Ce qu’il faut retenir
À fin juillet 2025, l’encours des obligations et bons du Trésor des six États CEMAC atteint 9 086,6 milliards FCFA, soit 15,8 milliards USD, selon la BEAC. En douze mois, la progression est de 31,1 %, soit 2 153,7 milliards FCFA.
Le marché régional signe ainsi un nouveau sommet historique. Il devient un instrument pivot de financement budgétaire, tout en affichant un taux de couverture moyen des émissions de 63,4 %, contre 71,8 % un an plus tôt, signe d’une prudence accrue des investisseurs institutionnels.
Contexte de la hausse
Depuis 2020, les Trésors nationaux s’orientent vers des financements domestiques pour réduire la vulnérabilité aux chocs extérieurs. Les programmes avec le FMI encouragent la transparence des adjudications, favorisant l’essor de la Cellule de règlement et de conservation des titres, désormais plate-forme unique de dépôt.
La conjoncture 2024-2025 a amplifié ce mouvement. Le ralentissement de la croissance mondiale et la hausse des taux internationaux ont renchéri le coût du crédit extérieur, poussant les États CEMAC à privilégier le marché interne, moins volatil et libellé en FCFA, donc sans risque de change.
Le rôle moteur du marché Brazzaville-Yaoundé
Le Gabon, avec des émissions en hausse mensuelle de 44,3 % en mars 2025, a donné le tempo. Le Cameroun demeure premier emprunteur en valeur absolue, profitant d’une base d’investisseurs domestiques étoffée.
Le Congo-Brazzaville, sous l’impulsion de réformes soutenues par le ministère des Finances, a combiné digitalisation des procédures et communication proactive avec la place de Douala. Résultat : ses émissions se sont faites à des maturités plus longues, gage de confiance sur le profil budgétaire du pays.
Investisseurs : prudence ou opportunité ?
La baisse du taux de couverture, passée sous 65 %, révèle une sélection plus rigoureuse des gérants de trésorerie bancaires. La multiplication des appels de fonds entraîne un effet d’éviction, chacun arbitrant entre rendement, liquidité et plafond d’exposition souveraine.
Selon l’économiste Paul-Gervais Bitala, « le marché reste liquide, mais les marges se resserrent ; une prime de risque modérée pourrait suffire à ré-attirer l’épargne institutionnelle locale ». Les banques, tenues par des normes prudentielles, privilégient pourtant les obligations assimilables du Trésor les mieux notées.
Scénarios 2026
Si les cours du pétrole se maintiennent, les États exportateurs, dont le Congo et la Guinée équatoriale, pourraient réduire leurs programmations d’emprunt, offrant un répit au marché. Un baril sous 70 USD rallumerait toutefois la dépendance aux adjudications.
Un scénario d’intégration accélérée des bourses sous-régionales, porté par la BEAC, favoriserait l’arrivée d’investisseurs hors zone CFA, diversifiant la demande. À l’inverse, un choc politique ou sécuritaire dans la sous-région ferait grimper les primes et rallongerait les délais de placement.
Et après pour la stabilité budgétaire ?
La BEAC, via la CRCT, envisage de renforcer les programmes de market-makers pour dynamiser le marché secondaire et offrir plus de liquidité aux porteurs. Des travaux sont aussi engagés sur une courbe de référence à dix ans, indispensable à la fixation de prix justes.
Côté gouvernements, la discipline budgétaire demeure clé. Brazzaville, qui a réduit son déficit primaire de moitié en deux ans, montre qu’un usage responsable de la dette et la montée en puissance de la numérisation fiscale peuvent contenir les risques d’effet boule de neige.
À moyen terme, l’objectif partagé est de transformer la dynamique actuelle en levier d’investissement productif, notamment dans les infrastructures de transition énergétique et les chaînes de valeur agro-industrielles, afin que la dette soutienne durablement la croissance régionale.
