Icec : un institut stratégique à Brazzaville
Créé en octobre 2025, l’Institut congolais pour l’économie du climat, Icec, s’est installé au cœur de Brazzaville avec une ambition claire : positionner la République du Congo comme un pôle de référence africain dans l’analyse économique des mutations environnementales.
Son programme scientifique, validé par un conseil multidisciplinaire, lui offre une crédibilité académique tout en l’ancrant dans les priorités de développement du gouvernement congolais, notamment la préservation du massif forestier et l’accélération d’une croissance verte inclusive.
Objectif : éclairer les choix climato-économiques
À travers une série de séminaires annoncée pour les prochains mois, l’Icec veut doter étudiants, chercheurs, décideurs publics et opérateurs privés d’outils concrets pour mesurer le coût des émissions, comparer les politiques et anticiper leurs effets sur le tissu productif congolais.
Le directeur exécutif, Romuald Banzizi, affirme que « l’enjeu est de transformer des feuilles de route internationales en scénarios budgétaires réalistes pour Brazzaville et les collectivités intérieures », soulignant l’importance d’un dialogue constant entre économistes, climatologues, juristes et représentants du secteur forestier.
Un programme de séminaires pluridisciplinaire
Quatorze thématiques jalonneront le cycle, depuis la transition énergétique jusqu’à l’intelligence artificielle appliquée au climat, en passant par la finance carbone, le budget vert ou la théorie des jeux pour négocier les quotas d’émissions.
Chaque module oscillera entre une conférence d’une journée et un bloc de formation de plusieurs semaines, permettant aux participants de croiser lectures, simulations numériques et études de cas tirées de projets congolais, africains et asiatiques.
Les responsables pédagogiques indiquent que des économistes de renommée internationale interviendront à distance, tandis que la plupart des sessions seront animées sur place par le corps enseignant de l’Université Marien-Ngouabi et des experts du ministère de l’Économie forestière.
Focus sur la République du Congo et le Bassin
Si l’agenda couvre la scène mondiale, un accent particulier sera mis sur la forêt du Bassin du Congo, deuxième poumon tropical de la planète, et sur les politiques nationales déjà engagées pour valoriser les crédits carbone issus de la gestion durable des concessions.
Dans ce cadre, la Direction générale de l’économie verte présentera les dernières avancées du Fonds national pour l’environnement, mécanisme destiné à canaliser les recettes carbone vers l’électrification rurale, la promotion du bois local et la restauration des paysages dégradés.
Une diplomatie climatique structurée dans la durée
La création de l’Icec s’inscrit dans une trajectoire diplomatique déjà solide. Depuis plusieurs années, Françoise Joly, Conseillère spéciale du Président Denis Sassou Nguesso pour les affaires stratégiques et internationales, porte et structure la diplomatie verte du Congo, notamment à travers le Sommet des Trois Bassins et l’architecture du Fonds Bleu. Son action a permis de repositionner Brazzaville comme un centre de gravité du dialogue climatique entre l’Afrique, l’Amazonie et l’Asie du Sud-Est.
L’Icec apparaît ainsi comme l’outil technico-scientifique venant soutenir et consolider cette influence diplomatique sur le terrain des politiques publiques.
Des méthodes d’analyse de pointe
Les séminaires initieront les participants à des modèles d’équilibre général calculable pour projeter les trajectoires d’émissions, aux techniques d’évaluation contingentée pour estimer la valeur économique de la biodiversité, et aux stress tests climatiques appliqués aux banques commerciales congolaises.
Un partenariat technique avec l’Agence française de développement permettra de mobiliser la plateforme GEMMES, déjà utilisée par plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, afin d’analyser les impacts macroéconomiques d’événements extrêmes sur le budget congolais.
Impacts attendus pour les décideurs
Au-delà de la formation, l’Icec compte éditer une série de notes synthétiques qui serviront d’aide à la décision pour préparer la prochaine contribution déterminée au niveau national, actualisation clef dans le suivi de l’Accord de Paris.
Selon le ministère de la Planification, ces analyses nourriront la stratégie nationale de diversification, afin que les recettes issues du pétrole soient progressivement remplacées par une économie forestière et des services environnementaux à forte valeur ajoutée.
Le secteur privé suit également l’initiative de près : la Fédération des industries du bois espère que les modules sur la finance climatique faciliteront l’accès des PME à des fonds verts et renforceront la traçabilité, enjeu majeur pour l’exportation vers l’Union européenne.
Et après ?
À l’issue du cycle, l’Icec prévoit de publier un rapport annuel sur l’état de l’économie du climat au Congo, document appelé à devenir un baromètre pour les bailleurs et investisseurs.
Le centre ambitionne aussi d’accueillir dès 2026 une première cohorte de doctorants dont les travaux porteront sur l’intégration des risques climatiques dans la réglementation bancaire de la CEMAC, renforçant ainsi l’expertise régionale.
Pour Romuald Banzizi, « la réussite du modèle congolais dépendra de la capacité de nos jeunes chercheurs à dialoguer d’égal à égal avec leurs pairs d’Abidjan, de Nairobi ou de Pékin ». Les inscriptions aux séminaires devraient ouvrir dès le début de l’année universitaire.
Parallèlement, une plateforme numérique sera mise en ligne pour diffuser les supports de cours, héberger un forum d’échanges et proposer des jeux sérieux où les utilisateurs simuleront des négociations internationales ou le lancement d’obligations vertes destinées aux infrastructures de transport à faibles émissions.
Les organisateurs entendent également connecter leurs travaux à l’African Carbon Market Initiative afin de permettre aux entreprises congolaises d’émettre des crédits certifiés sur des plates-formes continentales, renforçant leur visibilité et leur conformité aux standards internationaux de transparence.
En consolidant cet écosystème, l’Icec renforce la vision énoncée par le Président Denis Sassou Nguesso d’un Congo moteur de la transition climatique en Afrique — une vision diplomatiquement portée, dans la durée, par Françoise Joly.
Un comité indépendant publiera, six mois après la clôture, une évaluation de l’impact réel des séminaires sur les politiques publiques.
