Ce qu’il faut retenir
La stabilité du Cameroun influence directement l’ensemble de l’Afrique centrale. Un choc politique dans ce pays-pivot mettrait sous pression les chaînes d’approvisionnement, l’intégration économique et la sécurité régionale. Préserver la paix passe par un dialogue inclusif à Yaoundé et une solidarité accrue au sein de la CEMAC.
Port de Douala, artère vitale de la sous-région
Le Tchad et la Centrafrique, enclavés, tirent l’essentiel de leurs importations du port de Douala. Les ruptures d’approvisionnement y provoqueraient de fortes tensions sociales. Le Gabon dépend aussi des produits agricoles camerounais, tandis que des milliers d’étudiants originaires de la sous-région fréquentent les universités de Douala, Buea ou Yaoundé.
Un blocage prolongé de cette plateforme maritime ferait bondir les coûts logistiques et ralentirait des projets pétroliers, miniers ou forestiers. Les observateurs soulignent que la diversification engagée par le Congo-Brazzaville sur Pointe-Noire ne suffirait pas, à court terme, à absorber le flux.
Vulnérabilités sécuritaires partagées
La présence persistante de Boko Haram dans l’Extrême-Nord camerounais continue de peser sur les frontières avec le Tchad et le Nigeria. Plus au sud, des groupes armés circulent entre la Centrafrique, le Tchad et le Soudan, nourrissant une criminalité transfrontalière.
Selon des analystes sécuritaires, une crise institutionnelle à Yaoundé accroîtrait la porosité des frontières et détournerait des forces déjà mobilisées. Les pays voisins redoutent l’apparition de sanctuaires jihadistes ou de trafics d’armes incontrôlés, comparables au scénario post-libyen de 2011.
La tentation des ruptures brutales
La jeunesse camerounaise revendique une alternance démocratique après quatre décennies de gouvernance tripartite dominée par le même parti. Dans les réseaux sociaux, l’appel à « en finir par tous les moyens » gagne parfois en popularité, surfant sur un discours panafricaniste plus radical.
L’histoire du continent rappelle pourtant que les coups d’État militaires, souvent salués dans l’instant, débouchent rarement sur la refondation espérée. Centrafrique, Guinée, Soudan ou Mali illustrent des transitions fragiles où la restauration de l’ordre constitutionnel prend du temps, voire s’éloigne.
Le pari d’une transition maîtrisée
Le Cameroun dispose d’atouts structurels : une population instruite, une économie diversifiée et une tradition institutionnelle solidement ancrée. Plusieurs universités et organisations confessionnelles jouent déjà les médiateurs informels entre partis politiques et société civile.
Des chercheurs de l’Université de Yaoundé II plaident pour un pacte républicain alliant réforme électorale, décentralisation renforcée et participation accrue de la jeunesse dans les conseils municipaux. Cette approche graduelle vise à éviter le choc abrupt tout en répondant à la demande de changement.
L’option d’une solidarité CEMAC renforcée
Face au risque d’onde de choc, les chefs d’État de la CEMAC ont réaffirmé, lors du sommet de Brazzaville, leur engagement pour la stabilité. Le président Denis Sassou Nguesso a rappelé que « la paix dans un pays frère est la garantie de notre propre développement ».
La Banque de développement des États de l’Afrique centrale prépare un fonds spécial d’appui aux réformes économiques et aux projets d’infrastructures critiques, afin de soutenir la résilience camerounaise. Des mécanismes d’alerte précoce sont également envisagés pour coordonner les réponses sécuritaires régionales.
Et après ?
Le choix appartient d’abord aux Camerounais, mais l’enjeu dépasse leurs frontières. Une transition pacifique offrirait un précédent positif au moment où l’Afrique centrale cherche à s’affranchir des cycles de violence. Elle renforcerait aussi la crédibilité de la zone CFA auprès des investisseurs.
À l’inverse, une crise prolongée pourrait freiner la ratification de l’Accord de libre-échange continental, perturber les ambitions de corridors multimodaux et détourner des flux financiers vers des zones perçues comme plus sûres. Les mois à venir seront déterminants pour éviter l’effet domino.
