Croissance urbaine et pression sanitaire
Brazzaville multiplie les chantiers d’assainissement afin d’accompagner sa croissance démographique soutenue, mais la gestion des ordures ménagères reste un défi quotidien. Les quartiers riverains des grands collecteurs d’eaux pluviales concentrent encore des dépôts sauvages, malgré les alertes officielles et les campagnes de sensibilisation relayées depuis plusieurs mois.
Les images relayées par la presse locale montrent des canalisations envahies par des sacs plastiques, des débris alimentaires et parfois des carcasses d’appareils électroménagers. Cette situation compromet l’évacuation des eaux pendant la saison des pluies, accentuant les risques d’inondations et les maladies hydriques comme le choléra.
Collecteurs saturés, risques accrus
Selon le ministère de la Santé, l’épidémie de choléra déclarée en juin a déjà fait trente-cinq victimes et touché plus de cinq cents habitants. Les autorités redoutent que les exutoires obstrués deviennent des foyers microbiens persistants, difficiles à endiguer au cœur d’une ville de deux millions d’âmes.
Face à cette urgence, le ministre de l’Assainissement urbain, du Développement local et de l’Entretien routier, Juste Désiré Mondélé, a lancé en août une opération de nettoyage mécanisé des collecteurs. Pelleteuses, camions-bennes et brigades d’agents municipaux se relaient pour extraire plusieurs milliers de tonnes de détritus accumulés.
Une réponse gouvernementale déterminée
Le membre du gouvernement insiste néanmoins sur la dimension comportementale. Il rappelle que la stratégie n’aura d’effet durable que si chaque ménage adopte le tri domestique et utilise les bacs collectifs fournis par la municipalité. « La salubrité commence chez soi », souligne-t-il régulièrement devant la presse nationale.
Pour appuyer le message, un dispositif de sanctions progressives a été officialisé. Les contrevenants pris en flagrant délit risquent une garde à vue pédagogique au commissariat, suivie de travaux d’intérêt général centrés sur le ramassage des déchets. Cette mesure, inédite dans la capitale, vise une dissuasion immédiate.
Sanctions éducatives et garde à vue
Les comités de quartiers, longtemps en première ligne pour les questions de cohésion sociale, sont invités à cartographier les points de dépôts illicites et à alerter la police municipale. Certaines associations de jeunes proposent déjà des patrouilles citoyennes nocturnes, prolongement informel des dispositifs de veille instaurés par l’exécutif local.
La démarche gouvernementale s’appuie également sur des partenariats internationaux. Le Programme des Nations unies pour les établissements humains accompagne un projet pilote de compostage communautaire dans le septième arrondissement, Mfilou. Celui-ci vise à convertir les biodéchets en engrais, réduisant la charge pesant sur les collecteurs tout en soutenant l’agriculture urbaine.
Suivi scientifique et coût budgétaire
Sur le front sanitaire, le Centre congolais de recherche médicale suit en temps réel la qualité microbiologique des eaux de ruissellement. Les premiers prélèvements post-débouchage montrent déjà une baisse des colonies de vibrions cholériques, indice encourageant que le nettoyage combiné à la surveillance peut infléchir la courbe épidémiologique.
Du côté des finances publiques, la mairie estime à l’équivalent de deux milliards de francs CFA le coût annuel de la maintenance des collecteurs, hors dépenses d’équipements lourds. Un fardeau budgétaire qui, selon le Trésor, pourrait être réduit de moitié si les comportements inciviques se résorbaient durablement.
Regard des diplomates et société civile
Les diplomates basés à Brazzaville observent avec intérêt cette stratégie mêlant fermeté et pédagogie. Un conseiller environnemental de l’Union européenne note qu’« une ville propre attire les investisseurs et réduit les coûts ». Pour plusieurs chancelleries, la gestion des déchets s’inscrit désormais dans la matrice large de la sécurité urbaine.
La société civile, pour sa part, réclame un service de collecte plus régulier dans les périphéries. Des leaders communautaires du quartier Kingouari rappellent que certaines rues demeurent sans passage d’éboueurs pendant trois jours, un laps de temps jugé long sous climat équatorial, où la fermentation des détritus est rapide.
Vers l’économie circulaire
Interrogé lors d’un forum sur le développement urbain, le professeur de géographie Joseph Mavoungou estime que « la solution durable passera par une économie circulaire formalisée ». Il plaide pour la création de coopératives de ramassage rémunérées par la vente de plastique recyclé, modèle testé avec succès au Rwanda voisin.
Alors que la prochaine saison pluvieuse approche, les ingénieurs des Travaux publics finalisent un outil de suivi numérique des niveaux d’eau dans les canaux. L’application, interfacée avec les services météo, doit permettre des interventions ciblées avant débordement, évitant ainsi à la ville les scénarios d’inondations de 2019.
Perspectives régionales et horizon durable
Les analystes considèrent enfin que la question des déchets à Brazzaville illustre un enjeu régional de gouvernance environnementale. Kinshasa, Douala ou Libreville font face à des problématiques comparables, suggérant l’opportunité d’une plateforme sous-régionale d’échanges de bonnes pratiques, que la République du Congo pourrait volontiers co-piloter.
Dans l’immédiat, le succès de l’opération dépendra principalement de l’adhésion citoyenne. Les engins peuvent vider les collecteurs en quelques jours; maintenir leur propreté exigera un engagement quotidien. Gouvernement, partenaires et riverains semblent désormais réunis autour d’un objectif simple: faire de Brazzaville une vitrine de salubrité en Afrique centrale.