Ce qu’il faut retenir
Quatre Casques bleus congolais ont perdu la vie le 16 septembre 2025 en Centrafrique lorsqu’un véhicule blindé a chuté dans la rivière Obela Mpoko. Brazzaville leur a rendu hommage le 27 septembre, décorations onusiennes à l’appui, en présence du ministre Raymond Zéphirin Mboulou.
Des vies perdues en terrain difficile
Le commandant Hermann Gildas Armel Moukilou, l’adjudant Régis Ntsoumou, le maréchal des logis-chef Ulrich Février Osseré Anguissy et le brigadier-chef Jules Matondo Nzaba servaient au sein de la 11e Unité de police constituée de la MINUSCA, déployée autour de Bangui.
Selon le ministère de l’Intérieur, le blindé a quitté la route à Damara, 35 km de la capitale centrafricaine, avant de sombrer. Quatre corps ont été repêchés, tandis que les recherches se poursuivent pour retrouver le maréchal des logis-chef Sage Divin Miyokidi Bazola.
Un adieu républicain à Brazzaville
L’esplanade de la Région de gendarmerie a vu converger troupes en armes, familles en larmes et autorités civiles. Le drapeau national recouvrait les cercueils, martelant une idée simple : l’État reconnaît la valeur de ceux qui défendent la paix au-delà des frontières.
« Ce sacrifice nous oblige », a résumé le colonel-major Ndongui. Le ministre Mboulou a, au nom du gouvernement, offert « soutien et compassion » aux familles et appelé les forces à « poursuivre le combat ».
Le point juridique et logistique
Les enquêteurs de l’ONU analysent la boîte de mission et le carnet technique du blindé pour comprendre si un défaut mécanique ou une route fragilisée par les pluies est en cause. Les conclusions orienteront d’éventuelles indemnisations prévues par le droit onusien des opérations.
Côté congolais, la loi sur la condition militaire prévoit pensions et secours exceptionnels pour les familles des soldats morts hors du territoire. Un groupe interministériel suit le dossier afin d’accélérer les procédures, souvent longues lorsque plusieurs juridictions et assureurs internationaux sont impliqués.
Familles et cohésion nationale
Sur le parvis, Mado Osseré, sœur d’Ulrich, dit vouloir « transformer la douleur en honneur ». Des psychologues de la gendarmerie assurent un suivi, alors que la symbolique du drapeau remis aux proches s’accompagne d’un soutien matériel visant à prévenir toute précarisation.
Pour plusieurs analystes, ces cérémonies publiques entretiennent la cohésion entre civils et forces de sécurité. Elles offrent aussi un récit positif autour de la projection congolaise, loin des stéréotypes sur les armées africaines, et renforcent la diplomatie de Brazzaville auprès des partenaires internationaux.
Contexte : l’engagement congolais à la MINUSCA
Depuis 2014, la République du Congo déploie un contingent rotationnel oscillant autour de 550 personnels en Centrafrique. L’unité bénéficie d’une solide réputation de discipline, confirmée par la distinction « contingent exemplaire » reçue lors du dernier rapport du commandement de la mission.
Brazzaville voit dans cette contribution un levier stratégique : servir la stabilité régionale, professionnaliser ses forces et accéder à des formations onusiennes de haut niveau. Les retombées indirectes touchent la diplomatie économique, certains investisseurs privilégiant les pays participant activement aux opérations de paix.
La MINUSCA recense régulièrement des pertes liées aux engins explosifs improvisés ou aux accidents, rappelant que la menace n’est pas toujours l’ennemi armé. La sécurité routière constitue désormais un indicateur clé des performances militaires, au même titre que la discipline au feu.
Scénarios pour mieux protéger les convois
Les premiers éléments pointent une chaussée glissante et un virage serré non signalé. Plusieurs officiers envisagent l’installation de balises intelligentes capables de dialoguer avec les tableaux de bord des blindés pour prévenir la sortie de route, technologie déjà testée au Mali.
Un autre scénario discute l’intégration de drones d’éclairage, moins chers et plus mobiles que les hélicoptères, afin d’observer les axes avant passage des convois. Ces options exigent un investissement supplémentaire, mais pourraient réduire sensiblement le risque d’accident dans les zones complexes.
Et après ? Vers une doctrine de prévention
Le ministère congolais de la Défense lance un audit des déplacements en terrain étranger. Objectif : actualiser les manuels, intégrer le retour d’expérience centrafricain et créer un « pack sécurité itinéraire » pour tous les contingents extérieurs.
Dans les prochains mois, une équipe mixte armée-gendarmerie présentera des recommandations à la CEMAC afin de mutualiser les bonnes pratiques entre États contributeurs de troupes. Brazzaville espère ainsi consolider son rôle moteur dans l’architecture de sécurité sous-régionale.
Mémoire, diplomatie et image du Congo
Sur le plan symbolique, l’inhumation au cimetière du centre-ville érige les quatre Casques bleus en figures de mémoire collective. Leurs noms rejoignent ceux des 28 Congolais tombés en opérations extérieures depuis 2000, rappelant la constance d’un engagement pour la paix.
« Le Congo reste prêt à répondre aux appels des Nations unies », confie un diplomate, soulignant que cette volontarité pèse dans les examens périodiques du Conseil de sécurité. Chaque sacrifice, aussi douloureux soit-il, nourrit ainsi une diplomatie fondée sur la responsabilité partagée.
Dans plusieurs quartiers, des fresques aux couleurs nationales immortalisent les visages des disparus. Cette initiative citoyenne renforce le lien armée-nation et inscrit la mémoire des Casques bleus dans l’espace urbain.