à une information fiable et documentée.
Les observateurs reconnaissent la volonté gouvernementale de doter le secteur d’un mécanisme pérenne, après l’expérience délicate de la Redevance audiovisuelle. Il reste néanmoins à définir des critères d’allocation transparents et un calendrier précis, afin que l’effet d’annonce se transforme en souffle durable pour chaque salle de rédaction.
Professionnalisation et promotion du genre
Sur le volet gouvernance, l’Union s’étonne de l’absence de femmes dans la nouvelle équipe du Conseil, notant pourtant l’engagement officiel envers la promotion du genre. Des experts rappellent que seules 27 % des directions de médias au Congo-Brazzaville sont aujourd’hui confiées à des professionnelles expérimentées.
Interrogée, la sociologue Armelle Ndinga estime qu’« une représentation plus équilibrée renforcerait la légitimité du régulateur et enverrait un signal fort aux rédactions régionales ». À ses yeux, la question dépasse le symbolique, car elle touche à la diversité des sujets traités et à la pluralité des sources.
Gouvernance et compétences
Outre la question du genre, certains acteurs plaident pour une reconnaissance formelle des compétences dans les nominations. L’U.P.P.C reproche en filigrane l’« usurpation de qualités professionnelles », argumentant qu’une régulation crédible suppose des profils aguerris capables d’arbitrer entre impératifs économiques, considérations éthiques et exigences de sécurité nationale.
Sur ce point, Médard Milandou Nsonga a, dès sa première déclaration, rassuré vouloir privilégier le dialogue avec les organisations professionnelles et lancer un audit des besoins en compétences, afin d’identifier les formations ciblées pouvant être soutenues par le futur Fonds d’appui et par les partenaires techniques internationaux.
Perspectives régionales et diplomatiques
Le développement d’un secteur médiatique moderne revêt aussi une dimension diplomatique. Une presse diversifiée et bien équipée peut porter la voix congolaise lors des sommets internationaux, participant à une narration positive des réformes économiques, de la stabilité politique et des initiatives environnementales préconisées par le gouvernement.
Les chancelleries occidentales soulignent déjà les efforts congolais visant à rendre plus transparent le secteur extractif, tandis que les bailleurs arabes suivent l’évolution de la liberté de communication, paramètre jugé clé pour le financement d’infrastructures numériques susceptibles d’accélérer l’intégration sous-régionale.
Vers un cadre d’éthique renforcé
À moyen terme, l’U.P.P.C propose la création d’un comité d’éthique multipartite chargé d’accompagner les rédactions dans la couverture des échéances électorales, anticipant ainsi les risques de désinformation transfrontalière et les tentatives de manipulation numérique identifiées par l’Observatoire africain de la cybersécurité.
Calendrier et contrat moral
À court terme, l’agenda du CSLC prévoit la révision des barèmes de sanctions et la publication régulière d’indicateurs de performance, afin d’instaurer une culture d’évaluation. Un calendrier jugé ambitieux mais réaliste par les experts, à condition que les ressources humaines et financières soient rapidement mobilisées.
En filigrane, se dessine un contrat moral entre régulateur, professionnels et pouvoirs publics: bâtir un environnement médiatique qui reflète la diversité de la société congolaise, soutient la cohésion nationale et offre au Congo-Brazzaville une vitrine légitime sur la scène internationale, conformément aux orientations du chef de l’État.
