Une diplomatie de la connaissance
Le hall de l’université Marien-Ngouabi bourdonnait, ce 13 août 2025, d’une curiosité palpable. Venue de Kinshasa, l’ambassadrice britannique, Mme Alyson King, est entrée en scène pour évoquer la bourse Chevening 2026-2027, suscitant un intérêt immédiat parmi les étudiants congolais rassemblés.
Le rendez-vous illustre la place croissante que les diplomaties accordent au capital humain. Selon la diplomate, « former des leaders locaux, c’est renforcer des partenariats globaux ». Cette logique trouve un écho favorable dans la stratégie éducative poursuivie par Brazzaville depuis 2021.
Chevening, soft power britannique affirmé
Chevening, lancé en 1983, finance chaque année plus de 1 500 masters au Royaume-Uni. Frais de scolarité, billet aller-retour et allocation mensuelle sont couverts, conférant au programme une réputation de prise en charge intégrale rarement égalée sur la scène des bourses internationales.
Mais l’initiative dépasse le soutien financier. Pendant le séjour britannique, un stage obligatoire confronte les boursiers aux réalités professionnelles d’outre-Manche, puis deux ans de service dans le pays d’origine s’imposent. Cette clause inscrit l’apprentissage dans un cycle vertueux de transfert de compétences.
Modalités et intérêts pour Brazzaville
Pour Brazzaville, l’avantage est double : ses talents se perfectionnent dans des universités de rang mondial, puis reviennent renforcer les administrations, entreprises et ONG locales. La diplomatie congolaise y voit un mécanisme complémentaire aux programmes existants du ministère de l’Enseignement supérieur.
Alyson King insiste sur l’ouverture aux francophones. « Aucun quota national, mais une volonté d’élargir le vivier anglophone ». En 2024, moins de cinq Congolais avaient intégré Chevening. L’objectif officieux est de doubler cette présence dès la cohorte 2026-2027.
Processus de candidature et critères exigeants
Le site de candidature, accessible du 5 août au 7 octobre 2025, propose une interface interactive. Une intelligence artificielle guide les postulants, répondant en temps réel. Cet outil pédagogique lève plusieurs obstacles linguistiques ou administratifs identifiés lors des précédentes saisons de recrutement.
Les exigences restent néanmoins sélectives : deux ans d’expérience professionnelle, un diplôme de licence et un anglais attesté. Les candidats doivent également formuler quatre essais de motivation. Les jurys examinent la capacité à influencer, l’esprit de leadership et la cohérence entre projet académique et retombées nationales.
Gouvernance et transparence du programme
Depuis Londres, le secrétariat de Chevening pilote seul la sélection. L’ambassade au Congo se cantonne à l’information, évitant tout soupçon de favoritisme. Cette séparation des rôles rassure les bailleurs et correspond aux standards de gouvernance promus par l’Organisation internationale de la francophonie.
Les autorités congolaises saluent cette transparence. Un cadre du ministère des Affaires étrangères rappelle que le pays ambitionne d’envoyer 20 % d’étudiants supplémentaires dans les grandes écoles étrangères d’ici 2030, tout en veillant à leur retour. « Chevening s’inscrit parfaitement dans cette trajectoire », affirme-t-il.
Réseau d’alumni et capital humain
Pour les postulants, la sélection reste un marathon intellectuel. Les entretiens sont conduits en anglais par un panel associant anciens boursiers et représentants d’universités. Les lauréats rejoignent ensuite un réseau de plus de 60 000 alumni, dont plusieurs ministres africains actuellement en fonction.
Aujourd’hui, la priorité pour l’ambassade est la sensibilisation précoce. Des webinaires ciblant les grandes écoles de Pointe-Noire et de Dolisie suivront. L’objectif est de dissiper le mythe d’une élite inaccessible et de montrer que la réussite repose surtout sur une préparation méticuleuse.
Mobilisation au sein des universités congolaises
Du côté des universités congolaises, l’approche est désormais proactive. Certaines facultés ont établi des clubs Chevening où anciens candidats coachent les nouvelles promotions. Cette dynamique contribue à renforcer l’employabilité des jeunes, priorité affichée du Plan national de développement 2022-2026.
Les partenaires multilatéraux observent avec intérêt cette synergie. La Banque mondiale, qui finance plusieurs projets éducatifs au Congo, estime que les retombées d’un capital humain mondialement formé peuvent accélérer la diversification économique, un enjeu majeur face aux fluctuations du marché pétrolier.
Compétences vertes et retour sur investissement
À moyen terme, l’enjeu est l’ancrage local des compétences. Les discussions avancent entre le ministère de la Recherche scientifique et les alumni pour créer un incubateur dédié à l’innovation verte. Ces initiatives s’alignent sur la feuille de route climatique présentée par le gouvernement.
Au fil des échanges, un consensus se dessine : Chevening offre une passerelle stratégique entre le Royaume-Uni et le Congo, sans conditions politiques, mais avec l’ambition partagée de former une génération apte à dialoguer dans les enceintes multilatérales et à impulser une croissance inclusive.
Ambitions étudiantes et enjeux géopolitiques
Dans les couloirs de Marien-Ngouabi, plusieurs étudiants évoquent leurs choix : Leeds pour l’ingénierie, Sussex pour la diplomatie climatique, Warwick pour la finance. Cet enthousiasme révèle un désir de projection internationale.
Néanmoins, la concurrence reste mondiale : en 2025, plus de 64 000 dossiers ont été déposés pour 1 500 places. D’où l’importance, rappelle l’ambassadrice, de présenter une vision claire pour son pays. « Ne vendez pas un rêve personnel, mais un impact collectif », conseille-t-elle.
Alors que l’appel à candidatures s’ouvre, experts et décideurs congolais convergent sur une idée: la diplomatie éducative constitue un pilier complémentaire aux coopérations énergétiques et sécuritaires déjà en vigueur avec Londres. Chevening pourrait en être le catalyseur le plus visible.