Riposte sanitaire coordonnée
Depuis la notification des premiers cas de choléra le 23 juin, les autorités sanitaires congolaises déroulent une stratégie graduelle, calquée sur les recommandations de l’OMS. Le lancement, le 26 août à Brazzaville, d’un Fonds d’urgence piloté par la Croix-Rouge marque une nouvelle phase décisive.
La ministre de la Santé et de la Population, Jacqueline Lydia Mikolo, a salué un « outil financier flexible, capable de mobiliser en quelques heures des intrants essentiels », tandis que son directeur de cabinet, Donatien Mounkassa, a insisté sur l’urgence d’atteindre rapidement les communautés insulaires.
Mécanisme financier d’urgence DREF
Doté de 540 millions de FCFA issus de l’Union européenne et complétés par la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, le mécanisme DREF finance l’approvisionnement en eau potable, la distribution de kits d’hygiène et la formation de volontaires.
Selon les estimations officielles, le pays comptait déjà cinq cents cas et trente-cinq décès au moment du lancement. Ce taux de létalité, parmi les plus élevés de la sous-région, justifie l’allocation rapide de ressources et la mise en place d’équipes multisectorielles mobiles.
Coopération internationale renforcée
La coopération internationale se révèle cruciale. « Nous sommes aux côtés du gouvernement pour protéger les vies les plus vulnérables », a expliqué Anne Marchal, cheffe de la délégation européenne, rappelant que l’initiative s’inscrit dans la stratégie humanitaire globale de Bruxelles sur les crises hydriques.
Outre l’UE, l’Organisation mondiale de la Santé et le Centre africain de contrôle des maladies partagent des données épidémiologiques en temps réel, facilitant la traçabilité transfrontalière entre la République du Congo, la République démocratique du Congo et l’Angola, corridors de grande mobilité.
Défis logistiques sur l’île Mbamou
L’île Mbamou, épicentre identifié, présente des défis logistiques considérables. L’accès y dépend de pirogues motorisées et souvent soumises aux caprices du fleuve Congo, tandis que les équipages doivent transporter en même temps chlore, bâches de traitement et stations de lavage des mains portatives.
Les pluies annoncées pour octobre pourraient compliquer davantage la chaîne d’approvisionnement. Les autorités ciblent donc une campagne intensive de trois semaines, afin de chlorer les points d’eau, installer des latrines temporaires et renforcer la surveillance communautaire avant le pic saisonnier.
Perspectives de santé publique
À moyen terme, le Ministère de la Santé prévoit d’intégrer la lutte contre le choléra dans le Programme national de développement sanitaire 2022-2026, avec un accent sur l’accès universel à l’eau salubre et la résilience des districts frontaliers, souvent sous-équipés, ainsi que sur la création de comités d’eau communautaires.
Un volet recherche utilise la plateforme de l’Institut national de recherche biomédicale pour séquencer les souches locales. Les premiers résultats permettront d’ajuster les protocoles thérapeutiques en dispensaires et de consolider la base de données régionale partagée avec Kinshasa et Luanda.
Implication communautaire
Les communicateurs de la Croix-Rouge déploient une approche porte-à-porte, traduisant les messages clés dans les langues téké, lingala et kituba. Cette adaptation culturelle vise à contrer les rumeurs, souvent plus rapides que les équipes médicales, sur l’origine supposée biotechnologique du vibrio.
D’après le sociologue Armand Boungou, « la participation des chefs traditionnels reste la pierre angulaire de toute riposte réussie », car leur parole légitime les consignes de quarantaine volontaire et l’acceptation de l’isolement des puits contaminés, mesures parfois perçues comme coercitives.
Dimension politique régionale
Au-delà de l’aspect sanitaire, l’entourage du président Denis Sassou Nguesso met en avant la dimension de stabilité régionale. Selon un conseiller diplomatique, « une épidémie non contrôlée pourrait perturber les échanges fluviaux et fragiliser les efforts d’intégration économique en Afrique centrale ».
Le Palais du Peuple suit donc de près les indicateurs transmis par la cellule scientifique, consciente que la perception de réactivité gouvernementale joue un rôle dans les dialogues en cours avec les bailleurs, qu’il s’agisse de la Banque mondiale ou de la Chine.
Innovation et secteur privé
Les jeunes start-up congolaises de la « WASH tech » s’impliquent aussi. Un prototype de station de purification solaire, développé à Pointe-Noire, produit 5 000 litres d’eau traitée par jour et pourrait être rapidement déployé sur le plateau des Batékés et dans le Pool, zone encore préservée.
La Chambre de commerce et d’industrie du Congo évoque déjà des mécanismes d’exonération douanière temporaire pour l’importation de filtres membranaires, afin d’encourager l’engagement du secteur privé et accélérer l’accès aux solutions technologiques dans les zones dépourvues de forage.
L’engagement de plusieurs sociétés pétrolières à fournir du carburant subventionné pour les navettes sanitaires souligne la synergie public-privé recherchée par le gouvernement. Cette contribution réduit le coût opérationnel des rotations vers les villages riverains, où les générateurs restent la seule source d’électricité.
Feuille de route prospective
Alors que le Fonds d’urgence entre dans sa phase d’exécution, les parties prenantes tablent sur une réduction de moitié du nombre de cas d’ici quatre mois. La réussite de ce plan pourrait servir de modèle aux autres États riverains du fleuve Congo, tout en consolidant la confiance d’investisseurs humanitaires internationaux.