Ce qu’il faut retenir
Casablanca s’apprête à accueillir, les 3 et 4 novembre 2025, l’Africa Financial Summit, cinquième édition d’un rendez-vous devenu incontournable. L’enjeu affiché : poser les bases d’une souveraineté financière africaine appuyée sur des capitaux domestiques et une coordination monétaire resserrée.
Ministres des Finances, gouverneurs de banques centrales, chefs de file du secteur privé et bailleurs de développement répondront à l’appel. Leur mot d’ordre, résumé par le président d’AFIS, Amir Ben Yahmed : « Mobiliser les moyens africains pour financer les priorités africaines. »
Casablanca, épicentre d’une Afrique confiante
Le choix de Casablanca n’est pas anodin. La métropole marocaine revendique depuis dix ans un statut de hub financier pour le continent. Sa Bourse modernisée, ses régulateurs agiles et son écosystème fintech en pleine effervescence fournissent un cadre propice aux débats et aux annonces structurantes.
« Le Maroc veut démontrer qu’une plateforme africaine peut rivaliser avec les standards internationaux », confie Tarik Senhaji, directeur général de la Bourse de Casablanca. Derrière l’effet vitrine, les organisateurs espèrent générer des partenariats concrets et accélérer l’intégration des marchés de capitaux régionaux.
Un casting ministériel inédit
Nadia Fettah, cheffe des finances marocaines, partagera la scène avec Christian Yoka, ministre du Congo, Cheikh Diba pour le Sénégal et Johnson P. Asiama pour le Ghana. Ensemble, ils plancheront sur les réponses budgétaires face à une inflation persistante et à la volatilité des matières premières.
Christian Yoka présentera la stratégie congolaise de diversification et de maîtrise de la dette. « Notre résilience passe par l’optimisation de la rente pétrolière et la création de nouvelles filières de valeur », rappelle-t-il, soulignant la volonté de Brazzaville de consolider la confiance des investisseurs.
Institutions de développement : pragmatisme d’abord
Makhtar Diop pour la SFI, Serge Ekué pour la BOAD et Heike Harmgart pour la BERD défendront une montée en puissance des banques régionales de développement. Objectif : catalyser l’épargne locale – retraites, assurances, fonds souverains – vers l’infrastructure et les PME.
« Le capital extérieur ne suffit plus », insiste Makhtar Diop. Les discussions porteront sur la titrisation d’actifs africains, l’harmonisation des cadres réglementaires et la création d’outils de couverture qui sécurisent les projets dans un environnement mondial moins accommodant.
Banques privées : l’heure du virage digital
Jeremy Awori (Ecobank), Olusegun Alebiosu (FirstBank) et Aigboje Aig-Imoukhuede (Coronation Group) jugeront que la digitalisation accélère l’inclusion financière. Les néobanques, les rails de paiement instantané et la tokenisation d’obligations souveraines seront au menu des panels.
Jules Ngankam, patron d’African Guarantee Fund, rappellera que 80 % des PME africaines restent sous-financées. Les garanties de portefeuille, combinées aux outils d’analyse de données, doivent selon lui « mettre fin au paradoxe d’une Afrique riche en idées mais pauvre en crédit ».
Casablanca, vitrine du leadership marocain
Autour de Brahim Benjelloun-Touimi (BMCE) et Abderrahim Chaffai (ACAPS), les régulateurs marocains mettront en avant la réforme Solvabilité II locale, conçue pour attirer les assureurs africains. HPS présentera sa plateforme de paiement temps réel, déjà connectée à dix pays subsahariens.
Pour Ouafae Mriouah, directrice d’Atlantic Re, « le partage de compétences actuarielles crée une chaîne de valeur 100 % africaine ». La présence de Holmarcom ou de groupes public-privé illustre la convergence entre secteur financier, industriel et logistique voulue par Rabat.
Contexte et scénarios
Depuis la pandémie, la dette publique médiane africaine frôle 60 % du PIB. L’AFIS entend discuter de convertibilité progressive des monnaies régionales, tout en maintenant la stabilité. Un scénario optimiste verrait la création d’un marché obligataire intégré, piloté par les bourses du Maghreb et de l’UEMOA.
À moyen terme, les experts tablent sur une augmentation de 30 % des actifs sous gestion locaux si les fonds de pension panafricains harmonisent leurs règles d’investissement. Le défi reste la liquidité de marché, frein historique aux grands émetteurs comme aux startups.
Et après ? La route vers novembre 2025
D’ici au sommet, trois groupes de travail plancheront sur la certification ESG, la digitalisation du trade finance et l’ouverture des marchés boursiers aux diasporas. Leurs recommandations seront dévoilées à Casablanca et devraient alimenter les agendas nationaux 2026-2030.
Les organisateurs misent sur une feuille de route concrète : standardiser les notations de crédit, créer un index panafricain de référence et déployer des formations communes pour les superviseurs. L’objectif : consolider la confiance et réduire le coût du capital sur tout le continent.
Le point éco-juridique
Les juristes rappellent que l’Acte uniforme OHADA sur les sûretés, révisé en 2023, facilite la collatéralisation d’actifs non traditionnels. Les panels expliqueront comment cette réforme peut libérer jusqu’à 50 milliards de dollars de crédit supplémentaire d’ici cinq ans.
Côté fiscalité, plusieurs pays évoqueront un cadre d’incitation aux Green Bonds, inspiré du régime marocain. Les discussions visent à créer un passeport obligataire vert, permettant aux émissions climatiques d’être reconnues dans toutes les places fortes africaines sans surcharge administrative.
