Ce qu’il faut retenir sur la marche bleue
Près d’une cinquantaine de marcheurs vêtus de bleu ont sillonné Brazzaville le 21 septembre 2025 pour défendre la cause de l’autisme. L’Association Cedestone, menée par la pédiatre Cedella Madina Tathy, entend briser le silence autour de ce trouble encore mal compris au Congo.
Contexte socio-sanitaire de l’autisme au Congo
L’Organisation mondiale de la santé estime qu’un enfant sur cent est autiste. Au Congo-Brazzaville, aucun registre national précis n’existe encore, mais les pédiatres avancent plusieurs milliers de cas. Faute de diagnostic précoce et de structures adaptées, de nombreuses familles se tournent vers des pratiques informelles.
Depuis 2022, le ministère de la Santé a intégré les troubles du neurodéveloppement dans sa stratégie de santé maternelle et infantile. Des partenariats publics-privés soutiennent la formation de généralistes et la création d’unités d’évaluation multidisciplinaire à Brazzaville et Pointe-Noire, renforçant progressivement le maillage territorial.
Mobilisation citoyenne sous la bannière bleue
La marche bleue est partie du rond-point de la Place de la République et a serpenté l’avenue Foch, traversé le boulevard Denis-Sassou-Nguesso puis rejoint le Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza. Les passants, intrigués, ont filmé la procession et posé des questions aux bénévoles.
Parmi les associations présentes figuraient Lion d’or multisports, le Club des marcheurs ainsi qu’un collectif de psychologues. L’ancien député José Cyr Ebina, vêtu d’un tee-shirt bleu, a rappelé que le sport forge l’estime de soi des enfants autistes et facilite leur intégration scolaire et communautaire.
Une halte a été observée devant le siège de Cedestone, face à la Primature. Les volontaires ont déployé une banderole proclamant : « Je ne suis pas bizarre, je suis autiste ». Le slogan, simple, a suscité des applaudissements et quelques selfies, amplifiant le message sur les réseaux locaux.
Voix des familles et des praticiens
Au mémorial, la directrice Bélinda Ayessa a insisté : « Être autiste n’est ni une malédiction ni une étrangeté ». Son propos, salué par de vifs applaudissements, rappelle qu’une approche inclusive commence par le langage, souvent premier vecteur de stigmatisation.
Cedella Madina Tathy, pédiatre formée à Dakar, observe que le dépistage réalisé avant trois ans double les chances d’intégration scolaire. Elle plaide pour des campagnes audio-visuelles en langues nationales afin de toucher les quartiers périphériques, où les clichés de sorcellerie demeurent prégnants.
Angela Kindou, trésorière de l’association et mère d’un garçon de huit ans, témoigne du regard méfiant du voisinage : « On m’a conseillé des rituels. J’ai préféré la science ». Son fils suit désormais une rééducation orthophonique et partage des activités artistiques avec ses camarades.
Le point juridique et économique de l’inclusion
Le Code congolais de la protection de l’enfance reconnaît le droit à l’éducation pour tous. Toutefois, l’arrêté fixant le nombre maximum d’élèves par classe spécialisée attend toujours d’être actualisé. Selon Cedestone, la hausse des diagnostics met déjà sous tension le budget des écoles spécialisées.
Sur le volet financier, un examen complet coûte en moyenne cinquante mille francs CFA, loin de la portée de nombreux ménages. Les assurances privées commencent à rembourser partiellement les séances d’orthophonie, signe qu’un marché de la prise en charge se structure progressivement.
Le Fonds bleu pour le développement durable, auquel la République du Congo contribue, étudie par ailleurs un guichet dédié à la santé communautaire. Les associations espèrent que l’autisme sera intégré, permettant aux centres locaux de financer du matériel spécialisé et des formations continues.
Scénarios vers une société inclusive
À court terme, Cedestone projette d’ouvrir un centre pilote d’accompagnement pluridisciplinaire dans l’arrondissement de Poto-Poto. Un protocole d’accord est à l’étude avec la mairie pour réhabiliter un ancien dispensaire et installer des salles sensorielles inspirées de modèles sud-africains.
Le ministère de l’Enseignement général planche sur l’introduction d’un module « neurodiversité » dans la formation initiale des enseignants. L’objectif déclaré est de doter chaque établissement public d’au moins un référent capable d’adapter les supports pédagogiques et d’accompagner les parents vers les services spécialisés.
Et après ? Cap sur la neurodiversité
La prochaine Journée mondiale de l’autisme, le 2 avril 2026, aura pour thème international « Innovation et inclusion ». Cedestone souhaite y présenter ses premiers indicateurs : nombre de dépistages, scolarisations et séances de rééducation. L’idée est de passer d’actions symboliques à un suivi mesurable.
À moyen terme, les responsables plaident pour un registre national des troubles du spectre et une base de données biométrique qui faciliterait la planification des ressources sanitaires. Un tel outil offrirait également des données comparables aux standards régionaux promus par l’Organisation mondiale de la santé.
Si la marche bleue a rassemblé une cinquantaine de personnes, son écho numérique a touché, selon l’observatoire Métrix, près de cinquante mille internautes. Cette caisse de résonance inédite indique que la société congolaise est prête à regarder l’autisme non plus comme un tabou, mais comme une diversité.
En conclusion prudente, experts et décideurs estiment que la mobilisation citoyenne, si elle perdure, peut accélérer l’alignement du Congo sur les Objectifs de développement durable relatifs à la santé mentale. La marche bleue rappelle qu’une simple initiative associative peut ouvrir la voie à de profondes réformes.