Un nouveau chapitre pour Yaoundé ?
« Je suis candidat à l’élection présidentielle du 12 octobre 2025. Soyez assurés que ma détermination à vous servir est à la mesure de l’acuité des défis auxquels nous sommes confrontés », a déclaré Paul Biya le 13 juillet sur le réseau X. Par ce message aux accents de continuité, le chef de l’État, âgé de 92 ans, confirme qu’il entend prolonger un règne entamé en 1982. Si la longévité du président fascine autant qu’elle interroge, l’annonce s’inscrit dans une stratégie de stabilité revendiquée par le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), parti majoritaire qui voit dans la constance de son leader un rempart face aux incertitudes régionales.
Des défections au sein de la majorité présidentielle
Cette candidature intervient alors que le camp présidentiel traverse une zone de turbulence. En quelques semaines, deux piliers de la coalition gouvernementale ont claqué la porte. Issa Tchiroma Bakary, jusque-là ministre de l’Emploi, a annoncé ambitionner la magistrature suprême sous les couleurs du Front pour le salut national du Cameroun. Bello Bouba Maïgari, ancien Premier ministre et dirigeant de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès, a suivi la même voie. Ces défections spectaculaires rappellent que la discipline qui a longtemps cimenté la majorité est désormais travaillée par des appétits de pouvoir, encouragés par l’approche d’une succession que nul ne sait dater avec certitude.
L’opposition tente de remodeler le paysage
Face aux fissures internes du RDPC, l’opposition s’active. Maurice Kamto, arrivé deuxième en 2018, a déjà déposé son dossier de candidature. Cabral Libii, figure montante et chantre du rajeunissement politique, lui emboîte le pas. Les deux hommes entendent capitaliser sur un électorat urbain sensible au discours de rupture. Pourtant, leur capacité à transformer l’effervescence des réseaux sociaux en votes tangibles demeure incertaine, tant les réalités du terrain et le maillage administratif d’Élections Cameroun (ELECAM) favorisent encore la machine du pouvoir en place.
Enjeux diplomatiques et sécuritaires régionaux
Le scrutin de 2025 dépasse la seule arène politique nationale. Le Cameroun reste confronté à l’insurrection de Boko Haram dans l’Extrême-Nord, aux revendications séparatistes anglophones dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et aux flux transfrontaliers liés aux crises du Tchad et de la Centrafrique. À Yaoundé, les chancelleries soulignent que la continuité à la tête de l’État assure une ligne de commandement unique face aux partenaires sécuritaires, notamment la France et les États-Unis, engagés dans la lutte contre le terrorisme. La perspective d’un huitième mandat de Paul Biya est ainsi perçue, par ses soutiens, comme un facteur de prévisibilité diplomatique dans un Golfe de Guinée où la piraterie maritime et la compétition énergétique appellent une coordination permanente.
Perspectives économiques sous tension
Sur le front intérieur, le prochain septennat s’annonce crucial pour l’assainissement des finances publiques. Le Cameroun est lié au Fonds monétaire international par un programme triennal visant à contenir la dette qui frôle 45 % du PIB. L’achèvement des chantiers d’infrastructures – autoroute Yaoundé-Douala, barrage de Nachtigal – conditionne la diversification économique promise par le gouvernement. Les économistes notent que la stabilité politique, argument maître de la présidence, reste toutefois tributaire de la réduction du chômage des jeunes, estimé à plus de 30 %. Dans ce contexte, la candidature de Paul Biya est présentée par ses partisans comme la garantie d’une continuité des réformes, tandis que ses adversaires y voient la perpétuation d’un modèle qui peine à distribuer les fruits de la croissance.
Calendrier électoral et incertitudes procédurales
Les aspirants à la magistrature suprême ont jusqu’au 21 juillet pour déposer leur candidature. Après vérification des dossiers, ELECAM publiera la liste définitive, étape souvent scrutée par les observateurs internationaux pour ses implications sur la transparence du scrutin. La mission d’observation de l’Union africaine, attendue en septembre, a déjà appelé les acteurs politiques à la retenue. Si, en 2018, le taux de participation officiel avait atteint 54 %, plusieurs organisations locales avaient dénoncé des irrégularités. La Commission nationale des droits de l’homme appelle de son côté à un environnement apaisé, conscient que tout accroissement de la contestation pourrait fragiliser la situation sécuritaire déjà précaire dans certaines régions.
Au-delà de 2025, la question de la succession
La présidentielle de 2025 s’apparente, pour de nombreux diplomates, à un carrefour. Paul Biya reste l’homme fort du pays, mais les dynamiques démographiques – plus de 60 % de la population a moins de 25 ans – accentuent la pression pour un renouvellement des élites. Dans les cercles politiques de Yaoundé, on admet désormais que la question d’une transition organisée, voire négociée, finira par se poser. Pour l’heure, cependant, le président sortant mise sur sa capacité à incarner l’unité nationale, à tenir les rênes d’une diplomatie active dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale et à maintenir la confiance des partenaires financiers. Reste à savoir si, dans l’isoloir, l’électeur camerounais continuera de privilégier la stabilité promise ou optera pour l’alternative qu’esquissent ses opposants.