Genèse d’une idée de mort subite
À l’aube des années 1990, l’International Football Association Board, aiguillonné par la FIFA, cherche à réinventer des prolongations jugées soporifiques lors de certains tournois à élimination directe. La réflexion s’inspire ouvertement du modèle nord-américain de « sudden death ». En 1993, après plusieurs ateliers techniques tenus à Zurich et traversés par la crainte d’une baisse d’audience, la règle dite du « but en or » est testée dans les compétitions de jeunes avant d’être ratifiée pour les seniors. L’objectif est clair : contraindre les équipes à l’audace offensive tout en livrant aux diffuseurs un produit télévisuel plus prévisible dans sa durée.
Moments charnières sous les projecteurs
La première illustration planétaire survient le 30 juin 1996 à Wembley. Oliver Bierhoff, suppléant entré dans le temps additionnel, contrôle un ballon anodin, frappe, et scelle instantanément la finale de l’Euro. Le public découvre, stupéfait, qu’un titre continental peut basculer en une respiration. Deux ans plus tard, à Lens, Laurent Blanc délivre la France contre le Paraguay dans un huitième de finale de Coupe du monde d’une tension cardiaque rare, ouvrant la voie au sacre parisien de juillet. L’Euro 2000, quintessence du roman bleu, offre deux nouvelles illustrations majeures : la demi-finale France-Portugal conclue sur un penalty de Zinédine Zidane puis la finale contre l’Italie où David Trézéguet, d’une reprise fulgurante, fait chavirer Rotterdam. À Séoul, enfin, Henri Camara hisse le Sénégal dans une nuit de juin 2002, prouvant que la dramaturgie n’est pas l’apanage des sélections européennes.
Controverses et ajustements réglementaires
Très vite, l’enthousiasme cède le pas aux réserves. Les sélectionneurs pointent une iniquité fondamentale : l’équipe qui encaisse le but ne bénéficie d’aucun droit de réponse. Certaines formations, notamment durant les ligues continentales africaines, adoptent alors une posture attentiste, redoutant l’erreur fatale. Pour atténuer cet effet pervers, l’IFAB introduit en 2002 le « but en argent », stipulant que la mi-temps de prolongation doit s’achever avant d’entériner le score. L’expérience, jugée tout aussi opaque, est brève. En février 2004, la FIFA acte le retour aux prolongations traditionnelles suivies, le cas échéant, d’une séance de tirs au but considérée plus équitable par les commissions techniques (FIFA 2004).
Héritage émotionnel et perspectives
Le dernier écho officiel du but en or retentit le 29 juin 2003 : Thierry Henry profite d’une remise subtile pour offrir la Coupe des Confédérations à la France face au Cameroun. Cette frappe clôt une parenthèse certes brève, mais qui a profondément remodelé la perception du temps additionnel dans l’imaginaire collectif. Aujourd’hui, nombre d’analystes, à l’image de l’ancien secrétaire général de la CAF, Hicham El Amrani, voient dans cette période « un laboratoire qui a forcé les coaches à repenser la gestion psychologique des vingt dernières minutes d’un match à enjeu ». L’idée d’une mort subite n’a pas totalement disparu : l’IFAB conserve la possibilité de ressortir l’outil lors de futurs débats sur la compétitivité, tandis que certains tournois amateurs continuent d’y recourir pour des raisons logistiques. L’héritage du but en or demeure donc moins une règle qu’un rappel : dans le football, chaque seconde peut condenser une carrière, un pays et parfois l’histoire même du sport.