Contexte politique national
À douze jours du scrutin présidentiel camerounais programmé le 12 octobre, la capitale Yaoundé respire une atmosphère mêlant attente et appréhension. Diplomates, observateurs régionaux et société civile évaluent la portée d’un rendez-vous électoral considéré comme l’un des tests institutionnels majeurs depuis l’indépendance.
Le président Paul Biya, 92 ans, doyen des chefs d’État africains en exercice, sollicite un huitième mandat inédit. Ses partisans vantent la continuité, tandis que nombre de voix, y compris au sein du Rassemblement démocratique du peuple camerounais, réclament une transition politique ordonnée.
Le cadre légal autorise le chef de l’État à se présenter, mais la concomitance de tensions sécuritaires et de restrictions politiques suscite des interrogations diplomatiques sur la capacité des institutions à garantir une compétition perçue comme inclusive, fidèle au pluralisme proclamé par la Constitution révisée.
Opposition fragmentée
L’idée d’une candidature unique, incontournable pour défier un appareil politique solidement implanté, s’est heurtée à des querelles de leadership. Les pourparlers menés entre figures de l’opposition à Douala se sont soldés par un constat d’échec, facilitant mécaniquement la stratégie de dispersion souhaitée par le pouvoir.
Maurice Kamto, longtemps considéré comme le challenger capable de provoquer une alternance, a été déclaré inéligible à la suite d’un différend interne à son parti. Ses sympathisants dénoncent une manœuvre procédurale, mais la décision a irrémédiablement réduit le coefficient électoral de l’opposition.
D’autres candidats moins médiatisés espèrent capitaliser sur des fiefs locaux, mais l’absence de plateforme commune affaiblit la capacité d’organisation, notamment pour la surveillance des bureaux de vote et la formation d’agents dans les zones rurales souvent difficiles d’accès.
Rétrécissement de l’espace civique
La Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a exprimé son inquiétude face à la multiplication d’arrestations ciblant militants et journalistes. Il estime qu’« un environnement sûr et propice est indispensable à des élections pacifiques », condition qui, selon lui, n’est pas réunie.
Les organisations locales rapportent que 53 membres d’un parti d’opposition ont été brièvement détenus après avoir tenté de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel. L’épisode, finalement résolu par leur libération, a rappelé la sensibilité du contexte et la marge étroite laissée à la contestation pacifique.
Plusieurs associations observent également des restrictions d’accès aux médias publics pour les candidats non gouvernementaux, limitant ainsi la pluralité des voix. Ce phénomène renforce, selon elles, la perception que la compétition se déroule sur un terrain asymétrique en faveur du pouvoir sortant.
Menaces sécuritaires persistantes
Au risque politique s’ajoute un risque sécuritaire aigu. Dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les séparatistes maintiennent une capacité de nuisance qui complique la distribution du matériel électoral et la circulation des observateurs, malgré les efforts de l’armée pour sécuriser les principaux axes.
Plus au nord, la présence sporadique de groupes jihadistes affiliés à Boko Haram poursuit une stratégie de harcèlement contre les positions militaires et les villages. Le planning des centres de vote doit intégrer ces aléas, rendant l’organisation logistique plus onéreuse et potentiellement inégale entre les régions.
Dans ce climat, l’International Crisis Group a plaidé pour un « cessez-le-feu électoral » visant à protéger les civils. L’appel, salué par plusieurs chancelleries, n’a pas encore reçu de réponse officielle, mais il souligne la dimension humanitaire désormais indissociable du processus électoral camerounais.
Scénarios de crédibilité internationale
Les partenaires bilatéraux, dont l’Union européenne et l’Union africaine, observent de près les indicateurs de transparence. Des missions exploratoires envisagent un déploiement réduit, justifié par des contraintes budgétaires mais aussi par la difficulté d’accès à certaines zones, ce qui pourrait limiter la couverture statistique des bureaux visités.
Selon un diplomate régional, « la fiabilité des résultats dépendra moins de la technologie que de la volonté politique d’en saisir l’esprit ». Cette analyse renvoie à la pratique consistant à négocier l’acceptation des chiffres définitifs pour préserver la stabilité, principe tacitement admis dans plusieurs capitales voisines.
Si la participation chute ou que les violences perturbent la journée de vote, la reconnaissance internationale pourrait se montrer prudente. À l’inverse, un scrutin pacifique, même imparfait, offrirait au gouvernement l’argument d’une légitimité consolidée pour mener les réformes évoquées, notamment la décentralisation annoncée de longue date.
Au-delà de l’échéance du 12 octobre, la dynamique post-électorale sera scrutée pour mesurer la capacité de Yaoundé à engager un dialogue national plus inclusif. La campagne aura au moins révélé la centralité de la question sécuritaire et la nécessité d’élargir l’espace civique pour prévenir de futures crises.
Répercussions régionales
Les voisins du Cameroun, eux-mêmes en transitions délicates, redoutent qu’une contestation post-électorale n’alimente les flux de déplacés et perturbe les corridors commerciaux. La Communauté économique des États de l’Afrique centrale mise sur une stabilité minimale.
Dans les chancelleries, l’enjeu sera de calibrer une réaction favorisant la réforme sans déstabiliser un partenaire clé contre le terrorisme régional. Un scrutin même contesté pourrait servir de baromètre pour réajuster l’engagement international envers Yaoundé.
