Finale Chan 2024: Kenya sous les projecteurs
Le 30 août, le nouvel Opap Arena de Nairobi accueille l’affiche improbable Maroc-Madagascar, point d’orgue d’une huitième édition du Championnat d’Afrique des nations riche en rebondissements et symbole de l’essor constant du football local sur le continent.
Pour les Lions de l’Atlas, l’enjeu est clair : décrocher un troisième sacre et dépasser définitivement la République démocratique du Congo au palmarès. Pour les Barrea, il s’agit d’inscrire Madagascar sur la carte des nations titrées, scénario impensable il y a encore quelques mois.
Dans les travées, hauts responsables sportifs, diplomates accrédités et observateurs économiques verront bien plus qu’une rencontre. Le Chan s’affirme comme un instrument de soft power, offrant aux États une scène où diplomatie, rayonnement culturel et ambition d’infrastructures se croisent.
Maroc: constance et stratégie fédérale
La Fédération royale marocaine a bâti depuis 2014 un maillage de centres techniques régionaux, adossé à l’Académie Mohammed VI, afin d’alimenter en permanence les sélections A’ avec des joueurs rompus aux exigences tactiques et physiques du football moderne.
Cette continuité structurelle explique que l’équipe, dirigée par Hicham Dmii, dispute déjà sa troisième finale. «Nous avons appliqué un plan où chaque département, médical, analytique ou logistique, sait exactement son rôle», confiait récemment le sélectionneur aux médias de la CAF.
À Nairobi, le Maroc mise encore sur la créativité de Sabir Bougrine, auteur d’une frappe chirurgicale en demi-finale, et sur la sérénité de son gardien Anas Zniti, déjà décisif lors des séances de tirs au but au Cameroun en 2020.
Madagascar: l’inattendu comme moteur
Classée hors du top 20 africain avant le tournoi, la sélection malgache a déjoué les pronostics par un mélange d’abnégation et d’ingénierie tactique signé Romuald Félix, ancien adjoint des Barea A. La victoire au bout de 116 minutes face au Soudan a cimenté l’état d’esprit.
Toky Niana Rakotondraibe, milieu relayeur de 22 ans, est devenu le héros national grâce à son but tardif. «Nous ne sommes pas ici pour admirer les autres, nous sommes venus écrire notre propre histoire», déclarait-il, avec une détermination qui a séduit la presse kényane.
Reste l’écueil physique. Avec deux prolongations consécutives dans les jambes, Madagascar devra gérer la récupération, un domaine où l’encadrement a déjà innové en programmant des séances cryothérapiques nocturnes improvisées dans l’hôtel de Naivasha, selon un membre du staff.
Les enjeux géopolitiques du Chan
Depuis son lancement en 2009, le Chan offre aux gouvernements une vitrine pour leurs politiques sportives domestiques. Le choix du Kenya, pays stratégique dans la Corne de l’Afrique, confirme l’intention de la CAF de mailler le flanc est du continent et d’y attirer investissements et événements majeurs.
Le Maroc, déjà actif diplomatiquement en Afrique de l’Ouest, profite de son rayonnement footballistique pour renforcer sa doctrine d’ancrage continental. La perspective d’un troisième titre accentuerait une position de leader symbolique, surtout alors que la candidature marocaine au Mondial 2030 se précise.
Pour Madagascar, modeste économie insulaire, le parcours a généré un capital de sympathie considérable. Antananarivo espère convertir cette exposition en partenariats infrastructurels, à l’image du programme de réhabilitation du stade Barea, discuté avec des bailleurs internationaux en marge du tournoi.
Impact sur la zone Afrique centrale
En Afrique centrale, où le football demeure un vecteur diplomatique majeur, l’évolution du palmarès du Chan est suivie de près. La République du Congo, double hôte de compétitions régionales ces dernières années, observe avec intérêt la bataille statistique entre Maroc et RDC.
Brazzaville a intégré dans son plan national de développement sportif 2022-2026 l’objectif d’attirer à court terme un tournoi de qualification Chan, capitalisant sur la rénovation du stade Alphonse-Masamba-Débat et sur une coordination renforcée entre ministère des Sports et acteurs privés.
Selon un diplomate ouest-africain en poste à Libreville, «la dynamique créée par des surprises comme Madagascar incite les États à investir dans le championnat domestique pour exister sur la scène régionale». Le commentaire résume l’émulation que la finale de Nairobi pourrait encore amplifier.
Quel scénario pour le 30 août ?
Techniquement, le match oppose la possession marocaine, ordonnée autour d’un 4-3-3 fluide, au bloc médian malgache disposé en 5-4-1 évolutif. La clé pourrait résider dans la gestion des transitions, secteur où le latéral droit marocain Mohamed Chibi excelle depuis le début du tournoi.
Côté Barea, la profondeur recherchée vers l’attaquant Koloina Andriamanjato offre une alternative pour soulager la défense. Si les prolongations interviennent, l’état du gazon kenyan, mis à rude épreuve par les pluies, pourrait devenir un facteur déterminant pour les appuis.
Quel que soit le podium final, le Chan 2024 aura mis sous lumière deux modèles de gouvernance sportive distincts et complémentaires. Entre la puissance d’une stratégie long terme et l’audace d’une génération imprévue, le football africain prouve encore sa capacité à surprendre.
Pour la Confédération africaine, cette affiche inédite crée aussi un laboratoire grandeur nature avant l’expansion annoncée du format. Les retours logistiques recueillis à Nairobi guideront le cahier des charges des futures éditions.