Une embellie saluée par le CNEF
Réuni à Brazzaville, le 14 juillet 2025, pour la seconde fois de l’exercice, le Comité national économique et financier a dressé un état des lieux dont les grandes lignes invitent à un optimisme nuancé. Les membres de l’organe, présidé par le ministre des Finances, du Budget et du Portefeuille public, Christian Yoka, observent que la conjoncture affiche pour le premier trimestre un excédent budgétaire global, accompagné d’une accélération de la masse monétaire. « Les voyants passent progressivement à l’orange clair », confie, sous couvert d’anonymat, un haut fonctionnaire présent aux délibérations, traduisant la prudence qui demeure malgré des indicateurs mieux orientés.
Hydrocarbures, pivot d’une diversification encore embryonnaire
Le rebond tient d’abord à la poursuite des investissements dans les hydrocarbures, secteur qui reste la charnière de la balance extérieure congolaise. Les autorisations de prospection accordées en 2024 arrivent à maturité opérationnelle, soutenant à la fois la production et la confiance des partenaires privés. Pour autant, la tonalité de la réunion n’a pas escamoté la contribution croissante des segments hors pétrole : services logistiques, télécommunications et agro-industrie signent des performances jugées « robustes au regard du contexte régional ». Cette combinaison autorise la Banque des États de l’Afrique centrale à projeter une croissance réelle de 1,8 % en 2025, contre 1,5 % en 2024, cap symbolique qui consolide l’idée d’une trajectoire ascendante, quoique graduelle.
Inflation : la vigilance demeure la ligne de conduite
Le revers d’une économie en redémarrage est souvent la tension sur les prix. Le Congo ne fait pas exception : l’inflation projetée à 3,5 % dépasserait la norme communautaire fixée à 3 %. Plusieurs éléments se conjuguent : renchérissement des intrants importés, variations logistiques sur les corridors portuaires et intermittences dans la fourniture d’électricité. Les autorités monétaires, conscientes du pouvoir d’achat urbain encore fragile, privilégient des interventions ciblées plutôt qu’un durcissement généralisé des conditions de crédit, afin de ne pas étouffer la reprise.
Cette approche graduelle est soutenue par la doctrine régionale, le Conseil de politique monétaire de la BEAC rappelant en juin à Libreville que « la stabilité des prix ne saurait être sacrifiée sur l’autel d’une croissance de court terme ». En filigrane, l’enjeu est de lisser les chocs exogènes tout en préservant l’ancrage de la monnaie commune, le franc CFA, aux fondamentaux extérieurs.
Crédit bancaire : entre prudence et résilience
Le tissu bancaire conforte les conclusions du CNEF : l’encours des prêts à la clientèle progresse de 3,3 % pour s’établir à 1 647 milliards F CFA au 31 mars 2025. Dans le même temps, les créances en souffrance se contractent de 1,3 %, signal d’une meilleure qualité de portefeuille. Les banquiers interrogés soulignent que « la demande demeure principalement orientée vers le fonds de roulement et la modernisation des chaînes de valeur ». Le financement des PME gagne en visibilité, appuyé par différents mécanismes de garantie publique qui limitent le risque perçu par les établissements de crédit.
La stabilisation des taux directeurs dans la zone CEMAC, décidée en avril, contribue à ce climat modérément expansif. Elle permet au système financier de soutenir la liquidité sans favoriser une expansion débridée qui rallumerait l’inflation.
Titres publics : approfondir un marché encore jeune
En quatre ans, le marché des valeurs du Trésor est devenu un vecteur essentiel du financement souverain. Les adjudications du premier quadrimestre 2025 montrent une baisse de 22,37 % des besoins émis, tandis que l’encours atteint 2 528,14 milliards F CFA, soit une progression de près de 7 % en rythme annuel. La réduction de la fréquence des appels de fonds et le relais croissant des investisseurs institutionnels témoignent d’une gestion de trésorerie plus prévisible.
Le cadre de concertation permanent entre le Trésor congolais et son réseau de spécialistes en valeurs du Trésor, salué par le CNEF, constitue une innovation de gouvernance. L’objectif affiché est de raffermir la courbe de taux domestique, condition préalable à l’allongement des maturités et à la mobilisation de l’épargne longue pour les projets structurants.
Réformes fiscales : accélérer la digitalisation
Le ministre Christian Yoka a rappelé, à l’issue des travaux, que la soutenabilité des finances publiques passait par une mobilisation optimale des recettes. Lors du conclave de Libreville, les Trésors de la CEMAC ont inscrit la digitalisation des procédures fiscales et douanières en tête de leurs priorités. Les services congolais y voient un levier de sécurisation des recettes, mais aussi une réponse à l’équité, grâce à l’élargissement de l’assiette et à la migration graduelle du secteur informel vers le formel.
Les autorités s’emploient également à l’opérationnalisation du compte unique du Trésor, pierre angulaire d’une gestion budgétaire moderne. En centralisant les flux de trésorerie, l’État réduit les fuites et améliore la visibilité de ses engagements. Des experts de la Banque mondiale, sollicités pour un appui technique, estiment que cette réforme pourrait, à moyen terme, générer jusqu’à un point de PIB de recettes additionnelles.
Cap sur une croissance plus inclusive
Dans son mot de clôture, Christian Yoka a insisté sur la dimension sociale de la trajectoire macroéconomique : « Notre ambition est une croissance forte, certes, mais surtout partagée ». Les investissements publics ciblent désormais les infrastructures électriques et les corridors agricoles, deux secteurs identifiés comme multiplicateurs d’emplois. La finalisation de la ligne 225 kV reliant le plateau des cataractes au nord du pays, prévue fin 2025, devrait sécuriser l’approvisionnement en énergie et réduire les points de friction observés dans les statistiques d’inflation.
Les observateurs internationaux notent que le Congo bénéficie d’un environnement régional en amélioration, la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale renouant progressivement avec l’excédent de son compte courant. Dans ce contexte, la discipline budgétaire, la diversification des sources de financement et l’arsenal de réformes fiscales convergent pour poser les jalons d’une croissance inclusive. À court terme, la vigilance reste de mise face aux chocs exogènes, mais la feuille de route exposée par le CNEF esquisse un horizon stratégiquement clair pour l’économie congolaise.