Ce qu’il faut retenir
La République du Congo a salué, place d’armes de Brazzaville, la dépouille du maréchal des logis chef Serge Divin Miyokidi Bazola, cinquième et dernier disparu de l’accident de la rivière Mpoko en Centrafrique. Derrière l’émotion, se dessine la constante implication congolaise dans la stabilisation régionale.
Le dernier chaînon du drame
Retrouvé un mois après le chavirement de l’embarcation de l’Unité de police constituée n° 11, le corps du sous-officier de 29 ans a rejoint ses camarades morts le 16 septembre 2025. La cérémonie militaire boucle un cycle de deuil qui a mobilisé l’ensemble de la hiérarchie sécuritaire.
Contexte : engagement congolais sous pavillon onusien
Depuis 2014, Brazzaville déploie en moyenne 140 policiers et gendarmes au sein de la MINUSCA, soit l’une des contributions les plus régulières d’Afrique centrale selon les données onusiennes. L’U.P.C. apporte appui à la Police centrafricaine et sécurise des zones urbaines sensibles.
La coopération reflète la politique étrangère prônée par le président Denis Sassou Nguesso, axée sur la diplomatie de paix. Elle renforce, en retour, l’expertise opérationnelle des forces congolaises, régulièrement formées aux standards internationaux avant d’être projetées sur les théâtres extérieurs.
Sur le terrain de la MINUSCA
Le 16 septembre, la patrouille fluviale escortait du matériel humanitaire vers l’axe Bangui-Koui. Un orage soudain aurait provoqué la crue de l’Obela Mpoko, rendant la barque instable, selon l’enquête préliminaire des Nations unies. Cinq Casques bleus congolais ont été emportés.
Quatre corps furent repêchés dans les 48 heures grâce à la coopération des plongeurs rwandais et centrafricains. La disparition du maréchal des logis chef Miyokidi Bazola a prolongé les recherches jusqu’à sa localisation, 12 kilomètres en aval, confirmée par des drones thermiques.
Un parcours exemplaire
Né à Dolisie en 1996, l’intéressé rejoint la gendarmerie à dix-huit ans, juste après son baccalauréat scientifique. Sa douzième promotion, baptisée colonel Mouassiposso Mackongui, mettait l’accent sur la maîtrise des technologies de maintien de l’ordre et la protection des civils.
Après cinq ans dans l’Escadron mobile de Dolisie, il décroche en 2023 le diplôme d’officier de police judiciaire, préalable indispensable à la sélection onusienne. Ses supérieurs saluent sa rigueur et son sens du collectif, qualités ayant pesé dans son affectation en Centrafrique.
Le point institutionnel
Présent à la cérémonie, le ministre Raymond Zéphirin Mboulou a rappelé que la loi de programmation militaire 2022-2026 octroie un fonds spécial d’indemnisation aux familles des soldats tombés en opération extérieure. Chaque dossier est instruit sous contrôle de la Caisse nationale de prévoyance sociale.
Le Parlement, représenté par le député Henri Zoniaba Ayimesson, suit l’application du dispositif. Dans l’immédiat, les ayants droit de Miyokidi Bazola bénéficieront d’un appui logistique et psychologique, tandis que le ministère des Affaires étrangères facilite la perception des compensations versées par les Nations unies.
Scénarios : sécurité régionale
L’accident intervient alors que la MINUSCA poursuit son redéploiement vers l’ouest, zone frontalière avec le Cameroun et le Tchad. Les analystes craignent que la saison des pluies complique encore les mouvements logistiques et accroisse l’exposition des unités fluviales africaines.
Brazzaville a toutefois réaffirmé, par la voix du général Guy Blanchard Okoï, son engagement à maintenir son contingent complet. Une rotation partielle est attendue en décembre 2025, avec un module de formation spécifique sur la navigation en eaux vives conçu avec l’appui du CICR.
Appui international et formations mixtes
Le programme européen RECAMP a financé, depuis 2022, plusieurs sessions de navigation sécurisée à Pointe-Noire, animées par des instructeurs français et marocains. Les stagiaires apprennent le balisage numérique, l’usage des gilets de flottaison renforcés et les protocoles de sauvetage combinant sonar portatif et canot semi-rigide.
Les Nations unies prévoient d’étendre ce cursus à Bangui via un centre mobile, équipé de simulateurs VR reproduisant le fleuve Oubangui. Selon le chef de la formation, la réalité virtuelle réduit de 30 % les incidents en conditions réelles, indicateur observé sur trois contingents pilotes.
Regards de la société civile
À Brazzaville, l’ONG Observatoire des droits des militaires salue « l’exemplarité d’un engagement républicain » et appelle à renforcer la prise en charge des familles. Son coordinateur, Arnaud Mbemba, insiste sur le suivi scolaire des orphelins, financé jusqu’ici par une collecte citoyenne.
Sur les réseaux sociaux, la diaspora congolaise a lancé le mot-clé #MpokoHeroes, relayé plus de 200 000 fois en une semaine. Des portraits graphiques du maréchal des logis chef sont diffusés gratuitement, tandis qu’une cagnotte bitcoin alimente un fonds d’achat de gilets pare-balles certifiés.
Les confessions religieuses, réunies au Centre interdiocésain, ont célébré une messe œcuménique en hommage aux cinq Casques bleus, soulignant le devoir de solidarité nationale envers les artisans de la paix.
Et après ?
Le retour du cinquième héros clôt symboliquement le drame, mais ouvre un chantier mémoriel. Le Musée des forces armées envisage une exposition itinérante retraçant l’histoire des Casques bleus congolais, photographies aériennes du fleuve à l’appui, pour sensibiliser la jeunesse aux réalités des missions extérieures.
Sur le plan diplomatique, l’incident n’entame pas la crédibilité congolaise ; au contraire, il illustre la volonté de partager le coût humain de la paix. La prochaine réunion CEMAC-Nations unies, prévue à Libreville, devrait évoquer de nouvelles synergies sécuritaires sur le corridor Bangui-Brazzaville.