Stabilité des prix et préservation du pouvoir d’achat
À la faveur d’un arrêté conjoint du ministère du Commerce et du ministère de l’Eau et de l’Énergie, le prix de la bouteille de gaz domestique reste arrimé à 6 500 FCFA pour la bonbonne de 12,5 kg, seuil inchangé depuis 2012 malgré la poussée inflationniste observée ces trois dernières années. Selon le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, l’enveloppe de 52,6 milliards FCFA mobilisée en 2024 – soit environ 93 millions USD – a pour finalité de « garantir la paix sociale et la compétitivité des ménages ».
En comparaison, l’exercice 2023 avait absorbé 42,5 milliards FCFA (75 millions USD), preuve d’une nette accélération de l’effort budgétaire, évaluée à +23,7 %. Cet écart reflète à la fois l’augmentation des volumes consommés – près de 140 000 tonnes selon la Société Camerounaise des Dépôts Pétroliers – et la volatilité persistante des cours mondiaux du butane, stimulés par les tensions géopolitiques au Moyen-Orient et les besoins asiatiques.
Un arbitrage budgétaire délicat dans un environnement fiscal sous tension
Le maintien du prix réglementé intervient au moment où le Trésor camerounais doit déjà composer avec une allocation de 740 milliards FCFA destinée à subventionner le carburant automobile, soit près de 2,5 % du PIB. S’il est encore loin de la facture de l’essence, le soutien au gaz domestique grignote peu à peu un espace budgétaire rendu étroit par le service de la dette et les besoins d’investissements structurants (routes, numérique, énergie hydroélectrique).
Les autorités soulignent toutefois la dimension stratégique de la mesure. Dans un environnement marqué par un taux d’inflation avoisinant 6 % en glissement annuel selon l’Institut national de la statistique, la moindre fluctuation du coût du gaz, vecteur essentiel de cuisson pour près d’un ménage urbain sur deux, pourrait nourrir des tensions sociales et diluer les gains de pouvoir d’achat obtenus par la revalorisation du salaire minimum interprofessionnel garanti entrée en vigueur l’an dernier.
Répercussions sur la chaîne logistique et l’industrie locale
Le maintien du prix plafond se répercute sur l’ensemble de la chaîne de valeur : du pétrochimiste Sonara – dont les installations de Limbé fonctionnent encore en régime partiel après l’incendie de 2019 – jusqu’aux petites distributrices de bouteilles installées dans les quartiers populaires. Pour les importateurs, le rabais consenti par l’État agit comme un amortisseur de trésorerie, mais il renchérit mécaniquement la charge financière supportée par la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures.
D’un point de vue industriel, la subvention freine l’entrée de nouveaux acteurs dans le segment de l’embouteillage, la marge réglementée s’avérant faible. À moyen terme, le ministère de l’Économie planche sur un schéma incitatif prévoyant des exonérations douanières pour la fabrication locale de citernes et de valves de sécurité, afin de stimuler le contenu local et réduire la dépendance aux importations asiatiques.
Dialogue macroéconomique et regard des partenaires internationaux
Le FMI, qui a renouvelé en 2023 une Facilité élargie de crédit de 689 millions USD, encourage Yaoundé à une « rationalisation graduelle » des subventions énergétiques, arguant qu’elles profitent d’abord aux classes urbaines aisées. Le gouvernement répond que la suppression brusque compromettrait le Pacte social triennal scellé avec les syndicats et pèserait sur le coût d’une transition vers des énergies plus propres, déjà freinée par la cherté des équipements solaires.
Quant à la Banque mondiale, elle salue la clarté comptable apportée depuis 2022 : désormais, la subvention est inscrite au budget en tant que dépense explicite, et non plus imputée aux entreprises publiques comme charge d’exploitation. Ce changement renforce la transparence tout en offrant aux bailleurs une lecture plus fiable de la soutenabilité de la dette intérieure.
Perspectives d’une réforme progressive des soutiens énergétiques
Au-delà de 2024, le ministère de l’Eau et de l’Énergie envisage un mécanisme de ‘trappe à prix’ : l’État n’interviendrait que si le baril de Brent franchit un seuil fixé annuellement, laissant jouer la concurrence lorsque les marchés sont favorables. Une première expérimentation pourrait démarrer en 2026, une fois achevée la réhabilitation complète de la Sonara, censée accroître de 30 % la capacité de raffinage locale.
En attendant, l’exécutif mise sur la diversification des sources d’approvisionnement, notamment la montée en puissance des champs gaziers de Kribi et de la Floating LNG de Hilli Episeyo. « Notre horizon est clair : garantir la disponibilité d’un combustible propre à un coût socialement acceptable, sans obérer la trajectoire budgétaire », résume un conseiller technique à la présidence, défendant un équilibre subtil entre rigueur macroéconomique et impératif de stabilité sociale.