Brazzaville sous les projecteurs sportifs et diplomatiques
Pendant trois journées d’une intensité remarquable, du 27 au 29 juin 2025, le Gymnase Henri Elendé a vibré au rythme des balles blanches et des applaudissements nourris. Sept nations d’Afrique centrale, du Burundi à la Guinée équatoriale, avaient répondu à l’invitation congolaise. En dépit d’un calendrier continental dense, la présence des délégations a confirmé la réputation de Brazzaville comme place forte de l’organisation d’événements multisectoriels, un savoir-faire déjà éprouvé lors des Jeux Africains de 2015, salué à l’époque par l’Union africaine. Les autorités sportives congolaises ont de nouveau démontré leur capacité logistique et sécuritaire, soutenues par un gouvernement qui inscrit la diplomatie sportive au rang des instruments de rayonnement national.
Une hiérarchie sportive serrée dans une Afrique centrale en mutation
Sur le plan purement compétitif, le Cameroun et la RD Congo se sont partagé l’or, laissant au pays hôte deux médailles d’argent et un bronze. Chez les hommes, la finale entre le boursier olympique congolais Saheed Idowu et le Camerounais Batix Ylane a tourné à l’avantage de ce dernier, 4 sets à 0. « La marge se joue souvent sur quelques balles clés et l’expérience internationale fait la différence », a reconnu le sélectionneur congolais, Antoine M’Boulou, à l’issue de la rencontre. L’équipe féminine congolaise, emmenée par la jeune pépite Ornella N’Goma, a pour sa part arraché la troisième marche du podium, confirmant l’émergence d’une génération formée au Centre national de préparation olympique de Brazzaville.
Le sel des médailles et la diplomatie du sport
Au-delà des podiums, les compétitions de Zone 4 constituent depuis une décennie un espace privilégié de diplomatie douce dans une région encore marquée par des défis sécuritaires. La promiscuité des salles, la codification stricte de la compétition et la convivialité des échanges informels offrent un contexte propice au dialogue. Un diplomate basé à Kinshasa, présent dans les tribunes, confie que « le sport abolit provisoirement la frontière entre capitales rivales et ouvre des canaux de discussion moins protocolaires ». À Brazzaville, l’image d’un président Denis Sassou Nguesso remettant des trophées à des athlètes venus de Bangui ou de Bujumbura reflète cette projection d’un Congo promoteur de stabilité régionale.
Investissements publics et maturité de la filière pongiste congolaise
L’absence d’or n’a pas entamé la détermination de la Fédération congolaise de tennis de table, qui bénéficie depuis 2022 d’un plan quadriennal de soutien inscrit dans le Programme national de développement. Celui-ci prévoit la rénovation progressive de vingt salles, le recrutement d’entraîneurs étrangers et l’octroi de bourses pour les meilleurs espoirs, à l’image de Saheed Idowu, pensionnaire du club de Mirandela au Portugal. « Nous misons sur l’exportation temporaire de nos talents afin qu’ils reviennent enrichis d’une technicité accrue », détaille Armel Ngakosso, directeur technique national. Cette stratégie, déjà éprouvée en athlétisme, vise à bâtir un socle de performances susceptibles de porter les couleurs nationales jusqu’aux Jeux de Los Angeles 2028.
Retombées économiques et image de marque de la capitale congolaise
Les hôtels du centre-ville affichaient complet durant le week-end de compétition et les restaurateurs du quartier Plateau ont enregistré une hausse moyenne de 18 % de leur chiffre d’affaires, selon la Chambre de commerce de Brazzaville. Au-delà de l’impact immédiat, l’événement renforce la stratégie de marketing territorial engagée par la municipalité : positionner la capitale comme hub de conférences et de manifestations culturelles, tirant parti de la connectivité offerte par l’aéroport international Maya-Maya et des infrastructures modernisées du front de rivière. Cette politique, soutenue par des partenariats public-privé, s’inscrit dans l’ambition gouvernementale de diversification économique.
Vers une intégration sportive accrue au sein de la CEEAC
La Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) a profité du tournoi pour tenir, en marge des rencontres, un atelier sur l’harmonisation des calendriers sportifs régionaux. Le secrétaire général adjoint de la CEEAC a salué « l’accueil congolais dont la qualité logistique crée les conditions d’une montée en gamme du sport régional ». Les participants ont évoqué la création d’un circuit commun d’entraînement qui pourrait bénéficier, via la Banque de développement des États de l’Afrique centrale, d’un fonds d’appui dédié aux disciplines olympiques. Le tennis de table, discipline techniquement accessible et peu onéreuse, apparaît comme laboratoire idéal d’une intégration par le bas, centrée sur les jeunes et la culture de la paix.
Au-delà de l’argent, les dividendes d’une stratégie à long terme
En alignant ses objectifs sportifs sur des considérations de diplomatie et de développement, le Congo montre qu’une médaille d’argent n’est pas une finalité mais une étape. L’important, pour reprendre les mots du ministre en charge des Sports, Hugues Ngouélondélé, est de « convertir la performance en dynamique structurelle ». À l’issue d’un tournoi marqué par des échanges cordiaux et une organisation saluée, Brazzaville s’installe plus fermement encore au cœur des réseaux d’influence de l’Afrique centrale. Les pongistes congolais reviendront sans or, mais le pays, lui, repart avec un capital politique renouvelé et la conviction que le sport demeure l’un des leviers les plus efficaces de sa stratégie d’émergence.