Diplomatie financière au cœur de Brazzaville
Dans la touffeur modérée d’un mois de juillet étrangement clément, le palais des conférences de Brazzaville a accueilli les sourires protocolaires et les dossiers épais qui accompagnent chaque réunion du Comité d’orientation et de suivi. Huit ans après la signature du second Contrat de désendettement et de développement, la France et la République du Congo ont, une nouvelle fois, confronté leurs tableaux financiers aux impératifs humains du développement durable. Christian Yoka, ministre des Finances, et Claire Bodonyi, ambassadrice de France, ont présidé des échanges marqués par la courtoisie stratégique propre aux partenariats matures.
Un instrument bilatéral pivot pour la résilience
Le C2D, imaginé pour convertir la dette bilatérale en investissements de long terme, s’élève aujourd’hui à 229 millions d’euros, soit près de 150,2 milliards de francs CFA. À l’heure où de nombreux pays africains réévaluent la soutenabilité de leur dette, cet outil se distingue par sa capacité à réinjecter localement des ressources tout en préservant la signature financière de l’État congolais. Les secteurs ciblés – infrastructures, capital humain et développement durable – répondent à une hiérarchisation des besoins validée d’un commun accord, ce qui confère à l’instrument une légitimité politique et sociale amplifiée.
État d’avancement : succès tangibles et écueils
Treize projets et deux fonds d’études composent aujourd’hui le portefeuille opérationnel. Les caniveaux de drainage de la capitale, la formation initiale des travailleurs sociaux et l’expérience pilote de filets sociaux Lisungi se lisent déjà sur le terrain, attestant d’indicateurs d’impact que les experts qualifient de « concrets et mesurables » (Ministère du Plan, 2025). À l’inverse, la réhabilitation du centre de formation d’Énergie électrique du Congo et le plan de redressement de la société ont été suspendus, révélant les limites d’une programmation réalisée avant la pandémie et l’escalade des coûts des matières premières.
La planification prévoit néanmoins la livraison, entre 2025 et 2027, d’ouvrages structurants tels que la Corniche de Brazzaville et le Projet d’appui à la relance du secteur agricole. Selon un conseiller technique présent à huis clos, « l’effet d’entraînement sur l’emploi et la sous-traitance locale sera immédiat si les calendriers sont tenus ». Les parties s’accordent à dire que la visibilité accordée aux populations riveraines demeure l’une des meilleures garanties de pérennité.
Le défi inflationniste et la flexibilité budgétaire
La conjoncture internationale, tirée par un renchérissement inédit des intrants de construction, oblige les bailleurs à revoir leurs fourchettes de coûts. Claire Bodonyi a rappelé que « certaines enveloppes ne couvrent plus l’intégralité des activités initialement prévues », appel implicite à une flexibilité contractuelle. À Brazzaville, le ministère des Finances confirme travailler à des réallocations ciblées capables d’absorber les écarts sans entamer la qualité des ouvrages. L’alternative consistant à allonger les délais a été évoquée, mais jugée moins souhaitable au regard des attentes sociales immédiates.
Les diplomates ont souligné la nécessité d’un dialogue élargi avec d’autres partenaires techniques et financiers, dans un esprit de mutualisation. Pour le Congo, cette ouverture offre l’opportunité de diversifier les sources de financement tout en maintenant l’architecture de gouvernance qui a fait ses preuves, gage de cohérence pour les donateurs existants.
Cap sur le capital humain et la protection sociale
Le projet Telema – littéralement « debout » en lingala – symbolise l’orientation résolument sociale que le gouvernement entend imprimer à la prochaine étape. Destiné à octroyer des allocations temporaires et un accompagnement entrepreneurial à des ménages vulnérables, il prolonge l’expérience Lisungi en l’élargissant aux activités génératrices de revenus. « L’investissement social est encore plus structurant que l’infrastructure », a insisté Christian Yoka, appelant à inscrire la réduction de la pauvreté au cœur des externalités positives attendues.
Le Projet d’appui à la modernisation de l’enseignement supérieur, pour sa part, ambitionne de consolider le capital humain qui sous-tend la diversification économique prônée par le Plan national de développement. À l’Université Marien-Ngouabi, doyens et professeurs plaident pour la rénovation des laboratoires et l’homologation des curricula aux standards internationaux, signalant l’importance d’une articulation fine entre investissement matériel et réforme académique.
Vers une gouvernance inclusive des futurs décaissements
Au terme des travaux, les membres du COS ont validé une série de recommandations privilégiant la transparence des indicateurs, le renforcement des cellules de suivi ministérielles et la priorisation des projets à forte portée sociale. Dans une déclaration finale, les coprésidents ont salué « l’esprit de responsabilité partagée » qui caractérise la coopération franco-congolaise, tout en reconnaissant que la complexité des nouveaux défis requiert une adaptation continue des outils de gouvernance.
À l’heure où de nombreuses capitales s’interrogent sur la manière de concilier orthodoxie financière et justice sociale, l’expérience congolaise pourrait servir de laboratoire. Brazzaville, qui assume la présidence de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, entend capitaliser sur le retour d’expérience du C2D pour formuler un plaidoyer régional en faveur de contrats d’allégement de dette orientés vers les Objectifs de développement durable. L’issue de ce laboratoire diplomatique dépendra, in fine, de la capacité des partenaires à maintenir un dialogue fluidifié, réactif et centré sur les bénéficiaires finaux.