Le réveil d’une capitale au parfum d’histoire
Longtemps associée à la geste gaullienne et aux premières heures de l’émancipation africaine, Brazzaville semble aujourd’hui reléguée aux marges du récit continental. Or la capitale congolaise demeure l’un des marqueurs les plus puissants de la mémoire du XXᵉ siècle, foyer de la France libre en 1940 puis laboratoire des indépendances. Le dîner de travail organisé le 7 juin 2025 à Paris a voulu rappeler que cette empreinte historique n’est pas un simple souvenir mais un atout diplomatique majeur, susceptible de repositionner la ville au sein des circuits de la coopération internationale.
La Maison de la mémoire africaine comme catalyseur
À l’initiative de l’écrivain-chercheur Marcellin Mounzéo-Ngoyo, la Maison de la mémoire africaine porte depuis plusieurs années une pédagogie de la réconciliation entre passé et futur. Sa démarche consiste à convertir le capital symbolique de Brazzaville en un instrument d’influence, rejoignant ainsi les orientations du gouvernement congolais qui s’emploie à valoriser le patrimoine national à travers la diplomatie culturelle. « La mémoire n’est pas un refuge du passé mais un levier pour bâtir l’avenir », a rappelé le président de l’institution devant un auditoire mêlant diplomates, élus locaux et opérateurs économiques.
Diasporas et corps consulaires, pièces maîtresses du renouveau
Le corps consulaire de Normandie, conduit par Jean-Philippe Carpentier, a répondu présent afin de réactualiser la coopération décentralisée entre villes normandes et capitale congolaise. Pour Emmanuel Brouiller, consul honoraire du Congo à Rouen, l’enjeu réside dans la capacité à mobiliser les diasporas, désormais considérées comme partenaires stratégiques de développement. Nombre d’entre elles portent un regard ambivalent, mêlant nostalgie et esprit d’entreprise, sur la cité des bords du fleuve Congo. Leur implication, tout comme celle des collectivités françaises, ouvre la voie à des échanges technologiques, énergétiques ou encore muséographiques susceptibles d’enrichir la scène locale.
Entre mémoire et investissement, la convergence des intérêts
Les interventions d’experts en énergie et en diplomatie économique – Brian Huffret Bazebifoua, Patrick Banakissa et d’autres – ont mis en relief l’attractivité du marché congolais, notamment dans les filières renouvelables, la gestion urbaine et les industries créatives. Dans un contexte de diversification économique encouragé par les autorités de Brazzaville, ces secteurs offrent un terrain fertile pour les entreprises européennes en quête de nouveaux relais de croissance. Les participants ont souligné que la stabilité politique et les récentes réformes réglementaires constituent des signaux appréciés par les investisseurs internationaux.
Un agenda de coopération pragmatique et inclusif
Au-delà des discours, le dîner a débouché sur une esquisse d’agenda articulée autour de trois axes : création d’un Forum annuel de la mémoire partagée, jumelages renforcés entre établissements universitaires et incubation de start-up spécialisées dans le patrimoine numérique. Des propositions qui rejoignent la vision du président Denis Sassou Nguesso visant à consolider l’économie de la connaissance tout en valorisant la culture nationale. Selon Armand Rémy Balloud-Tabawe, premier conseiller à l’ambassade du Congo en France, « ces passerelles permettront de consolider le capital confiance entre nos sociétés civiles et d’approfondir la diplomatie de proximité si chère aux deux chefs d’État ».
La convivialité au service du soft power
Le volet gastronomique, alliance subtile de produits normands et de recettes congolaises, a servi d’espace de networking informel, confirmant que le soft power passe aussi par les arts de la table. Sous les voix du baryton Raoul Gamez et du chanteur-danseur Jhey Marini, les convives ont esquissé des perspectives de programmation culturelle croisée, convaincus qu’un festival itinérant pourrait placer Brazzaville sur la carte des capitales musicales africaines tout en dynamisant le tourisme d’affaires.
Perspectives d’un repositionnement durable
À l’issue des échanges, un consensus s’est dégagé : faire de Brazzaville une plateforme où se rencontrent mémoire, innovation et croissance inclusive. Les diplomates présents ont salué la cohérence d’une démarche alignée sur l’Agenda 2063 de l’Union africaine, tandis que les opérateurs privés ont insisté sur la nécessité de mécanismes financiers agiles pour concrétiser les annonces. En filigrane, l’idée d’un label « Brazzaville, capitale de la Résilience » se profile, au service d’une attractivité renouvelée et conforme aux ambitions régionales du Congo.
