Un forum francophone aux enjeux géoéconomiques
Au cœur d’une conjoncture internationale où la compétition pour les investissements se fait plus dense, Brazzaville s’apprête à accueillir, en mai 2026, la septième édition du Forum international des entreprises francophones. L’annonce, portée par le Dr Jean-Daniel Ovaga à Abidjan, consacre la volonté congolaise de s’inscrire dans le cercle restreint des États-pivot de la francophonie économique. Le Groupement du patronat francophone, initiateur du rendez-vous, voit dans cette rotation d’hôte un moyen de diffuser de bonnes pratiques d’affaires tout en renforçant la solidarité linguistique. Pour le Congo, il s’agit d’un levier diplomatique indéniable : positionner le pays comme plateforme d’échanges au carrefour d’une Afrique centrale encore en quête de diversification économique.
La candidature congolaise, fruit d’un lobbying soutenu
À Abidjan, le président de l’Union nationale des opérateurs économiques du Congo a plaidé la cause brazzavilloise en mettant en avant la stabilité macroéconomique retrouvée et l’engagement réformateur des autorités. « Brazzaville deviendra, le temps d’un printemps, la capitale des affaires francophones », a-t-il déclaré, convaincu que la dynamique présidentielle en faveur du climat des affaires offre un terreau propice. Ce lobbying, appuyé par de nombreux entrepreneurs congolais de la diaspora, rappelle l’importance croissante des réseaux privés dans la diplomatie contemporaine. L’État a, pour sa part, entériné la démarche dès le retour de délégation, le ministre de l’Économie Ludovic Ngatsé louant « la cohérence d’une initiative qui fortifiera notre rôle actif au sein de la francophonie ».
Hub régional : Brazzaville redessine la carte des échanges
Longtemps perçue comme simple porte d’entrée fluviale vers l’intérieur du continent, la capitale congolaise ambitionne désormais de supplanter les centres voisins en matière de rencontres d’affaires. Les projets d’infrastructures portuaire et aéroportuaire, soutenus par des partenaires bilatéraux, constituent la matrice de cette stratégie. Les organisateurs tablent sur une fréquentation d’environ 1 200 décideurs venus de plus de trente pays francophones, volume susceptible de générer une activité parallèle significative pour l’hôtellerie, la restauration et les services annexes. Cette dynamique, articulée à la Zone de libre-échange continentale africaine, pourrait pousser les entreprises congolaises à franchir un palier dans leur intégration régionale.
Logistique, santé et sécurité : un triptyque sous haute surveillance
Le succès d’un tel forum dépendra d’une orchestration sans fausse note. Les autorités ont déjà identifié trois axes prioritaires : fluidité logistique, couverture sanitaire et sûreté des participants. La Clinique médicale Securex, pilotée par le Dr Ovaga, devrait jouer un rôle central dans la prise en charge préventive et l’éventuelle gestion d’urgence. Des corridors de circulation dédiés seront ménagés entre l’aéroport Maya-Maya, les principaux hôtels et le Palais des Congrès. Quant à la sécurité, l’expérience accumulée lors de récents sommets sous-régionaux constitue un capital opérationnel précieux, renforcé par une coopération policière ponctuelle avec certains pays de l’Organisation internationale de la Francophonie.
Des retombées économiques attendues pour le secteur privé
Derrière la vitrine protocolaire se dessine un enjeu concret : attirer des financements extrarégionaux dans l’agro-industrie, le numérique et l’énergie verte. La feuille de route préparée par l’Union nationale des opérateurs économiques prévoit des sessions de ‘deal-making’ sectorielles, assorties d’un cadre d’arbitrage simplifié afin de donner à chaque projet un horizon juridique clair. Les petites et moyennes entreprises, souvent à la peine pour accéder au capital, pourraient bénéficier d’une visibilité inédite. Le ministère du Développement industriel s’est déjà engagé à présenter un portefeuille d’opportunités d’une valeur estimée à 1,2 milliard de dollars.
Dimension politique : une diplomatie du résultat
Si le Forum relève avant tout de la sphère économique, il n’échappe pas aux lectures politiques. Placé sous le très-haut patronage du président de la République ou de son représentant, l’événement offre à Brazzaville l’occasion de démontrer sa capacité à fédérer un projet collectif au-delà des appartenances partisanes. Dans un environnement géopolitique où les francophonies du Nord et du Sud cherchent une nouvelle cohérence, la tenue du FIEF 2026 signalera la disponibilité congolaise à endosser des responsabilités régionales. Certains analystes évoquent déjà le ‘soft power’ que pourrait en retirer le pays, à la manière des capitales du Golfe qui ont su transformer des manifestations sectorielles en levier d’influence.
Regards d’experts sur les perspectives post-forum
Pour la chercheuse camerounaise Aline Nkoa, spécialiste des dynamiques entrepreneuriales africaines, « la valeur ajoutée d’un tel rendez-vous se mesure dans sa capacité à accoucher de programmes conjoints, non de simples intentions ». Elle plaide pour une évaluation à six et douze mois afin de quantifier les contrats signés et l’impact en matière de transferts de compétences. De son côté, le politologue français Michel Verger considère que « le Congo, en privilégiant la diplomatie du développement, envoie un signal rassurant aux investisseurs hésitants ». À l’heure où Brazzaville accroît sa présence au sein des organisations multilatérales, la réussite du FIEF pourrait ainsi devenir une balise supplémentaire sur la trajectoire d’un pays résolument tourné vers l’économie du savoir et la coopération gagnant-gagnant.