Le C2d, instrument financier singulier
Lorsque le Congo et la France paraphent en 2010 le premier Contrat de désendettement et de développement, ils scellent davantage qu’une simple opération comptable. À travers ce mécanisme, les arriérés de dette bilatérale sont convertis en dons fléchés vers des programmes de développement arrêtés d’un commun accord. Au-delà de son élégance technique, la formule répond à une double exigence : alléger le service de la dette tout en injectant une ressource prévisible dans les secteurs prioritaires retenus par Brazzaville.
Sur deux cycles – 80 millions d’euros entre 2010 et 2015, puis 149 millions entre 2015 et 2019 –, le portefeuille atteint 229 millions d’euros, soit environ 150,2 milliards de francs CFA. L’Agence française de développement, cheville ouvrière du dispositif, en assure la mise en musique aux côtés d’un Comité d’orientation et de suivi (Cos) coprésidé par les deux parties.
Un point d’étape unanimement salué
Réunis à Brazzaville le 10 juillet 2025, les membres du Cos ont dressé un inventaire précis. Cinq projets sont déjà clos, sept se déploient sur le terrain, deux achèvent leur phase opérationnelle et quatre autres, dont la modernisation de l’enseignement supérieur, devront aboutir d’ici à 2026. Le ministre congolais des Finances, Christian Yoka, s’est félicité d’« une coopération exemplaire qui améliore le quotidien de nos concitoyens ». De son côté, l’ambassadrice de France, Claire Bodonyi, a salué « une dynamique partenariale qui illustre la confiance mutuelle et la capacité à délivrer des résultats tangibles ».
Les défis financiers d’une conjoncture volatile
La satisfaction ne masque toutefois pas les turbulences budgétaires. L’envolée des coûts des matières premières depuis 2022, couplée aux tensions logistiques, a renchéri plusieurs chantiers. « Les enveloppes initiales ne suffisent plus », admet l’ambassadrice Bodonyi, tandis que les techniciens évoquent des dépassements parfois supérieurs à 20 %. Conscient de l’équation, le Cos a autorisé le redéploiement des reliquats du Fonds d’études et du compte C2d ouvert à la BEAC, et a mandaté l’Équipe Europe pour mobiliser des cofinancements.
L’enjeu est stratégique : sécuriser les crédits d’achèvement, mais aussi garantir les budgets récurrents d’entretien, condition sine qua non de la pérennité des ouvrages. Sur ce point, les autorités congolaises rappellent la priorité accordée par le président Denis Sassou Nguesso à la maintenance des infrastructures, considérée comme une composante essentielle de la soutenabilité des finances publiques.
Focus sur quelques chantiers emblématiques
Symbole urbain par excellence, la corniche de Brazzaville, longue de plus de trois kilomètres, redessine le front fluvial et offre aux riverains une promenade paisible surplombant le fleuve Congo. En périphérie nord, le programme « Paysage forestier » conjugue conservation et développement communautaire, tandis que le projet de relance agricole soutient les cultures vivrières et les chaînes de valeur locales.
Dans le domaine social, le réseau des centres d’éducation bénéficie d’extensions d’ateliers techniques et de bibliothèques connectées, tandis que la rénovation des infrastructures d’eau du Centre hospitalier universitaire de Brazzaville modernise le plateau sanitaire national. L’université Marien-Ngouabi, pour sa part, voit ses amphithéâtres numérisés et ses laboratoires réhabilités, répondant aux impératifs de la transition numérique.
Dialogue renforcé avec la société civile
La démarche participative a constitué un marqueur fort du second C2d. Invités permanents du Cos, les représentants de la société civile ont pu suivre la traçabilité des décaissements et réaliser des visites in situ. « Nous constatons enfin une corniche accessible au public et une transparence accrue sur les marchés », témoigne un porte-parole de la plate-forme « Veille Citoyenne ». L’échange ouvert contribue à renforcer la redevabilité et à réduire les asymétries d’information souvent sources de malentendus.
Perspectives 2025-2029 : cap sur l’impact durable
À l’heure d’esquisser un éventuel troisième cycle, les négociateurs insistent sur la cohérence avec le Plan national de développement 2022-2026 et l’Agenda 2030. L’idée directrice est de privilégier des projets à forte intensité d’emplois et à faible empreinte carbone, conformément aux engagements climatiques présentés par le Congo lors de la COP27. Des sectoriels tels que l’assainissement de Pointe-Noire ou la gestion des inondations de Brazzaville, déjà identifiés, nécessiteront un calibrage financier au-delà des guichets traditionnels de l’aide publique.
Pour l’heure, 150 milliards de francs CFA ont déjà trouvé preneur, parfois jusque dans les allées d’un lycée rénové ou au pied d’un ouvrage d’art flambant neuf. Au-delà des chiffres, la diplomatie économique s’affirme comme un pilier de la relation bilatérale. Comme le résume Christian Yoka : « Notre ambition est claire : convertir la dette d’hier en un capital de confiance durable ». Les partenaires, conscients de la visibilité offerte par ces réalisations, entendent garder ce cap, preuve que l’ingénierie financière peut se mettre au service d’une coopération gagnant-gagnant.