Un symbole de continuité dans l’axe Brazzaville-Pékin
L’arrivée à Brazzaville, le 29 juin dernier, d’An Qing, dix-septième cheffe de mission diplomatique de la République populaire de Chine auprès de la République du Congo, s’est déroulée dans un climat marqué par la solennité et la cordialité propres à l’amitié sino-congolaise. En succédant à Li Yan, dont la disparition inattendue, le 2 mars 2025, avait ému les deux capitales, la nouvelle ambassadrice incarne à la fois la continuité de la « communauté de destin » prônée par Pékin et la volonté de tourner une page avec sérénité. « Je ne ménagerai aucun effort pour porter plus haut encore notre partenariat stratégique global », a-t-elle déclaré dès sa présentation des copies figurées de ses lettres de créance (chancellerie chinoise, 30 juin 2026).
Au cœur de la diplomatie : la relation Sénat-Assemblée populaire
Le premier entretien institutionnel accordé par An Qing, le 3 juillet, au président du Sénat, Pierre Ngolo, souligne l’importance accordée au dialogue parlementaire comme vecteur d’une coopération durable. Pékin perçoit en effet les chambres législatives africaines comme des relais essentiels pour consolider sa diplomatie d’influence, tandis que Brazzaville y voit une occasion de diversifier les canaux d’accompagnement technique et de formation de ses cadres. Pierre Ngolo s’est félicité de « l’écoute réciproque et de la disponibilité à partager les meilleures pratiques », rappelant que la Chambre haute congolaise participe déjà, depuis 2017, au Mécanisme de coopération parlementaire sino-africain.
Feuille de route d’An Qing : modernité et pragmatisme
Selon des sources proches de la délégation chinoise, la diplomate compte structurer son mandat autour de trois piliers. Le premier concerne la poursuite des grands chantiers d’infrastructures, notamment la deuxième phase de la route nationale 1 Owando-Ouesso et l’extension du port de Pointe-Noire, vitaux pour le corridor logistique d’Afrique centrale. Le second pilier porte sur la transition énergétique, domaine où le Congo souhaite tirer parti de son potentiel hydroélectrique et gazier, alors que la Chine dispose d’un savoir-faire industriel reconnu. Enfin, la diversification de la coopération culturelle, avec l’ouverture annoncée d’un Centre conjoint de recherche en médecine traditionnelle, vise à renforcer les échanges humains et scientifiques.
Enjeux économiques : aligner la Route de la soie au Plan national de développement
Depuis l’adhésion du Congo à l’Initiative « la Ceinture et la Route » en 2018, plus de 3 milliards de dollars de projets ont été engagés. Dans la perspective du nouveau Plan national de développement 2022-2026, les autorités congolaises plaident pour un déplacement progressif de l’attention chinoise du tout-infrastructure vers l’industrialisation et la transformation locale des matières premières. Brazzaville mise sur des joint-ventures dans la filière bois, le raffinage léger et l’agro-industrie afin de stimuler la création d’emplois. An Qing se dit « ouverte à un partage de risques plus équilibré et à des financements innovants, y compris en monnaie locale », gage d’une viabilité budgétaire accrue pour le pays hôte.
Sécurité et multilatéralisme : convergences africaines
Au-delà du bilatéral, la diplomatie chinoise envisage le Congo comme un partenaire clé dans la concertation africaine sur la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies. Lors du récent Sommet des BRICS élargi à Johannesburg, Brazzaville a soutenu le principe d’un siège africain permanent, position que Pékin accueille avec intérêt. Par ailleurs, la participation conjointe au Mécanisme de coordination sino-congolais sur les questions de sécurité maritime dans le golfe de Guinée illustre une convergence opérationnelle susceptible d’incarner un modèle régional.
Regards croisés sur les défis de la dette
Interrogée sur la soutenabilité de l’endettement congolais, An Qing rappelle que « les infrastructures ne doivent pas être jugées seulement au prisme comptable mais selon leur capacité à générer de la valeur à long terme ». Les autorités de Brazzaville, qui ont récemment bénéficié d’un réaménagement consensuel des échéances (ministère des Finances, avril 2026), saluent la flexibilité chinoise et entendent poursuivre la stratégie d’optimisation de la dette publique, tout en respectant les engagements envers le Fonds monétaire international.
Une diplomatie à visage humain
Les observateurs soulignent enfin le volet sociétal de la nouvelle feuille de route. La future Maison de la culture sino-congolaise, dont la première pierre sera posée à Oyo, favorisera la diffusion réciproque des langues et la mobilité estudiantine. An Qing souhaite que « chaque projet porte la marque du bénéfice partagé », écho discret aux principes de la solidarité prônée par le président Denis Sassou Nguesso dans ses messages à la nation.
Cap vers 2027 : quels horizons pour le partenariat stratégique ?
À l’orée du soixantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques, prévu en 2027, les deux capitales projettent une série d’événements conjoints, dont un Forum économique de haut niveau et une exposition itinérante sur les réussites communes. Dans un contexte géopolitique mouvant, la nomination d’An Qing apparaît ainsi comme un trait d’union entre la dynamique historique de coopération et les exigences nouvelles d’un multilatéralisme plus inclusif. La diplomate, forte d’une carrière mêlant postes en Afrique australe et responsabilités au département des Affaires africaines à Pékin, dispose d’atouts pour transformer les ambitions en résultats concrets, au bénéfice réciproque des peuples congolais et chinois.