Brazzaville, laboratoire d’une gouvernance sanitaire partenariale
Sous les lambris discrets du siège du Forum des jeunes entreprises du Congo, l’air était chargé d’une effervescence studieuse. Pendant quarante-huit heures, membres des Comités de santé (Cosa) issus des cinq principaux districts de Brazzaville et représentants du Réseau des associations des consommateurs ont scruté, document à la main, le fonctionnement interne des formations sanitaires publiques. L’exercice, conduit par l’Observatoire congolais des droits des consommateurs (O.2c.d), s’inscrit dans la stratégie nationale visant à replacer l’usager au cœur de la décision hospitalière, conformément aux orientations du président Denis Sassou Nguesso en faveur d’une gouvernance inclusive.
Une formation ancrée dans la revue sectorielle de 2018
Le choix d’un atelier centré sur la participation communautaire ne doit rien au hasard : la revue du secteur de la santé conduite en 2018 avait mis en lumière la « faible implication de la société civile » dans la marche des hôpitaux. René Ngouala, président du comité de suivi de l’O.2c.d, rappelle que « l’État a ouvert la gouvernance sanitaire, à nous d’en optimiser les mécanismes ». En filigrane, il s’agit d’opérationnaliser la cogestion des établissements, modèle dont l’efficacité n’est plus à démontrer sur le continent lorsque les responsabilités sont clairement définies.
Des expertises croisées pour un diagnostic précis
Deux communications majeures ont donné le tempo. Le professeur Richard Bileckot, inspecteur général de la santé, a décortiqué le périmètre de compétence des Comités des usagers, rappelant que « la qualité d’un système sanitaire se mesure aussi à sa capacité d’écouter ses patients ». En duplex depuis Paris, Christian Khalifa, spécialiste des droits des consommateurs, a livré une étude de cas française, insistant sur la nécessité d’un secrétariat structuré et d’indicateurs de performance. Cet éclairage franco-congolais a permis aux participants de comparer les cadres juridiques et d’identifier des ponts de convergence adaptables au contexte local.
La co-gestion hôpitaux-communautés prend corps
Les débats ont confirmé que le Cosa, organe consultatif jusque-là méconnu du grand public, devient un acteur pivot de l’architecture sanitaire. Dr Nelson Bokalé, médecin-chef du district de l’Île Mbamou, souligne que « la formation clarifie la répartition des tâches entre service technique et société civile ; c’est un gage de transparence dans l’utilisation des dotations publiques ». Pour Arsène Ibara, qui préside le Cosa du Centre de santé intégré Fleuve Congo, la priorité est désormais d’« installer des procédures de suivi budgétaire partagées pour réduire les poches d’inefficience ». À travers ces propos se dessine une culture de résultat dont l’ambition est d’aligner l’offre de soins sur les attentes réelles des populations.
Une charte du patient en gestation
Moment fort de l’atelier, la présentation du projet de charte du patient illustre la maturité croissante de la société civile congolaise. Conçue de concert avec le ministère de la Santé et de la Population, la charte codifie les droits et devoirs du malade, depuis l’accueil jusqu’à l’information confidentielle. Sa diffusion prochaine, soutenue par le secrétariat exécutif de l’O.2c.d, devrait uniformiser les standards d’éthique médicale et réduire les litiges entre usagers et personnels soignants, renforçant ainsi la confiance indispensable au bon fonctionnement des structures.
Des recommandations au service d’une feuille de route nationale
Au terme des travaux, un paquet de recommandations a été avalisé : actualisation des textes encadrant les Cosa, formation continue des membres, systématisation de tableaux de bord trimestriels et création d’un mécanisme d’évaluation participative. Ces pistes, qui seront prochainement transmises à la direction générale des établissements et soins, s’imbriquent dans la vaste réforme pilotée par les autorités congolaises pour atteindre une couverture sanitaire universelle à l’horizon 2030.
Vers une diplomatie sanitaire plus affirmée
Au-delà de la stricte prestation de soins, l’initiative brazzavilloise conforte la position du Congo comme partenaire crédible sur la scène sanitaire africaine. La collaboration avec des experts internationaux, alliée à une forte appropriation locale, répond aux attentes des bailleurs attachés à la bonne gouvernance. À l’heure où les agendas mondiaux post-pandémie replacent la santé publique au sommet des priorités, le renforcement des Cosa apparaît comme un levier stratégique, cohérent avec la vision présidentielle d’un État protecteur et ouvert aux contributions citoyennes.