Contexte et dynamique du marché
Le marché camerounais de l’assurance non-vie pèse plus de 185 milliards de FCFA, un volume qui reflète la montée des risques industriels dans le golfe de Guinée et l’urbanisation rapide des grandes villes. Trois acteurs se disputent le haut du tableau, selon l’ASAC.
En 2023, AXA détenait 12,4 % des parts, Saar 11,5 % et Chanas Assurances 10,9 % (ASAC). Pourtant, l’écart reste suffisamment modeste pour qu’un repositionnement tactique hisse Chanas au sommet, surtout si la croissance sectorielle se maintient proche des 7 % annuels observés depuis 2021.
Une trajectoire forgée chez SUNU et Chanas
Diplômée de l’École supérieure des assurances d’Abidjan, Bibiane Francine Mbia a piloté durant douze ans la souscription et la réassurance chez SUNU. Cette expérience l’a familiarisée aux placements complexes liés aux hydrocarbures, un atout rare dans la sous-région.
Recrutée en septembre 2024 comme directrice technique de Chanas, elle a rapidement coordonné l’optimisation du portefeuille sinistres-vieillesse. « Nous avons réduit le ratio de sinistralité de quatre points en trois trimestres », souligne un cadre sous anonymat, insistant sur sa méthode factuelle.
Pourquoi un remaniement urgent
Le départ soudain d’Henri Théodore Bayouak, nommé en octobre 2024 puis remercié en août 2025, a créé un vide managérial risqué. Les raisons officielles demeurent confidentielles, mais plusieurs administrateurs évoquent un différend stratégique sur la politique de couverture des risques pétroliers.
Pour la Société nationale des hydrocarbures, actionnaire de référence, maintenir la confiance des réassureurs internationaux exigeait un signal fort. Le conseil a donc choisi une dirigeante interne, « déjà acclimatée à la culture conformité de la maison », précise un communiqué publié à Douala.
Éthique et proximité comme boussole
La nouvelle directrice par intérim inscrit l’éthique et la qualité de service au cœur de son plan d’action. Elle entend publier chaque trimestre un tableau de bord de performance accessible aux courtiers, mesure encore inédite dans le pays.
Ce choix vise à restaurer un dialogue parfois tendu avec le réseau d’intermédiaires, clef de 80 % des souscriptions dans la branche automobile. « La transparence tarifaire réduit les frictions et fidélise le courtage », explique un expert de la Fédération africaine des assureurs.
Renforcer la chaîne de valeur locale
Au-delà du service client, Chanas veut consolider son ancrage national. La compagnie travaille à un programme de formation certifiant pour actuaires juniors camerounais, en partenariat avec l’Université de Douala.
Cette initiative répond à la pénurie de compétences numériques dans le calcul des primes. En internalisant ces savoir-faire, l’assureur compte maîtriser ses modèles prédictifs, limiter la dépendance aux consultants étrangers et réduire les coûts opérationnels de 6 % d’ici à 2027.
Cap sur la sous-région CEMAC
La feuille de route dévoilée mentionne aussi l’ouverture d’un bureau de représentation à Libreville. Le Gabon est jugé stratégique pour sa forte densité pétrolière et ses projets d’infrastructures.
En visant une licence CEMAC, Chanas espère mutualiser les risques et diversifier ses primes, tout en profitant de la clause de libre prestation de services entérinée par la Conférence interafricaine des marchés d’assurances.
Digitalisation et culture du résultat
Sur le plan technologique, Mbia mise sur une plateforme de règlement de sinistres en 72 heures, adossée à la signature électronique. Le chantier, mené avec une fintech locale, doit être opérationnel en avril 2026.
Cette rapidité ambitionne de réduire la fraude et d’améliorer le taux de satisfaction client, actuellement évalué à 78 %. Un bond de dix points ferait de Chanas une référence régionale en matière de fluidité, avance un consultant d’Insurtech Africa.
Indicateurs financiers sous surveillance
Pour 2023, Chanas a déclaré un chiffre d’affaires de 20,1 milliards de FCFA, en hausse de 9,79 % sur un an. Le ratio combiné, toutefois, stagne à 97 %.
Mbia vise un objectif prudent de 94 % d’ici fin 2026, en jouant sur la révision des franchises sinistres et la segmentation tarifaire. Les analystes estiment qu’un point de ratio gagné libère près de 200 millions de FCFA de résultat technique.
Enjeux de crédibilité institutionnelle
Le régulateur, la Commission régionale de contrôle des assurances, suit de près la transition. Une certification ISO 27001 sur la protection des données clients est en cours d’audit et pourrait devenir un avantage compétitif non négligeable.
« Une gouvernance assise sur la conformité renforce la confiance des investisseurs et favorise l’attraction de devises fortes », rappelle un économiste de la Banque des États de l’Afrique centrale.
Perspectives à moyen terme
Si les orientations tracées par Bibiane Francine Mbia portent leurs fruits, Chanas pourrait dépasser la barre des 13 % de parts de marché d’ici 2028. Un tel score bouleverserait la hiérarchie actuelle et inciterait les concurrents à accélérer leurs propres réformes.
Pour les actionnaires publics, la stratégie offre aussi un outil de diversification des recettes hors pétrole, enjeu décisif face aux variations des cours internationaux.
